Élizabeth, 17 ans, a fait sa grande annonce il y a six mois : elle sera désormais végétarienne. « Je n’ai jamais vraiment aimé la viande, même petite. Vers 14 ans, j’ai pris conscience du fait qu’on aime nos animaux, mais qu’on en mange. Je suis devenue plus sensible aux conditions d’abattage aussi. »
Ce choix, avant tout éthique, n’a pas été une surprise pour son entourage. « Elle avait commencé à en parler. Ce n’est pas une grande sortie du placard. Même bébé, elle rejetait la viande en purée », se souvient son père, Gilles Grondin.
« On voit parfois ce choix chez des enfants, affirme la nutritionniste en pédiatrie Maryse Boutin. C’est toutefois une décision plus fréquente et plus drastique chez les adolescents. Dans ce cas, le virage s’accompagne d’une volonté de s’affirmer : on le fait pour se différencier des parents, être comme ses amis ou s’en distinguer. »
Les raisons invoquées pour expliquer ce choix sont généralement éthiques chez les jeunes : on ne veut pas encourager une industrie qui abat les animaux. S’ajoutent ensuite des considérations environnementales et, enfin, des arguments relatifs à la santé.
Élizabeth a coupé la viande, mais mange encore du poisson. Pour l’instant. « Je me laisse encore une marge de manœuvre. C’est plus simple de cette façon pour mes parents. C’est le début d’une réflexion, enchaîne-t-elle. Je me dis que lorsque je serai indépendante, je ferai peut-être d’autres choix, comme de devenir végétalienne. »
Un choix santé
Chez les Grondin, le fait d’avoir une végétarienne à table a généré de nouvelles façons de manger et un changement positif dans l’alimentation. Même constat chez les Rossier, où les trois enfants ont décidé l’un après l’autre de devenir végétariens.
« Je respecte beaucoup ce choix, affirme leur mère Geneviève, qui a choisi d’adapter les repas. Ça m’a fait réfléchir aux questions environnementales et éthiques que soulève le fait de manger de la viande. » Du coup, les parents s’y sont mis aussi et se réservent la possibilité de manger de la viande à l’extérieur de la maison.
Pour d’autres familles, ces décisions deviennent toutefois un casse-tête et une source d’inquiétude.
Selon la Société canadienne de pédiatrie, les diététistes du Canada, l’American Dietetic Association et l’American Academy of Pediatrics, il est possible d’être végétarien en période de croissance sans souffrir de carences alimentaires. L’enfant doit toutefois disposer des éléments nutritifs et de l’énergie dont il a besoin pour bien se développer.
« Si on enlève des produits d’origine animale, il faut trouver des façons de les remplacer, souligne la diététiste Stéphanie Thibault. Il est relativement facile de remplacer la viande par des légumineuses, du tofu, du tempeh, du seitan, des haricots de soya, des graines, des noix ou leur beurre. » Les boulettes, saucisses ou pépites végétariennes sont aussi des options. Comme elles sont bourrées d’additifs, elles devraient toutefois être consommées de manière occasionnelle.
Être végétarien ne veut pas nécessairement dire mal manger. Ou bien manger, d’ailleurs ! Après tout, on peut aussi être végétarien et se nourrir de frites.
« La variété et la diversité des aliments consommés s’appliquent, qu’on soit végétarien ou omnivore. »
— Cosette Gergès, fondatrice de Nutritionnistes en pédiatrie
Plus un régime est restreint, plus il nécessite un suivi rigoureux. « Manger végétarien n’est pas sorcier, mais ça exige une plus grande rigueur pour s’assurer d’avoir suffisamment de protéines, de gras oméga-3, de fer, de calcium et de vitamines D et B12, explique Mme Gergès. Chez les végétariens stricts, des suppléments seront parfois nécessaires. Un suivi avec un spécialiste de l’alimentation est aussi conseillé. »
Sonder les motivations
Un enfant qui fait ce choix doit être prêt à déployer les efforts nécessaires pour se renseigner et effectuer le virage sainement, car un régime végétarien déséquilibré peut mener à des retards de croissance et de développement, ainsi qu’à des carences nutritionnelles. À l’adolescence, on bâtit notamment son capital osseux et son système nerveux.
« Il n’est pas rare que, sous des prétextes de saine alimentation ou à travers des arguments éthiques, l’enfant souhaite en réalité perdre du poids », souligne Stéphanie Thibault, qui est spécialiste en troubles alimentaires.
« Un changement de régime peut indiquer un début de problème comme l’anorexie ou l’orthorexie [l’obsession de bien manger]. »
— Stéphanie Thibault, spécialiste en troubles alimentaires
Le parent doit surveiller les changements corporels qui accompagnent ce choix et sonder les motivations de l’enfant. « Souvent, dans un souci de reprendre sa santé en main, le parent cautionne ce choix et ne voit pas nécessairement le problème sous-jacent, observe également Maryse Boutin dans sa pratique. Un nutritionniste peut déceler un trouble alimentaire et référer l’enfant à un psychologue, au besoin. »
Des changements de poids, une activité physique accrue, le souci du nombre de calories ingurgitées, un désir de perfection ou une grande volonté de plaire sont certains des signaux à surveiller de près, indique la psychologue Julie Leduc.
« Le parent a des antennes. Si l’enfant a moins d’énergie, que son poids change, qu’il n’est pas présent à l’heure du repas, qu’il évite de manger de plus en plus d’aliments, c’est qu’il y a un problème. Il ne faut pas attendre l’urgence. »