Médicaments d’ordonnance

Les dépenses ont doublé en 20 ans au Canada

En 2020, 33 milliards de dollars ont été dépensés en médicaments d’ordonnance au Canada, ce qui représente pratiquement le double des 17 milliards enregistrés en 2001. Cette « augmentation frappante » risque de se poursuivre dans les prochaines années, révèle une étude menée par des chercheurs canadiens.

Dépenses doublées

Dans les milieux hospitaliers comme externes, la tendance est la même : les dépenses de 2020 sont environ deux fois plus importantes que celles de 2001. « En milieu hospitalier, c’était environ 2 milliards en 2001 et presque 5 milliards en 2020. À l’externe, c’était juste en dessous de 15 milliards, et ensuite près de 28 milliards », explique le professeur adjoint à la faculté de médecine de l’Université Laval Jason Robert Guertin, qui a participé à l’étude.

Montée des biomédicaments

Ce sont des médicaments abordables, mais touchant une grande partie de la population, qui occupaient précédemment la proportion la plus importante des dépenses canadiennes. L’atorvastatine, qui traite l’hypercholestérolémie, coûtait alors quelques dollars par jour, mais se vendait à grand volume. « Au début, les gros coûts venaient des maladies chroniques communes, remarque le professeur. Puis un transfert s’est fait vers des biomédicaments, qui traitent des maladies plus pointues avec des groupes restreints de patients, mais qui coûtent extrêmement cher à l’unité. »

Poids lourds

L’infliximab (1,2 milliard), un anticorps monoclonal chimérique qui traite des maladies auto-immunes, est celui qui a coûté le plus cher en vente externe en 2020. Une dose de 100 mg coûte plusieurs centaines de dollars. À plus de 4000 $ pour 100 mg, le pembrolizumab représente quant à lui la plus importante dépense en milieu hospitalier. Les Canadiens ont dépensé plus de 360 millions de dollars pour en obtenir en 2020.

Rythme insoutenable

Le taux de croissance annuel des dépenses en médicaments d’ordonnance a, en moyenne, grimpé de 4 % dans les pharmacies et de 7 % en milieu hospitalier entre 2001 et 2020. Ce sont des augmentations auxquelles il faudra faire attention, prévient Jason Robert Guertin. « Ultimement, on ne peut pas avoir des dépenses constantes qui perdurent durant des décennies, affirme le chercheur. On ne pourra pas toujours augmenter comme ça. Le fait qu’on dépense autant reflète nos choix collectifs antérieurs et ceux de nos décideurs. »

5,4 milliards

La Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) a indiqué à La Presse que pour l’année financière 2020-2021, donc du 1er avril 2020 au 31 mars 2021, « le coût total des médicaments et des services pharmaceutiques fournis à l’ensemble des personnes assurées par la Régie a atteint plus de 5,410 milliards », une augmentation de 5,1 % par rapport à l’année précédente.

Le privé coûte plus cher

Dans la province, les personnes qui sont couvertes par une assurance médicaments privée doivent débourser en moyenne 9,35 $ de plus que celles qui adhèrent au régime public d’assurance médicaments de la RAMQ, pour le même médicament. Cela signifie que le privé coûte 17,6 % de plus que le public, montre une recherche effectuée par Michel Chamoun dans le cadre de sa maîtrise à la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal. Un médicament prescrit coûte en moyenne 62,34 $ chez les assureurs privés, contre 52,99 $ au régime public.

Vente libre

En 2021, la valeur du marché total des médicaments en vente libre correspondait à près de 3,8 milliards de dollars, démontrent des données fournies à La Presse par la multinationale de données en santé IQVIA. Leur taux de croissance est cependant plus bas que la moyenne : de 2019 à 2021, on note seulement une augmentation de 2 % des dépenses. Les vitamines, les analgésiques (qui soulagent la douleur) et les suppléments naturels sont ceux qui occupent les plus grandes parts du marché.

Retard politique

En décembre 2021, le ministre de la Santé du Canada, Jean-Yves Duclos, a retardé de six mois l’entrée en vigueur d’une réglementation ayant pour but de réduire le coût des médicaments brevetés au Canada. Après quatre reports, sa mise en place est désormais prévue pour le 1er juillet 2022. D’abord annoncé par Santé Canada en 2019, ce plan voulait protéger la population des « prix excessifs » des médicaments.

Pistes de solution

Jason Robert Guertin est conscient qu’on ne peut pas « mettre en place un programme entièrement couvert par le public du jour au lendemain ». Ce serait une bonne idée, puisque l’instauration d’un programme national d’achat des médicaments augmenterait le pouvoir de négociation de la population auprès des sociétés pharmaceutiques, soutient-il. M. Guertin suggère aussi de recourir davantage aux biosimilaires, des molécules qui ressemblent aux biomédicaments, mais qui coûtent moins cher. « Avoir plus d’information sur les dépenses en santé est fondamental », affirme le chercheur.

Projections

D’ici 2023, l’étude pancanadienne prévoit une poursuite de la croissance des dépenses dans les hôpitaux et les milieux externes. « Les dépenses cumulatives augmentent d’environ 1 milliard par année, ce qui devance l’inflation générale du marché, précise-t-on. Cette expansion est probablement due aux nouvelles approbations de produits, aux prix d’entrée plus élevés pour de nouveaux médicaments et à une utilisation grandissante. » Le groupe de chercheurs, qui travaille déjà sur une mise à jour de ses données, compte maintenant produire un rapport traitant de l’augmentation des dépenses en médicaments d’ordonnance sur une base annuelle.

Évolution des dépenses en médicaments au Canada

Milieu hospitalier

2001 : 2 milliards

2020 : 5 milliards

Vente externe

2001 : 15 milliards

2020 : 28 milliards

Total

2001 : 17 milliards

2020 : 33 milliards

Source : Trends in Canadian prescription drug purchasing : 2001 – 2020

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