Politique

Le PLQ a-t-il perdu sa recette gagnante ?

Le Parti libéral du Québec (PLQ) n’a pas seulement subi une défaite historique dans son château fort de Saint-Henri–Sainte-Anne. Il semble avoir perdu sa recette gagnante, celle qui lui a permis de gagner 10 des 18 élections générales tenues depuis la Révolution tranquille.

Une recette assez simple : il y a une trentaine de circonscriptions au Québec qui comptent un nombre substantiel de non-francophones et qui sont d’ordinaire acquises au PLQ. Avec le pire résultat de toute leur histoire, les libéraux en avaient sauvegardé 20 lors du dernier scrutin.

Cette base électorale fidèle donnait un avantage au parti sur tous ses adversaires. Ensuite, on n’avait pas à gagner plus de la moitié des sièges restants pour obtenir un gouvernement majoritaire. Il y a toujours eu suffisamment de fédéralistes francophones pour faire l’appoint.

En plus, la communauté anglophone avait l’habitude de maintenir un taux de participation très élevé, ce qui a permis au PLQ d’avoir parfois une majorité de voix, même sans une majorité de sièges. C’est ce qui est arrivé en 1998, ce qui a stoppé l’élan du Parti québécois vers un nouveau référendum.

La peur ou le rejet de l’idée d’un nouveau référendum sur la souveraineté était, directement ou indirectement, toujours au cœur du message libéral. À l’époque où Jean Charest en était le chef, on disait qu’il lui suffisait de dire « référendum » pour gagner les élections.

C’était une recette gagnante, mais elle a fait que le PLQ est devenu un peu complaisant. Si la caisse électorale était pleine, on ne prenait pas beaucoup de temps pour se donner un programme très étoffé.

Ce qui est arrivé cette semaine dans Saint-Henri–Sainte-Anne montre que la recette ne fonctionne plus. Et cela devrait déclencher un signal d’alarme au PLQ.

Avec moins de 30 % des voix, le PLQ se retrouve avec son pire résultat de l’histoire de cette circonscription qu’il détenait depuis sa création. Alors que tout le monde prévoyait une lutte sans merci entre le PLQ et Québec solidaire, ce fut tout le contraire. La majorité de 2768 voix du nouveau député est confortable, étant donné qu’il s’agit d’une partielle.

Mais ce résultat montre aussi que même la base d’électeurs anglophones et allophones a soit voté pour la première fois pour un autre parti, soit boudé les urnes. À la fin, un siège qui devait être gagné d’avance pour les libéraux est passé à Québec solidaire. Le PLQ ne peut donc plus compter sur un vote automatique de la communauté anglophone.

C’est comme si le PLQ avait absolument besoin de la menace « séparatiste » pour s’assurer d’avoir une pertinence. Sans ce « meilleur ennemi », il lui est bien difficile de se définir. S’il ne peut plus prétendre être le parti de l’économie ou être modérément progressiste, alors que lui reste-t-il ?

Il y a plusieurs autres leçons à tirer de ce résultat. D’abord, cette victoire de Québec solidaire est aussi celle d’un candidat très compétent et bien enraciné dans la circonscription.

Tous les autres partis ont présenté quelqu’un qui avait mordu la poussière dans une autre circonscription aux élections générales d’octobre dernier. Les électeurs de Saint-Henri–Sainte-Anne ont vite vu qu’on leur avait parachuté des candidats et ont voté pour celui qui fait partie de la communauté. Comme quoi avoir un député qui connaît bien son monde reste une valeur qui a du poids en politique.

Pour Québec solidaire (QS), l’arrivée d’un 12e député est importante puisqu’elle lui donne le statut de parti politique reconnu à l’Assemblée nationale et qu’on ne devra plus quémander des privilèges, on fera valoir des droits.

Mais il ne faut pas exagérer l’effet de cette victoire pour QS. Saint-Henri–Sainte-Anne reste une circonscription de l’île de Montréal et rien ne permet de croire que cette victoire va permettre au parti de gauche de faire des gains à l’extérieur de Montréal, ou même dans sa grande banlieue qui reste la chasse gardée de la Coalition avenir Québec.

Quant au PLQ, le résultat de cette élection partielle risque d’éloigner encore davantage la possibilité qu’un candidat ou une candidate de l’extérieur se montre intéressé par le leadership libéral. Et ce serait bien la pire chose que d’avoir un autre couronnement quand on sait combien l’absence d’une course au leadership a fini par nuire à Dominique Anglade.

Il faudra donc faire avec les élus actuels, et même pour eux, le résultat n’est pas encourageant. Le chef intérimaire – et candidat potentiel à la direction – Marc Tanguay n’a pas ménagé ses efforts, passant presque tous ses moments libres dans la circonscription, mais sans résultat tangible.

Il a vite affirmé que le résultat était un échec, mais on ne sait pas encore quelles leçons il en a tirées. Mais, chose certaine, il n’a certainement pas trouvé la recette qui ramènera au Parti libéral ceux qui ont toujours été sa base électorale.

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