COVID-19

Un peu d’air pour l’économie

Le gouvernement Legault a annoncé mardi le volet économique de son plan de déconfinement, qui prévoit la réouverture de nombreux détaillants dès le 4 mai en dehors du Grand Montréal. Une semaine plus tard, les commerces de la métropole ayant un accès à l’extérieur pourront aussi reprendre du service, tout comme les secteurs manufacturier et de la construction dans l’ensemble du Québec. Les entreprises devront respecter des « consignes clairement établies », a averti le directeur national de santé publique, qui évoque un « pari risqué », mais nécessaire.

les réactions de l’opposition

« Ce plan va tenir la route si, et seulement si, on est capables d’avoir de la protection pour les employés dans toutes les industries et les commerces et si on a une claire stratégie de tests. […] Toutes les juridictions qui ont fait un déconfinement minimalement réussi, elles ont ça. Il faut qu’on ait des protocoles clairs. »

— Dominique Anglade, députée et candidate à la direction du Parti libéral du Québec

« La priorité du gouvernement doit être d’assurer la santé et la sécurité des gens qui retournent travailler, et de prévoir des mécanismes pour préserver les emplois de ceux et celles qui ne sont pas en mesure de revenir sur leur lieu de travail. Il n’est pas question de forcer qui que ce soit à un retour au travail si on ne respecte pas à 110 % les consignes du guide sanitaire de la CNESST. » 

— Vincent Marissal, député de Québec solidaire

« Les conséquences économiques de la COVID-19 sont très grandes et plongent les entrepreneurs québécois dans la plus grande incertitude. Ils auront besoin d’accompagnement pour se remettre sur pied, car des tonnes de questions sur les mesures spécifiques vont surgir. [Le Parti québécois suggère] la mise en place d’une ligne d’information 1 800 DÉCONFINEMENT. » 

— Martin Ouellet, député du Parti québécois

Propos recueillis par Tommy Chouinard et Fanny Lévesque, La Presse

déconfinement économique

un « pari risqué »

QUÉBEC — Rouvrir des entreprises à compter du 4 mai et retourner au travail 500 000 personnes représente un « pari risqué », reconnaît le directeur national de santé publique, le Dr Horacio Arruda. Mais à ses yeux, il y a aussi un risque à maintenir très serré l’étau du confinement.

« Dans une société, il n’y a pas que les maladies infectieuses [qui] sont des déterminants de la santé. Moi, je veux éviter des suicides chez des propriétaires de PME, des divorces parce que ça va mal et de la violence faite aux enfants. Ça fait partie aussi des enjeux de santé qu’il faut être capables de mesurer », a expliqué le Dr Arruda mardi, alors que Québec a présenté son plan de réouverture des entreprises, 24 heures après celui des écoles primaires et des garderies.

Il ne faut pas se faire d’illusions, selon lui : il y aura recrudescence de la transmission du coronavirus et « il va y en avoir, des éclosions », à partir du moment où « on rouvre un peu ». « Certains pourront avoir besoin d’être hospitalisés » et « il pourrait y avoir même des personnes qui décéderaient », a-t-il indiqué, disant espérer que « pas trop de gens vont mourir ».

La réouverture progressive « veut minimiser » ces impacts potentiels et rendre le risque « pondéré ». « On ne demande pas aux gens qui sont à risque de se déconfiner ou d’aller travailler », a ajouté le Dr Arruda.

En étapes

Les détaillants ayant un accès direct à l’extérieur et situés en dehors de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) pourront rouvrir leurs portes au public le 4 mai, a annoncé le gouvernement Legault. Ceux de la métropole et des couronnes nord et sud devront attendre la semaine suivante.

Le secteur manufacturier, lui, redémarrera en deux temps à partir du 11 mai. Le même jour, l’ensemble de l’industrie de la construction pourra reprendre ses activités.

« À ce moment-ci, on se limite à ces secteurs-là parce que sinon, ça va être trop de monde trop vite dans le système, puis Dr Arruda ne sera pas content », a reconnu le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon.

Le Dr Arruda a répondu que sa « réticence » au sujet du déconfinement, « c’est de ne pas savoir ce qui va vraiment se passer et comment ça va se dérouler ». 

« Je peux vous dire que les consignes ont été clairement établies. Le travail a été fait pour que les ouvertures ne se fassent plus du tout comme antérieurement. »

— Le Dr Horacio Arruda

Il a tenu à être « clair » : « il n’y a rien, rien qui va m’empêcher de faire une recommandation de reculer à un certain endroit si nécessaire », a-t-il affirmé.

« Si la population ne suit pas les consignes comme telles, je ne serai pas gêné de recommander le confinement de façon importante pour ne pas nous retrouver dans une situation où on aura à choisir entre monsieur Y et monsieur X, ou madame Y et madame X pour les soins intensifs. »

Selon le premier ministre François Legault, une réouverture graduelle permettra de mieux mesurer l’impact du déconfinement sur la contagion et la situation dans les hôpitaux. « C’est important qu’on garde le contrôle », a-t-il insisté.

Limiter les contacts

Pierre Fitzgibbon a signalé que « tous les employés des entreprises manufacturières, de commerce et, en fait, de tous les secteurs qui sont en mesure de faire du télétravail devront continuer à le faire ».

Les centres commerciaux devront rester fermés pour l’instant, afin d’éviter les risques de rassemblements. Les restaurants, les salons de coiffure et les autres commerces de soins personnels demeurent aussi « sur pause ». Les secteurs culturel et touristique devront également patienter. « Ils feront ultérieurement l’objet de communications spécifiques en ce qui a trait à leur réouverture et aux modalités entourant celle-ci », a indiqué le gouvernement.

500 000 

Nombre de travailleurs, parmi les 1,2 million de personnes en arrêt à cause du coronavirus, qui pourront se remettre au boulot avec le déconfinement annoncé mardi, selon Pierre Fitzgibbon

François Legault a expliqué qu’il faut rouvrir les entreprises, car « on a besoin de revenus pour être capables de se payer des services ». « Les gens pourraient aussi se révolter » si le confinement reste tel quel, a dit le Dr Arruda. Comme « le virus est ici pour longtemps », un équilibre doit être trouvé, selon lui.

Il reste néanmoins que les rassemblements vont rester interdits. « Faire des partys de famille, on peut s’en passer pendant un certain temps », a soutenu François Legault. « Je comprends que ce n’est pas bon pour la santé mentale, puis que les gens ont hâte de se retrouver, mais bon, les personnes doivent rester à deux mètres puis idéalement, ne pas être trop longtemps dans la même pièce même si elles sont à deux mètres. Donc, si on veut sauver, si on veut être capables d’épargner les personnes vulnérables, il faut maintenir ces consignes-là. »

L’Ontario ne veut pas imiter le Québec

Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, n’entend pas imiter le Québec et rouvrir les écoles bientôt. « Je ne veux pas mettre nos enfants en danger », a-t-il déclaré, alors que les écoles de la province resteront fermées au moins jusqu’au 31 mai. Appelé à réagir à cette sortie, François Legault a soutenu qu’il y a « beaucoup plus de risques [à] priver d’école » les élèves en difficulté d’apprentissage par rapport aux conséquences néfastes du déconfinement pour eux. Le Dr Horacio Arruda a rappelé qu’un enfant est « rarement malade de façon significative » à cause du coronavirus, que les groupes seront plus petits que la normale dans les classes et que des consignes sanitaires comme la distanciation physique devront être respectées à l’école. « Je ne pense pas qu’on fasse vivre à nos enfants un risque important en lien avec la COVID-19. Plutôt, au contraire, on va permettre à certains enfants plus vulnérables d’avoir accès à de la nourriture, à de la pédagogie importante pour ne pas que des retards éducationnels se fassent plus tard puis qu’on ait toute une série de jeunes décrocheurs, parce qu’ils vont avoir de la difficulté à aller au secondaire éventuellement », a-t-il soutenu.

COVID-19

Ce qu’il faut savoir du redémarrage

Les magasins « avec une porte qui donne sur l’extérieur »

Seuls les commerces ayant un accès direct à l’extérieur pourront rouvrir leurs portes au public.

Les magasins situés à l’extérieur de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) pourront rouvrir à partir du 4 mai.

Les magasins établis sur le territoire de la CMM pourront en faire autant à compter du 11 mai.

Les mêmes dates s’appliquent aux entreprises de la chaîne d’approvisionnement des commerces de détail.

Les centres commerciaux demeurent fermés.

La fermeture du dimanche est maintenue jusqu’au 31 mai.

Travailleurs visés par la réouverture : 196 000

La construction redémarre complètement

Les chantiers de transport collectif et routiers, ainsi que les travaux dans les secteurs institutionnel, commercial et industriel pourront redémarrer le 11 mai.

Les travaux résidentiels qui n’étaient pas couverts par l’autorisation du 20 avril dernier sont aussi inclus.

Les chaînes d’approvisionnement de l’industrie seront de la partie.

Travailleurs visés par la réouverture : près de 85 000

Le secteur manufacturier en deux temps

Les entreprises manufacturières de toute la province pourront redémarrer leurs activités le 11 mai.

Le personnel sera réintégré progressivement pour favoriser la distanciation physique, avec un nombre limité d’employés sur le plancher durant les deux premières semaines.

Le ministère de l’Économie a élaboré une formule pour calculer le nombre maximal de travailleurs permis en même temps sur un même site.

Les sites qui fonctionnent déjà avec 50 personnes ou moins par quart de travail ne subiront pas de restriction.

Les sites qui emploient plus de 50 personnes par quart auront droit à un certain nombre de travailleurs supplémentaires. Ce nombre correspondra à la moitié de la différence entre leurs effectifs habituels et le plafond de 50 travailleurs.

L’entreprise qui fonctionne d’ordinaire avec 60 employés par quart sur un site pourra ainsi en faire travailler 55 à la fois, a illustré le ministère de l’Économie. Autre exemple : un site qui roule normalement avec 500 personnes ne pourra en avoir que 275 en même temps sur le plancher.

Les restrictions sur le nombre d’employés devraient prendre fin le 25 mai.

Travailleurs visés par la réouverture : plus de 176 000

La restauration, l’esthétique, la culture et le tourisme en attente

La restauration, les soins personnels (coiffure, esthétique, etc.) et d’autres domaines sont encore exclus du déconfinement économique.

Le secteur culturel, y compris les lieux de diffusion, de même que le secteur touristique demeurent également en pause.

Les modalités de réouverture de ces secteurs font encore l’objet de travaux et de discussions entre les autorités de santé publique, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) et les ministères concernés, a fait savoir le ministère de l’Économie.

Les dates de réouverture de ces secteurs restent à préciser.

La distanciation demeure la règle

Les entreprises autorisées à rouvrir devront respecter les règles élaborées par la Santé publique et la CNESST.

La CNESST a publié des guides pour les secteurs manufacturiers, de la construction et du commerce de détail, ainsi que des affichettes et des aide-mémoire destinés à tous les secteurs.

Les salariés présentant des symptômes associés à la COVID-19 (toux, fièvre, difficulté respiratoire, perte soudaine de l’odorat ou du goût sans congestion nasale, etc.) seront informés de ne pas se présenter au travail.

Les entreprises auront également des procédures à suivre si un employé commence à présenter des symptômes au travail (isolement, masque de procédure, appel à la ligne COVID-19, inscription au registre de l’entreprise, etc.).

Obligés ou non de retourner au travail ?

Les salariés des secteurs visés sont-ils obligés de retourner au travail ? Le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, n’a pas donné de réponse claire à cette question en point de presse mardi. « Je pense que les employés, dans la grande partie des cas, vont être confortables de retourner au travail, et c’est ça qui est la pression importante sur les entreprises », a-t-il indiqué.

Selon M. Fitzgibbon, le fait que les trois nouveaux secteurs visés ne redémarreront pas avant le 11 mai, que le retour des employés se fera graduellement dans le domaine manufacturier et que des protocoles seront annoncés au cours des prochains jours donnera le temps de faire de la « pédagogie » auprès des travailleurs. « Alors, moi, je suis très confortable qu’on va convaincre les employés que c’est sécuritaire comme endroit de travail », a déclaré le ministre.

Le plan de retour au travail présenté mardi est le résultat du travail de quatre équipes, soit celles des ministres de l’Économie et de l’Emploi, de la Santé publique et de la CNESST, a souligné le premier ministre François Legault un peu plus tôt durant la conférence de presse.

COVID-19

Des patrons soulagés, des syndicats aux aguets

Tour d’horizon des réactions dans les milieux d’affaires et syndicaux

Fédération des chambres de commerce du Québec

Charles Milliard, président-directeur général

« C’est le premier signal positif sur le plan économique que l’on reçoit depuis longtemps. Les employeurs sont pressés de recommencer, mais ils ne veulent pas recommencer à tout prix. Avoir l’approbation de la Santé publique était primordial. La suite des choses est désormais entre les mains des employeurs et des employés pour que les directives [en matière de santé et de sécurité du travail] soient respectées, afin d’avoir une reprise totale de l’économie le plus rapidement possible. »

Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ)

Véronique Proulx, présidente-directrice générale

« La mise sur pause de l’économie du Québec a été difficile pour nos manufacturiers, pendant que leurs concurrents, leurs clients et leurs fournisseurs hors Québec n’ont pas arrêté leurs activités. Une baisse de 20 % à 50 % des revenus est prévue cette année pour le secteur manufacturier. C’est pourquoi il devient essentiel que les manufacturiers puissent redémarrer toutes leurs activités au plus tard le 25 mai, au risque de causer des conséquences irréversibles et dramatiques pour l’industrie manufacturière. »

Conseil du patronat du Québec

Yves-Thomas Dorval, président et chef de la direction

« Bien que nous soyons satisfaits de l’annonce de la réouverture de plusieurs secteurs névralgiques de l’économie, il faut rappeler que d’autres secteurs restent en attente de la reprise de leurs activités et auront besoin d’une attention particulière. Nous espérons que les mesures d’aide gouvernementales seront étendues pour les secteurs qui voient leurs activités ralenties et arrêtées plus longtemps. »

Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec

Christian Croteau, porte-parole

« Nous accueillons avec soulagement l’annonce de la reprise des chantiers de génie civil et de voirie au Québec et dans tous les secteurs de l’industrie, à compter du 11 mai. Retarder davantage cette reprise aurait pu avoir des inconvénients notamment sur la longueur de la saison des travaux, qui est déjà courte, et compliquer ainsi la fin de saison à l’automne. Les entrepreneurs veulent mettre la main à la pâte pour relancer l’économie du Québec, tout en veillant avec leurs travailleurs à tout mettre en œuvre pour assurer la santé et la sécurité de tous dès la réouverture des chantiers. »

Syndicat CSN-Construction

Pierre Brassard, président

« Le défi sera de taille pour réactiver toute l’industrie de la construction dans le contexte de la pandémie, alors que la santé et la sécurité des travailleurs sont la priorité. Nous n’avons pas le droit à l’échec, car personne ne veut être responsable d’une deuxième vague de contamination. Bien que nous sommes encouragés par les mesures sanitaires en cours sur les chantiers résidentiels depuis une semaine, la réouverture des chantiers liés aux secteurs institutionnel et commercial nécessite beaucoup plus de planification, car de nombreux travailleurs s’y retrouvent en même temps. »

Chambre de commerce du Montréal métropolitain

Michel Leblanc, président et chef de la direction

« Le plan dévoilé mardi permet d’envisager un redémarrage ordonné de l’activité économique avec un préavis suffisant pour que les entreprises revoient leurs pratiques en fonction des exigences sanitaires, s’assurent d’un approvisionnement adéquat et planifient leurs horaires de travail. Ce qui diminue les risques d’un faux départ. En contrepartie, la décision de décaler le redémarrage des commerces entre la région de Montréal (11 mai) et le reste du Québec (4 mai) accroît les effets négatifs du confinement sur l’économie de la région métropolitaine. »

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

Daniel Boyer, président

« Le succès du déconfinement économique dépendra en grande partie de la bonne volonté du patronat de bien respecter les règles de santé et de sécurité, alors que beaucoup de travailleurs sont inquiets. Cela veut dire qu’il ne peut y avoir de compromis, que les équipements de protection doivent être disponibles et que les travailleurs puissent se laver les mains le plus souvent possible. Ce message des organisations patronales aux entreprises et aux commerces doit être clair et sans nuance, particulièrement en ce qui a trait aux règles de distanciation physique où les deux mètres doivent être respectés. »

Association Restauration Québec

François Meunier, vice-président aux affaires publiques et gouvernementales

« Dans le plan de relance annoncé mardi, nos membres restaurateurs auraient souhaité en savoir un peu plus sur l’échéancier des prochaines phases de ce plan, qui les concernera davantage. Les restaurateurs se doutent déjà qu’ils devront adopter des mesures strictes de protection sanitaire et de distanciation physique lors de la réouverture en salle à manger. Mais ils n’ont encore aucune information quant au moment envisagé pour cette réouverture au Québec. Est-ce que ça sera permis fin mai ? Ou seulement en juin ou en juillet ? »

Propos recueillis par Martin Vallières et Hugo Pilon-Larose, La Presse

COVID-19

« On n’est pas sortis du bois », prévient Trudeau

Les provinces et territoires ont présenté mardi une déclaration commune sur les principes de la relance économique

Ottawa — Après des semaines de confinement, le Canada rouvrira progressivement en se basant sur un ensemble de lignes directrices communes à l’ensemble des provinces et territoires, et ce, dans l’espoir de limiter les dommages de vagues subséquentes de COVID-19.

Les provinces et territoires voguent chacun à leur rythme vers un retour à la « normale ». Car d’est en ouest, du nord au sud, la réalité diffère. Et « dans bien des régions du pays, le virus a ralenti sa progression, mais on n’est pas sortis du bois », a dit Justin Trudeau.

C’est ce qui se dégage de la déclaration sur une « approche commune de santé publique au soutien de la relance de l’économie », un ensemble de principes qui doit aiguiller les premiers ministres dans le processus décisionnel de levée des restrictions.

« Les gouvernements prendront des décisions adaptées à leur contexte, leur situation géographique et à l’activité virale qui prévaut chez eux », est-il écrit dans la déclaration commune des premiers ministres publiée mardi.

Le Canada veut s’inspirer de l’expérience de pays en Asie, en Europe et ailleurs dans le monde, où des éclosions sont survenues avant, et où l’approche préconisée en matière de déconfinement a entraîné des résultats positifs.

Des questions clés

La propagation de la COVID-19 est-elle maîtrisée ?

Les organismes de santé publique disposent-ils d’une capacité suffisante pour dépister, retracer et isoler tous les cas ?

Les systèmes de santé sont-ils en mesure de répondre à tous les besoins et de prendre en charge toute nouvelle éclosion ?

A-t-on élaboré des mesures de soutien et de suivi des protocoles pour prévenir l’introduction et la propagation de la COVID-19 en milieu de travail ?

Des mesures de soutien destinées aux groupes ou communautés vulnérables et à des populations clés sont-elles en place ?

Voici autant d’éléments sur lesquels les autorités devront se pencher afin de déterminer jusqu’à quel point elles peuvent ouvrir les vannes, selon ce dont les premiers ministres ont convenu.

Et alors que les frontières du pays demeurent fermées aux étrangers, dont celle avec les États-Unis au moins jusqu’au 21 mai, ils estiment qu’il vaut mieux garder le cap encore un moment pour « éviter les risques d’importation » du nouveau coronavirus.

« La réouverture des frontières internationales et l’accès au Canada pour les non-résidents pourraient n’être autorisés qu’à des étapes ultérieures, en tenant compte de la propagation du virus à l’extérieur du Canada », stipule le plan.

En ce qui a trait aux frontières interprovinciales, on précise que « les restrictions imposées aux voyages domestiques non essentiels devraient être assouplies et gérées de manière concertée ».

Le dépistage

Dans cette aventure, le rôle du gouvernement fédéral n’est pas de dicter les règles, a dit le premier ministre Trudeau. Mais l’un de ceux, cruciaux, qu’Ottawa doit remplir, est de s’assurer de maintenir les chaînes d’approvisionnement – entre autres, la disponibilité de tests de dépistage.

Et là encore, il reviendra à d’autres ordres de gouvernement de déterminer comment ils géreront le tout. « Des communautés pourraient décider de tester tout le monde ; des endroits de travail pourraient vouloir tester 50 % des gens », a expliqué le premier ministre canadien.

« Notre responsabilité en tant que gouvernement fédéral, c’est d’assurer une capacité énormément accrue [de matériel de dépistage]. »

— Justin Trudeau, premier ministre du Canada

Ultimement, tous ces efforts, on les déploie parce que « jusqu’à ce qu’un vaccin ou un traitement efficace contre la COVID-19 soit au point, il est nécessaire que des mesures vigoureuses soient en place dans le cadre de notre nouvelle cohabitation avec la COVID-19, afin de limiter d’éventuelles nouvelles vagues ou éclosions et de protéger les Canadiens ainsi que l’économie partout au pays », ont exprimé les premiers ministres.

Le retour à l'école et le vaccin

Au cours de son allocution, Justin Trudeau a esquivé les questions entourant la stratégie québécoise de réouverture des établissements scolaires. Même si la question lui a été posée à deux reprises, il a refusé de dire clairement s’il serait à l’aise de renvoyer ses propres enfants en classe. Il n’a pas non plus voulu dire si un éventuel vaccin contre la COVID-19 pourrait être obligatoire au Canada, alors qu’un sondage mené en ligne par la maison Léger auprès de 1504 répondants révèle que 60 % d’entre eux favorisent la contrainte. « Mais c’est toujours possible qu’on n’ait pas de vaccination, a-t-il fait remarquer. Ça fait plus que 10 ans qu’on cherche de façon très agressive un vaccin contre le VIH, et on n’en a pas encore, mais il y a des traitements qui permettent de gérer beaucoup mieux cette maladie. »

Le bilinguisme écorché par le virus

La pandémie de COVID-19 a fait une victime collatérale au Canada : le français, langue officielle. Après avoir autorisé une exemption réglementaire sur l’étiquetage obligatoire bilingue de contenants de produits désinfectants et antiseptiques, Santé Canada l’a fait de nouveau pour les produits d’entretien, lundi. Un accroc linguistique « provisoire » qui sera « appliqué uniquement pendant la pandémie », et que l’on justifie par la « demande sans précédent et le besoin urgent » de ces biens dans un contexte de crise sanitaire. Et une fois la pandémie derrière nous, « Santé Canada appliquera de nouveau toutes les exigences auxquelles ces produits doivent satisfaire », a assuré le Ministère. Le premier ministre Trudeau a cautionné la mesure, même si celle-ci est « loin d’être idéale, ni pour l’identité de notre pays ni pour la sécurité de nos concitoyens ». Mais « dans une situation extrême comme celle dans laquelle on est maintenant », il faut équilibrer « différentes vulnérabilités, et dans certaines situations, on est prêts à permettre un étiquetage unilingue », a-t-il argué en conférence de presse, disant néanmoins espérer que « ça ne se fera pas beaucoup ».

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