Le « nouveau chapitre » de la livraison électrique

Une jeune pousse montréalaise vient de mettre la main sur la toute nouvelle fourgonnette électrique de Ford, qui ouvre un « nouveau chapitre » de la décarbonation des transports moyens et lourds. Mais elle accuse Québec de ne pas en faire assez pour appuyer la transition énergétique des PME.

Elles n’ont que quelques centaines de kilomètres au compteur, mais les deux nouvelles fourgonnettes E-Transit arrivées il y a une dizaine de jours chez Courant Plus ont déjà séduit ceux et celles qui les conduisent.

« C’est vraiment bien, c’est comme conduire une auto », confie Noémie Hautcœur, l’une des nombreuses femmes qui travaillent pour cette petite entreprise montréalaise de livraison, dont le parc de véhicules est entièrement électrique.

Arrivée sur le marché canadien en mars, la fourgonnette E-Transit de Ford est le premier camion électrique de série offert sur le marché nord-américain, ce qui changera considérablement la donne, estime Clément Sabourin, cofondateur et chef du développement de Courant Plus.

« On sort de la préhistoire », lance-t-il, expliquant que la seule façon d’avoir un camion électrique auparavant était de convertir un véhicule conventionnel, avec un taux de réussite variable selon les entreprises qui offrent ce service. « C’est un nouveau chapitre », affirme-t-il.

Québec peut faire plus

Mais le parcours des petites et moyennes entreprises (PME) qui veulent diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) est encore parsemé de trop d’embûches, regrette Clément Sabourin, qui reproche au gouvernement québécois de ne pas en faire assez pour stimuler la transition énergétique.

« C’est très compliqué », a-t-il lui-même constaté ; l’entreprise qu’il a fondée en 2019 s’est par exemple souvent butée à des bailleurs de fonds et des assureurs se montrant sceptiques devant le prix de ses camions, considérablement plus élevé que celui de leurs équivalents à combustion.

À ces difficultés s’ajoutent le manque de connaissances, l’absence d’obligation ou encore la complexité et le manque d’accessibilité des programmes d’aide, de sorte que bon nombre d’entreprises jettent l’éponge, affirme M. Sabourin.

« On a vraiment bataillé », se souvient-il, soulignant que l’aventure aurait été impossible sans le fonds d’investissement Fondaction.

C’est entre autres pourquoi Courant Plus fait maintenant affaire avec Seven Generation Capital pour agrandir son parc de véhicules.

Cette autre jeune pousse se spécialise dans l’électrification des parcs de véhicules commerciaux ; elle conseille les entreprises sur le choix le plus adapté pour elles, fait l’acquisition des véhicules et les loue, évitant ainsi aux entreprises les obstacles que sont le prix d’acquisition et le manque de connaissances internes sur le sujet.

« Il y a urgence, le GIEC l’a encore dit, il faut que nos émissions [de GES] plafonnent en 2025, ça n’arrivera pas si on ne bouge pas, et nous, on veut montrer que c’est possible », explique Frédéric Bel, vice-président responsable du marketing et du développement des affaires de l’entreprise.

Ministre « défaitiste »

L’affirmation du ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec, Benoit Charette, qui a déclaré la fin de semaine dernière qu’il était impossible de réduire davantage les émissions de GES de la province, fait bondir Clément Sabourin.

Lisez l’article « “Impossible” d’en faire plus, juge Benoit Charette »

« Ça me rend malade, c’est du défaitisme », lance-t-il.

Les solutions existent, mais il faut des mesures d’écofiscalité pour accélérer leur adoption, estime l’entrepreneur.

« La CAQ n’aime pas ce mot-là, mais l’écofiscalité, ce n’est pas juste des taxes en plus, c’est aussi des incitatifs. »

– Clément Sabourin, cofondateur et chef du développement de Courant Plus

Il déplore par exemple que les appels d’offres publics n’offrent « aucun point en plus à être électrique », de sorte que « c’est encore la règle du plus bas soumissionnaire qui s’applique ».

L’accès aux options est aussi un enjeu qu’illustre très bien la fourgonnette E-Transit, affirme M. Sabourin : Ford n’en aurait qu’une vingtaine à disposition pour le marché québécois, lui a dit le concessionnaire. Questionné par La Presse, le constructeur a indiqué ne pas vouloir divulguer cette information.

« C’est la guerre pour avoir les véhicules, on se bat », dit M. Sabouin, soulignant que les États qui ont adopté des législations plus contraignantes ont un meilleur accès aux véhicules électriques.

« Ce n’est pas magique, dit-il. Ce n’est pas la main invisible du marché qui va nous faire répondre aux défis climatiques et sociaux auxquels on fait face. »


EN SAVOIR PLUS

20 tonnes
Quantité de gaz à effet de serre évités annuellement par les deux nouvelles fourgonnettes de Courant Plus

Source: SOURCE : COURANT PLUS

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