Haine envers les femmes

Les écrits d’un adorateur de Marc Lépine ont semé la peur à l’UQAM

Des trucs pour commettre une tuerie dans une école, des appels à tuer des féministes et à brûler les universités, des montages de photos de Marc Lépine armé jusqu’aux dents. Les publications du blogueur antiféministe Jean-Claude Rochefort ont semé la peur à l’UQAM avant les commémorations de la tuerie de la Polytechnique en 2019.

Le procès de Jean-Claude Rochefort pour incitation à la haine contre les femmes s’est ouvert lundi au palais de justice de Montréal. Selon la Couronne, l’homme de 73 ans a volontairement tenu des propos haineux envers les femmes sur son blogue à l’automne 2019 en faisant « l’éloge de la tuerie commise par Marc Lépine » le 6 décembre 1989. Quatorze femmes sont mortes ce jour-là.

Dans les écrits et les montages de photos déposés en preuve lundi, l’auteur du féminicide de masse est dépeint comme un « héros et un rôle modèle », et aussi comme un homme « plus grand que nature ».

Sur l’un des montages, la tête de l’assassin est collée sur le corps d’un homme tenant un pistolet. Un policier lui lance alors : « Fais-nous une faveur Marc, tue toutes ces salopes. »

« Elles ont toutes le diable en elles. ON NE DIT PAS ICI tirez sur tout ce qui bouge, nous disons SOYEZ PRETS. »

– Extraits des écrits et des montages de photos de Jean-Claude Rochefort

« Plus on avançait vers le 6 décembre, plus les images étaient violentes », a témoigné lundi Serge Vincelette, technicien en sécurité publique à l’UQAM. C’est lui qui a contacté les policiers à la suite de la dénonciation d’un professeur en études féministes de l’UQAM.

« Il parle de vengeance dans les écoles, de tuer des femmes, des féministes. On vise des femmes plus cultivées, avec l’arme utilisée par Marc Lépine. On a un Marc Lépine qui dit : “OK girl, if it’s the way you see it, preemptive strike” [OK, fille, si c’est ainsi que tu le vois, une attaque préventive] », a énuméré Serge Vincelette.

Dans une publication, le blogueur encourage même les « disciples de Marc Lépine à brûler ces “lieux maléfiques [evil places]” en référence aux universités. Ce billet constituait une “menace” à l’institution uqamienne », selon Serge Vincelette.

Dans les circonstances, l’UQAM a décidé d’augmenter la sécurité le jour des commémorations.

Le logo de l’UQAM se trouvait d’ailleurs dans plusieurs billets du blogue, tout comme les visages des professeurs en études féministes Francis Dupuis-Déri et Mélissa Blais. « Il y avait une page spécifiquement sur moi : insultons Francis Dupuis-Déri », a témoigné ce dernier.

Le professeur a décidé de contacter la sécurité de l’Université en lisant que le blogueur appelait à célébrer la « Saint-Marc-Lépine Day » à l’UQAM lors des commémorations de la tuerie de Polytechnique.

Également ciblée par Rochefort, la professeure à l’UQAM Mélissa Blais y voit un « mélange de misogynie, de haine des femmes et d’antiféminisme ». Elle se souvient d’avoir lu sur le blogue une « recette sur comment commettre un attentat dans des écoles », a-t-elle expliqué.

À l’automne 2019, Mélissa Blais participait à la coordination des évènements commémoratifs de Polytechnique. Les commémorations ont dû avoir lieu avec « beaucoup de sécurité ». Son groupe de femmes a d’ailleurs préféré souligner l’évènement dans une librairie, loin des grands rassemblements.

60 000 lecteurs

Lors de son témoignage à l’enquête sur remise en liberté – déposée en preuve lundi –, Jean-Claude Rochefort n’a pas caché être l’auteur des publications.

Populaire chez les « incels », son blogue était lu par près de 60 000 personnes dans le monde, selon l’adorateur de Marc Lépine.

Dans une requête en récusation déposée lundi, la défense donne un aperçu de la possible défense de Jean-Claude Rochefort : son blogue viserait les « féministes » et non les femmes en général, comme le stipule le chef d’accusation.

« Les propos contenus dans les blogues nomment, en termes littéraux, les féministes plutôt que les femmes. L’auteur précise même que pour lui, il existe une grande différence entre femmes et féministes. […] Est-ce que l’intention réelle est de viser les femmes en général ? Est-ce que viser les féministes est la même chose que viser les femmes ? », se demande MRodolphe Bourgeois. Il reproche au juge d’avoir affirmé que les blogues discutaient des « femmes en général ».

Le juge Pierre Labrie a toutefois refusé de se retirer. La défense estimait que le juge était inhabile à instruire le procès après avoir conclu que l’accusé avait menti la semaine dernière sur les motifs de son absence à la sélection du jury.

Le juge Labrie lui a d’ailleurs retiré son droit à un procès devant jury.

Le procès se poursuit mardi.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.