Santé

Du cannabis pour vaincre la dépendance à la cocaïne

Combattre la dépendance à la cocaïne avec un composé de la marijuana : tel est le pari de chercheurs montréalais qui lancent ce mois-ci une étude clinique pour vérifier leur thèse. Leur but est de recruter 110 patients à Montréal et d’avoir des résultats d’ici trois ans.

« On sait depuis un certain temps que le cannabidiol peut combattre les dépendances », explique Didier Jutras-Aswad, chercheur au Centre de recherche du CHUM (CRCHUM), qui dirige l’étude clinique. 

« On avait observé que le cannabis peut avoir des effets différents selon les personnes, alors on a étudié l’effet de plusieurs de ses composantes. On a été surpris de voir qu’en grosse concentration, le cannabidiol avait l’effet inattendu de contrer la dépendance aux drogues. » 

« On était surpris parce que le THC, la composante la plus connue du cannabis, a un effet inverse et peut favoriser l’apparition de dépendances. »

— Le Dr Dider Jutras-Aswad, directeur de l’étude clinique

Le cannabidiol est l’un des 60 composants actifs de la marijuana. Le psychiatre montréalais utilise une molécule fabriquée par la société américaine Insys, qui fabrique aussi un autre composant du cannabis pour contrer la nausée causée par les traitements anticancer. Insys commercialise également un opioïde utilisé pour les douleurs liées au cancer.

PARADOXE ?

N’est-il pas paradoxal que la marijuana ait des effets inverses ? 

« C’est une plante très hétérogène, dit le Dr Jutras-Aswad. De plus, d’un échantillon à l’autre, les concentrations des différents composants varient beaucoup. Le cannabidiol a des effets antipsychotiques et diminue l’anxiété. »

« Le THC, lui, peut aussi avoir un effet relaxant chez certaines personnes, mais il peut également précipiter les états anxieux et les crises de panique. Ça dépend du profil de la personne, de la dose et de l’expérience que la personne a du cannabis. »

— Le Dr Didier Jutras-Aswad, directeur de l’étude clinique

Quel est le mécanisme d’action du cannabidiol pour les dépendances ? « Il y en a plusieurs, c’est assez complexe, dit le psychiatre du CRCHUM. On sait qu’il module les systèmes de neurotransmission, sérotoninergique, dopaminergique, opioïde ainsi que la réponse au stress. D’une manière générale, si on diminue le stress et l’anxiété des gens qui sont dépendants, le risque de rechute est moins élevé. »

S’agit-il du premier médicament contre la dépendance à la cocaïne ? « Il n’y a aucun traitement pharmacologique, dit le Dr Jutras-Aswad. Les autres approches, des thérapies, ont des succès mitigés. On pense que le cannabidiol pourrait être utilisé en combinaison avec la thérapie. »

UNE FRÉQUENCE DIFFICILE À ÉVALUER

Les données sur la dépendance à la cocaïne sont difficiles à établir. Selon l’Institut national sur l’abus de drogue des États-Unis (NIDA), un peu moins de la moitié des 1,3 million de personnes qui visitent un hôpital chaque année à cause d’une surdose avaient consommé de la cocaïne. Grosso modo, le tiers des personnes qui disent avoir consommé de la cocaïne dans la dernière année en avaient aussi consommé le dernier mois, selon les données de NIDA. Une proportion de 17 % des adultes américains de plus de 26 ans ont déjà essayé la cocaïne, mais seulement 0,5 % en ont pris dans le dernier mois, un indice souvent utilisé pour dénoter une habitude de consommation (pas nécessairement une dépendance). Le CRCHUM estime que 1 % de la population sera touchée durant sa vie par la dépendance à la cocaïne.

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