étude démographique de HEC Montréal

Le tiers des défunts seraient morts dans les semaines suivantes

Environ le tiers des Québécois à qui on a attribué la cause du décès à la COVID-19 lors de la première vague seraient très probablement morts d’autres causes dans les semaines suivantes, suggère une étude démographique fraîchement publiée par deux chercheurs de HEC Montréal.

L’analyse, qui est basée sur des données de décès très précises, incluant l’âge, le sexe, ainsi que le lieu de résidence et de mort des défunts, doit être interprétée avec prudence, note Pierre-Carl Michaud, coauteur de l’étude et titulaire de la Chaire de recherche sur les enjeux économiques intergénérationnels.

Même si un certain nombre des défunts étaient effectivement en fin de vie, le Québec a tout de même connu un important excès de mortalité entre mars et juin, représentant environ 4300 morts de plus que ce qui était normalement attendu pour cette période.

Les données montrent néanmoins qu’il y a eu 570 décès de moins liés à des cancers que normalement, et 280 morts de moins attribués à des maladies cardiaques.

Surplus de mortalité

Même si peu d’autopsies ont été réalisées et que d’autres causes de décès étaient sous-jacentes, le fait d’attribuer ces décès à la COVID-19 « correspond aux règles édictées par l’OMS », souligne M. Michaud. Celles-ci précisent que les décès liés à la pandémie de COVID-19 doivent « être comptabilisés indépendamment des affections préexistantes qui sont soupçonnées d’avoir déclenché une évolution grave de la COVID-19 ».

Le surplus de mortalité constaté par l’étude est, sans grande surprise, particulièrement marqué dans les CHSLD québécois, où il a été 2,5 fois supérieur à la normale entre mars et juin. Par comparaison, la Colombie-Britannique, province largement moins touchée que le Québec par la pandémie, a connu une hausse de mortalité de l’ordre de 60 % dans ses établissements pour personnes âgées pendant la même période.

Fait intéressant, les données montrent que le surplus de mortalité dans les établissements de Colombie-Britannique est survenu au tout début de la pandémie, mais que celui-ci s’est vite résorbé. « Selon nous, ce sont les mesures mises en place très vite par la Colombie-Britannique, où le gouvernement a vite interdit les déplacements de personnel entre les établissements et imposé des règles très strictes, qui expliquent qu’ils s’en soient mieux tirés », estime M. Michaud. Cette hypothèse devra cependant faire l’objet d’études scientifiques plus poussées, reconnaît-il.

Mystérieuse baisse de la mortalité hospitalière

Le risque de mourir du nouveau coronavirus est passé de 25 % en mars à 7,6 % en août, selon une étude américaine

Le risque de mourir de la COVID-19 chez les patients qui sont hospitalisés a diminué de 70 % entre mars et août, selon une nouvelle étude américaine. Les chercheurs de l’Université de New York ont tenu compte de l’âge des patients dans leur analyse.

« On voyait souvent ce genre d’analyse, mais il y avait toujours des problèmes méthodologiques à cause des changements de critères des tests de dépistage et de la question de l’âge », explique Christopher Petrilli, l’un des auteurs de l’étude publiée à la fin du mois d’octobre dans le Journal of Hospital Medicine. « Nous avons décidé de nous concentrer sur les patients hospitalisés, parce que normalement, le degré de sévérité suffisant pour qu’une hospitalisation soit justifiée est un critère qui ne change pas beaucoup. »

À partir de 5121 dossiers de trois réseaux d’hôpitaux universitaires de New York, les chercheurs ont calculé que le risque de mourir était de 25 % en mars et de 7,6 % en août. Cette baisse a été particulièrement marquée au début de la pandémie, le taux de mortalité hospitalière ayant chuté à 12 % en mai.

« Il nous reste maintenant à déterminer si cette baisse est due à un changement dans la démographie des patients, qui étaient plus souvent des femmes en août qu’en mars, à l’introduction de quelques médicaments spécifiques pour la COVID-19 comme les anticoagulants et les anti-inflammatoires, à des améliorations plus générales comme le moment et les circonstances de l’intubation, ou simplement au fait qu’il y a moins de monde dans les hôpitaux et que le personnel a plus de temps pour s’occuper des patients », dit le DPetrilli.

Si l’affluence dans les hôpitaux joue un grand rôle dans le taux de mortalité, cela signifie-t-il qu’il est possible d’éviter le confinement en augmentant la capacité des hôpitaux ?

« En théorie, oui, mais c’est très difficile de faire en sorte qu’on ait assez de personnel, il y a une grande pénurie en ce moment », dit le DPetrilli.

La Presse a demandé à Donald Vinh, microbiologiste et infectiologue au Centre universitaire de santé McGill (CUSM), son avis sur l’étude. « Il faut se souvenir que les systèmes de santé canadien et américain sont très différents, dit le DVinh. Il y a beaucoup plus d’inégalités dans les soins aux États-Unis. Alors ce qu’on voit là-bas ne s’applique pas nécessairement ici. »

« Récolte préliminaire »

Au Québec, il y a eu aussi une baisse de la mortalité hospitalière de la COVID-19, selon une conférence donnée le 5 novembre par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Mais le taux avait seulement baissé de 29 % à 18 % entre avril et septembre. À noter, au début de la pandémie au Québec, à la fin de février, le taux de mortalité hospitalière était inférieur à 20 %.

Le taux de mortalité peut chuter pour différentes raisons. « Il peut y avoir un aspect de “récolte préliminaire” [harvesting] en ce sens que les patients plus vulnérables, à cause de leur état ou de facteurs génétiques, ont été emportés au printemps, dit le DVinh. Il peut aussi y avoir un affaiblissement du virus. Ou alors il peut y avoir des améliorations dans les soins, soit par des nouveautés ou à cause de l’organisation des soins. »

Le virus ne semble pas vouloir s’affaiblir, note le DVinh. « On a récemment vu qu’une variante semble se transmettre plus facilement. » Cette variante, qui contient des mutations génétiques par rapport à la souche qui est apparue en Chine au début de l’année, a été au départ identifiée chez des travailleurs agricoles en Espagne, selon une étude publiée la semaine dernière sur le site de prépublication scientifique MedRxiv par des chercheurs européens. Cette nouvelle variante représente 80 % des cas cet automne en Espagne et au Royaume-Uni, et 40 % en France et en Suisse.

Sur le plan des changements dans l’organisation des soins, on hospitalise moins rapidement les patients, selon le DVinh. Mais cela devrait faire augmenter le taux de mortalité, parce que ceux qui se retrouvent dans une chambre d’hôpital sont plus malades. Au Québec, un changement important a été la fin de la mobilité du personnel entre les CHSLD, selon le spécialiste du CUSM.

En chiffres

27,2 % des hommes qui ont été hospitalisés pour la COVID-19 au Québec entre février et juillet sont morts.

24,6 % des femmes qui ont été hospitalisées pour la COVID-19 au Québec entre février et juillet sont mortes.

42,7 % des personnes de plus de 90 ans qui ont été hospitalisées pour la COVID-19 au Québec entre février et juillet sont mortes.

Source : INSPQ

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