nombre de décès

un bond de 48 % au sommet de la crise

La pandémie de COVID-19 a entraîné une hausse du nombre de décès de 48 % au plus fort de la crise, vers la fin du mois d'avril, selon des données rendues publiques par l’Institut de la statistique du Québec. Un surplus qui concorde avec les morts liées au coronavirus déclarées par les autorités sanitaires. Alors que la crise se résorbe, Ottawa suggère une application de traçage aux Canadiens et Québec ouvre les portes des CHSLD aux visiteurs.

surmortalité

« C’est quand même gros »

La pandémie de COVID-19 est responsable d’un surnombre de décès important au Québec, ayant provoqué jusqu’à 48 % plus de morts que le nombre de décès attendus pendant la semaine la plus intense de la crise, à la fin du mois d’avril et au début du mois de mai.

« C’est quand même gros ! Depuis au moins le début des années 2000, on n’avait pas vu ça. Il faudrait retourner à des pandémies précédentes comme la grippe espagnole pour trouver une chose semblable », affirme l’économiste Pierre-Carl Michaud, de la Chaire de recherche sur les enjeux économiques intergénérationnels de HEC Montréal.

Ce constat est tiré de nouvelles données de décès hebdomadaires compilées jusqu’au 23 mai, rendues publiques jeudi par l’Institut de la statistique du Québec.

Elles révèlent que 2090 personnes sont mortes au Québec dans la semaine qui s’est terminée le 2 mai, à l’apogée de la crise. Environ 1270 personnes meurent en temps normal pendant cette même semaine, selon la moyenne des cinq dernières années.

L’analyse de M. Michaud tient compte de l’évolution des morts normalement dus à l’influenza, mais aussi de la croissance normale de la population d’une année à l’autre.

« On constate qu’il y a eu un gros pic de mortalité qui correspond grosso modo aux morts liées à la COVID-19 déclarées par les autorités. Cela suggère que les autorités captent bien les décès, même si elles définissent de façon assez large les décès liés à cette maladie. »

— L'économiste Pierre-Carl Michaud

Son analyse tient compte de l’évolution des morts normalement dues à l’influenza.

À la mi-mai, le chercheur avait réalisé une première analyse « très préliminaire » basée sur le nombre de certificats de décès émis par le Directeur de l’état civil, qui suggérait que les décès avaient augmenté de 37,5 % pendant le mois d’avril. Le nouveau bilan est légèrement supérieur puisque l’Institut de la statistique reçoit des confirmations de décès avec un certain retard.

Sans grande surprise, les données montrent que la grande majorité (81 %) des personnes qui sont mortes pendant le pic d’infection étaient âgées de 70 ans et plus.

Les groupes plus jeunes ont connu une hausse de mortalité très faible.

Les chiffres ne permettent pas de voir s’il y a eu une hausse du nombre de décès liée à des rendez-vous médicaux manqués en raison de la crise. « Pour ça, il va falloir attendre les statistiques montrant les causes de décès », précise M. Michaud. Le chercheur fait l’hypothèse que deux forces se sont opposées : alors que des problèmes dans le réseau de la santé ont pu provoquer davantage de décès, le ralentissement économique majeur du mois d’avril a peut-être prévenu des accidents de la route ou au travail. « C’est une hypothèse qu’on peut faire, tout en demeurant prudent », dit M. Michaud.

Bilan du jour

Dans l’ensemble, la crise continue de se résorber au Québec. Alors que le bilan de la pandémie a franchi jeudi le cap des 100 000 cas au Canada, le Québec déplorait 42 nouveaux décès liés à la COVID-19.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux précise que 31 de ces décès sont survenus avant le 10 juin.

La province a rapporté 120 nouveaux cas au cours des 24 dernières heures, ce qui porte le total de personnes infectées à 54 383. Il s’agit d’une légère augmentation du nombre de cas quotidiens depuis les trois derniers jours, durant lesquels la progression des infections a chuté momentanément sous la barre des 100 nouveaux cas.

Le nombre d’hospitalisations a diminué de 53, pour atteindre 637. Parmi les personnes hospitalisées, 65 se trouvent aux soins intensifs, une baisse de 7 par rapport à mercredi.

Fait à noter, le Québec n’a pas connu de nouvelles admissions aux soins intensifs lundi et mardi. Le nombre de patients qui s’y trouvent est en déclin constant depuis la fin de mai.

Application de traçage

Ottawa accorde sa confiance à Shopify

Ottawa et Montréal — Le gouvernement canadien s’associe à Shopify et BlackBerry pour déployer une application mobile de traçage par Bluetooth qui, promet Justin Trudeau, va informer les utilisateurs s’ils sont entrés en contact avec une personne infectée par la COVID-19 tout en respectant la vie privée de Canadiens.

« Aujourd’hui [jeudi], on franchit une étape importante en vue de contenir le virus et de rouvrir l’économie de façon sécuritaire. On est en train de développer une application mobile à l’échelle du pays qui va informer les usagers s’ils ont été exposés à la COVID-19 », a affirmé le premier ministre durant sa conférence de presse à Rideau Cottage.

L’application, appelée COVID Shield, devrait être offerte au cours des prochaines semaines. Elle entrera en phase de test en Ontario dans les prochains jours.

Son utilisation restera entièrement volontaire, a insisté M.  Trudeau, « mais elle sera plus efficace si elle est téléchargée par le plus de gens possible », a-t-il ajouté.

Plusieurs provinces, dont l’Ontario et la Colombie-Britannique, ont déjà annoncé qu’elles adopteraient l’outil.

Exit l’application montréalaise

Québec, qui avait une préférence pour une application semblable développée à Montréal par MILA – Institut québécois d’intelligence artificielle, n’a pas encore clairement annoncé ses couleurs. Le cabinet d’Éric Caire, ministre responsable de la Transformation numérique gouvernementale, dit avoir rencontré Shopify et avoir eu plusieurs discussions avec le gouvernement fédéral et les provinces à ce sujet.

« L’application proposée est un outil de plus qui pourrait contribuer à réduire la propagation du virus. Nous devons explorer cette option pour déterminer si c’est quelque chose de pertinent pour les Québécois. À ce sujet, nous tiendrons des consultations cet été. »

— Nathalie Saint-Pierre, attachée de presse d’ Éric Caire

Développée sous la gouverne du chercheur de réputation internationale Yoshua Bengio, l’application de MILA s’est heurtée à une forte résistance de la part des autres provinces, ont indiqué différentes sources à La Presse. Le logiciel devait se servir du Bluetooth des téléphones cellulaires pour récolter les données d’interaction et de proximité entre les utilisateurs. C’est toutefois un algorithme d’intelligence artificielle qui devait informer les utilisateurs de leur niveau de risque d’infection, un concept accueilli froidement par les autres provinces.

Lignes de code d’Apple et de Google

L’application de Shopify a aussi été préférée à celle de MILA parce qu’elle utilisera des lignes de code fournies par Google et Apple pour permettre aux radios Bluetooth des téléphones iPhone et Android d’échanger des informations anonymes en arrière-plan. La technologie, créée par les deux multinationales expressément pour la pandémie, est moins énergivore et empêche le logiciel de partager les données personnelles d’interaction des utilisateurs sur un serveur centralisé sous le contrôle des autorités. Seules des informations anonymisées sont échangées, sur un serveur qui, en principe, ne permet pas aux autorités de récolter des données massives sur la population.

Shopify n’a voulu donner aucune entrevue pour expliquer le fonctionnement détaillé de son outil et du serveur qui sera déployé.

« L’application a été développée par des bénévoles de Shopify, mais elle appartient au gouvernement du Canada et est exploitée par ce dernier en collaboration avec les provinces et les territoires. »

— Sheryl So, porte-parole de Shopify

COVID Shield est programmé avec un code source ouvert, qui pourra être analysé et audité par des tiers et des experts informatiques.

« L’enjeu, ce sera d’avoir une masse critique d’utilisateurs. Si trop peu de gens l’installent, ça risque de créer un faux sentiment de sécurité », souligne l’expert en sécurité informatique Jean Loup Le Roux. Selon lui, la technologie développée par Google et Apple semble sécuritaire, notamment parce qu’elle ne permet pas de récolter de données de géolocalisation. « Tous les pays européens, sauf la France, se sont alignés sur ce standard. Le Canada fait un pas dans la bonne direction en choisissant une application qui se base sur cette interface », ajoute-t-il.

Comment ça marche ?

Des dizaines de pays ont déployé ces dernières semaines des applications semblables, qui utilisent toutes la technologie Bluetooth pour retracer les interactions entre les utilisateurs. Celles qui ont développé des applications n’utilisant pas le standard d’Apple et Google ont connu d’importants ratés. Le Royaume-Uni a annoncé jeudi une volte-face complète, après avoir constaté que son application programmée à l’interne n’enregistrait que 4 % des interactions entre les appareils iPhone. Le logiciel ne faisait pas la différence entre une interaction à trois mètres de distance d’une autre à un mètre.

Une fois téléchargées et installées sur le téléphone, ces applications se servent de la radio Bluetooth pour entrer en interaction avec celle des autres téléphones intelligents à proximité. En principe, la puissance du signal permet de déterminer à quelle distance une personne se trouve d’un autre utilisateur, et pendant combien de temps. Le processus se fait en arrière-plan, sans même que l’utilisateur en ait connaissance.

Les données d’interaction, rendues anonymes grâce à des identifiants aléatoires uniques qui changent plusieurs fois par jour, sont entièrement stockées sur le téléphone. Elles le quittent uniquement lorsqu’un utilisateur obtient un diagnostic positif à la COVID-19. Le cas échéant, un responsable de la Santé publique lui fournit un code temporaire lui permettant de transférer toutes ses données d’interaction sur un serveur dit « décentralisé ». Les autres utilisateurs qui sont entrés en contact avec l’individu infecté reçoivent alors une alerte les avertissant qu’ils sont à risque de contracter la maladie.

« Cette alerte va les encourager à contacter leurs autorités sanitaires locales. Aucun renseignement personnel ne sera recueilli ou partagé, et aucun service de localisation ne sera utilisé. La vie privée des Canadiens sera respectée », a affirmé le premier ministre Trudeau.

Devant les journalistes, M. Trudeau a indiqué que son gouvernement avait consulté le bureau du commissaire à la protection de la vie privée afin de s’assurer que l’application en voie de développement respectait les obligations des autorités canadiennes en matière de respect de la vie privée.

COVID-19

Les visites enfin autorisées en CHSLD

Plusieurs consignes et conditions devront toutefois être respectées

Québec — Des milliers de familles et résidants de CHSLD peuvent pousser un soupir de soulagement alors que Québec autorise (enfin) les visites en établissements. Une directive a été envoyée jeudi aux dirigeants des CISSS et CIUSSS leur présentant le Plan de déconfinement des CHSLD, en vigueur le 18 juin.

Isolés depuis des semaines, les résidants des CHSLD où il n’y a pas d’éclosion de la COVID-19 pourront recevoir des visiteurs et effectuer des sorties. Les sorties sans supervision ainsi que les séjours d’une durée de plus de 24 heures dans la collectivité sont désormais autorisés par les autorités de santé publique.

Pour ce qui est des visites, le visiteur devra être supervisé à son arrivée afin d’enfiler les équipements de protection nécessaires. À noter qu’il faut que les « ressources humaines pour la formation » soient disponibles et que la quantité de « masques de procédure » (masques chirurgicaux) soit suffisante pour que la visite soit permise.

Le plan de déconfinement du ministère de la Santé et des Services sociaux, que La Presse a pu consulter, indique que « ces mesures pourraient être resserrées si une recrudescence de la COVID-19 survenait au Québec ».

Pour les CHSLD qui composent toujours avec des cas de la maladie, les visites demeurent interdites pour l’instant. Pour les sorties, le document explique qu’elles ne sont pas non plus permises. Toutefois, « dans le cas d’une éclosion localisée », les résidants asymptomatiques de la zone non touchée pourraient être autorisés à sortir.

Dans ce dernier cas, l’autorisation devra être accordée sous recommandation de l’équipe de prévention et contrôle des infections ou de la direction de santé publique.

Le personnel fournissant des soins, comme les dentistes et les audioprothésistes, est aussi admis à compter de maintenant. C’est également le cas dans les CHSLD où il y a des cas de COVID-19, mais seulement dans les zones qui ne sont pas en éclosion.

D'autres assouplissements à venir

Le Ministère explique que le plan de déconfinement a été élaboré « en tenant compte s’il y a des éclosions COVID ou non » et que ces nouvelles mesures visent à « permettre aux résidents de retrouver eux aussi un quotidien plus normal ».

La visite du personnel embauché par le résidant ou la famille, « peu importe le service ou le soin offert », par exemple un coiffeur, ne sera autorisée qu’à compter du 26 juin. Même chose pour les bénévoles et les activités de loisirs rémunérées par l’établissement (zoothérapie, chansonnier). Pour ces services, aucune date n’est encore avancée pour les CHSLD touchés par la pandémie.

On crée également des « bulles », comme dans le milieu scolaire, pour permettre la tenue d’activités en salle à manger ou de groupes à l’intérieur.

Les visites en CHSLD, particulièrement atteints par la crise sanitaire, étaient interdites depuis le tout début de la pandémie à la mi-mars. Les proches aidants n’ont recommencé à être admis qu’à la mi-avril seulement.

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