En découvrant l’histoire des vêtements Psycho Bunny, j’ai tout de suite trouvé qu’elle ressemblait à celle de la marque Crocs, mais à l’envers. Tandis que les chaussures colorées inventées au Québec ont été acquises par des Américains, les polos colorés créés à New York sont passés aux mains de Montréalais qui ambitionnent d’en faire un succès international.

Encore très peu connue au Québec, Psycho Bunny est une marque de vêtements haut de gamme pour hommes et enfants qui compte déjà 76 boutiques aux États-Unis et 9 au Canada. Une seule se trouve au Québec, celle au Carrefour Laval, ouverte l’an dernier.

Des partenaires d’affaires exploitent aussi 80 points de vente en Amérique du Sud, un à Dubaï et 15 au Japon, m’a raconté la présidente Anna Martini, en poste depuis un an. En parallèle, la marque est vendue en gros à de grands magasins comme Harry Rosen, Bloomingdale’s et Nordstrom.

Ce n’est qu’un début, martèle avec conviction celle qui a quitté son poste de vice-présidente exécutive et chef de la direction financière du Canadien de Montréal pour piloter l’expansion de la marque.

Ça va être la nouvelle perle au Québec. Un jour, ça va être un gros joueur mondial comme un genre de Lacoste et Hugo Boss. Ça s’en vient !

Anna Martini, présidente de Psycho Bunny

Pour le moment, 225 personnes travaillent au siège social de Montréal.

Pour faire sa place, Psycho Bunny mise sur des styles « colorés, audacieux et edgy » ainsi que sur la qualité de ses vêtements fabriqués à 80 % au Pérou, un pays reconnu pour son coton Pima, l’un des plus doux et luxueux au monde. Son autre atout : son logo omniprésent représentant un lapin qui se donne des allures de tête de mort. « Les gens trippent un peu là-dessus, dit Anna Martini, car ils sourient en voyant le logo. »

L’équipe de direction de Montréal n’est pas très bavarde ni précise en ce qui concerne les premières années de la marque. Des textes publiés il y a plusieurs années permettent d’apprendre qu’elle a été créée en 2005 par un designer britannique spécialiste de la cravate grâce à son… congédiement surprise. Robert Godley avait déménagé à New York pour prendre la tête du département de création de Polo Ralph Lauren, mais a été remercié au bout de six semaines. Avec un associé, il en a profité pour créer une entreprise de cravates avec un logo de lapin dont la gamme de produits s’est élargie au fil du temps. Après 10 ans de vente en gros à divers magasins, Psycho Bunny a ouvert son premier point de vente à Miami, en 2015. Après ce succès, les ouvertures se sont multipliées.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Pour faire sa place, Psycho Bunny mise sur des styles « colorés, audacieux et edgy » ainsi que sur la qualité de ses vêtements fabriqués à 80 % au Pérou, un pays reconnu pour son coton Pima, l’un des plus doux et luxueux au monde.

Depuis 2021, Psycho Bunny appartient au discret Montréalais Alen Brandman. L’homme d’affaires est propriétaire d’une série d’entreprises, dont Thread Collective, qui fabrique des vêtements pour des marques prestigieuses comme Nautica, Kenneth Cole, bebe, Hunter, Scotch & Soda. Son siège social est dans la rue Levy, dans l’arrondissement de Saint-Laurent. Eh oui, surprise, il y a une touche québécoise dans ces grandes marques internationales !

L’inverse est aussi vrai.

Un des actionnaires de Psycho Bunny est une fiducie de Singapour liée au milliardaire australien Brett Blundy, qui a fait fortune dans la vente au détail et l’agroalimentaire, selon Forbes. L’homme aux 2 milliards US réside actuellement à Monaco, nous apprend le Registraire des entreprises du Québec. Le chef du développement, Kenneth Minzberg, de Hampstead, qui a travaillé chez Aldo et Reitmans, ainsi que Bertrand Cesvet, l’un des cofondateurs de Sid Lee et ex-président de cette agence de publicité, font aussi partie de la liste des investisseurs.

Bertrand Cesvet m’a raconté que c’est lui qui avait contacté Alen Brandman pour devenir actionnaire de la marque et participer à son développement. « Elle a beaucoup de personnalité. Ce que la marque amène, c’est de la couleur. C’est une marque très positive dans son essence, et c’est de la qualité, c’est même plus cher que Lacoste », mentionne celui qui occupe le poste de directeur exécutif de la création depuis environ 18 mois.

Pour piloter l’ouverture de nouveaux magasins Psycho Bunny, autant au Canada qu’ailleurs dans le monde, ces investisseurs avaient besoin de recruter une personne d’expérience. C’est là qu’Anna Martini est entrée en scène, en janvier 2023.

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Anna Martini

La comptable de formation, très connue dans l’industrie de la mode, a dirigé le Groupe Dynamite (Dynamite et Garage) pendant 13 ans. Après avoir recommandé au gouvernement du Québec la création de la grappe métropolitaine de la mode, baptisée « mmode », elle a travaillé à sa mise sur pied. En 2017, elle avait fait le saut dans le monde du hockey, à la surprise générale. « Je suis revenue à mon amour de la vente au détail », m’a-t-elle dit avec un large sourire et des étoiles dans les yeux.

D’ici 3 ou 4 ans, Psycho Bunny prévoit d’exploiter près de 130 boutiques au Canada et aux États-Unis. Si tout se passe comme prévu, la marque fera le saut en Europe en 2025, sans doute en Espagne ou en France.

Pour accroître sa notoriété, l’entreprise souhaite nouer des partenariats avec le milieu sportif. Une première entente a été conclue avec Tennis Canada. Lors des prochaines coupes Davis et Billie Jean King, l’équipe canadienne portera des vêtements arborant le lapin fou, tout comme les bénévoles et ramasseurs de balles de l’Omnium Banque Nationale. Bertrand Cesvet m’a aussi confié qu’il espère associer Psycho Bunny avec des évènements majeurs comme la F1 et le circuit universitaire américain (NCAA). Ce serait tout un exploit.

À travers le lot de nouvelles économiques déprimantes, il est rafraîchissant d’apprendre qu’une entreprise montréalaise a de grandes ambitions pour faire sa place à l’international. Qui sait, peut-être qu’un jour elle pourra, comme Crocs, se targuer d’être présente dans 85 pays et de réaliser des ventes annuelles de plus de 5 milliards. On lui souhaite.