Opinion

Le racisme « systémique » québécois, une fabrication

Depuis le meurtre crapuleux de George Floyd par des policiers de Minneapolis, auquel vient de s’ajouter l’assassinat d’un autre noir à Atlanta, la thèse voulant que le « racisme systémique » ait fait son nid au Québec rebondit une nouvelle fois chez certains intellectuels et mouvements sociaux, notamment du côté de la gauche communautariste.

Prétendant s’appuyer sur des observations scientifiques, cette vision des choses ne tient pas la route lorsqu’on décortique le moindrement les choses. Elle fait grincer à juste titre au Québec, car elle se révèle de plus en plus comme une conception idéologique et faussée.

deux choses distinctes

Première mise au point. Le racisme est à la fois une idéologie et un système d’oppression qui a très souvent servi à justifier l’esclavage. L’idéologie raciste soutient qu’il n’existe pas qu’une seule espèce humaine, mais bien des « races » dont certaines seraient inférieures et d’autres supérieures et vouées à dominer les autres.

Pour Joseph Goebbels, la race allemande était chargée de dominer et d’éradiquer les juifs. Pour sa part, le chercheur sénégalais Tidiane N’Diaye a établi que la traite des Noirs par les empires arabo-musulmans a duré plus de mille ans et fut pire que la traite transatlantique, dont ont bénéficié largement les pays occidentaux. Il a pourri les relations entre « Blancs » et « Noirs » jusqu’à nos jours, notamment aux États-Unis.

Malgré les formes multiples qu’il peut prendre, le racisme est un acte conscient et le plus souvent organisé. Le KKK était conscient de ses actes ; Adrien Arcand et son Parti national social-chrétien aussi ; les mouvements suprémacistes blancs de la mouvance « White Power » ont toujours agi en connaissance de cause. Conséquemment, prétendre que le racisme « systémique » procéderait de pratiques inconscientes et neutres en apparence est un non-sens. On ne peut pas être raciste et être inconscient de cette posture idéologique. C’est impossible.

En fait, les tenants du « racisme systémique » confondent le racisme et la « discrimination systémique ».

Cette dernière existe et sous-tend effectivement des comportements, pratiques ou processus institutionnels apparemment neutres qui engendrent certaines discriminations et affectent à la fois les femmes, les handicapés et certaines minorités. Depuis les années 80 au Canada, les cours de justice ont confirmé ce phénomène. Cette discrimination peut prendre racine dans la socialisation, les familles, le système scolaire, et être renchérie par les médias ; ou encore dans les pratiques de certaines entreprises qui engendrent des préjugés discriminatoires qui se manifestent de diverses façons. Et ça ne concerne pas que les personnes dites « racisées », un autre concept tout aussi vaporeux.

On se rappelle un des premiers cas de discrimination systémique au début des années 80 : la différence salariale entre les couturières et les vitriers dans les hôpitaux. Ou les cas patents de discrimination systémique sur le plan salarial qu’ont vécu les téléphonistes de Bell Canada, elles qui ont finalement obtenu gain de cause devant les tribunaux. Sans oublier les handicapés qui se sont retrouvés dans des stations de métro sans ascenseur, révélant par le fait même un fait systémique discriminatoire à leur endroit.

Concernant les nouveaux arrivants provenant de diverses communautés culturelles, il peut aussi y avoir des préjugés systémiques, parfois des discriminations à l’embauche, mais pas toujours ; et sans que cela soit assimilable à du « racisme ». Ceux-ci peuvent être sous-représentés dans les organismes publics, mais est-ce là toujours la preuve d’une discrimination systémique ? Pas nécessairement. L’explication est très souvent attribuable à des facteurs économiques, comme les équivalences de diplômes, d’expériences professionnelles, aux compétences linguistiques et aussi aux restrictions budgétaires sévères qui ont longtemps restreint l’emploi dans la fonction publique au cours des dernières décennies. La grande phase d’embauche dans la fonction publique s’est faite dans une période de prospérité économique s’étendant jusqu’aux années 80 où des milliers d’immigrants sont venus occuper des postes au Québec, comme un très grand nombre d’infirmières, d’enseignants et de médecins haïtiens. Pour l’avenir, en contexte de vieillissement, il apparaît certain qu’une masse de nouveaux arrivants viendront pourvoir une multitude de postes.

Non au communautarisme victimaire

Dans l’histoire du Canada, il y a eu bel et bien du racisme « systémique », nourri notamment par l’État et les institutions canadiennes. Le racisme envers les autochtones et les Métis (la Loi sur les Indiens) ; l’oppression nationale et le mépris envers les Québécois ; le racisme virulent affectant les Chinois jusqu’aux années 30 ; les Canadiens d’origine japonaise placés dans les camps de concentration au cours de la Seconde Guerre mondiale ; ou encore les Noirs avant les années 60 à qui l’immigration était interdite par législation. Dans ces cas, on pouvait effectivement parler de réel racisme systémique. En Afrique du Sud du temps de l’apartheid, il y avait aussi un racisme épouvantable. Aux États-Unis, au temps fort de la ségrégation raciale, il y avait un racisme organisé en système et il en reste encore des traces aujourd’hui, d’où la série d’assassinats de personnes noires.

Par contre, associer le Québec à cet héritage ségrégationniste américain est carrément malhonnête. Le mouvement « Black Lives Matters » de souche américaine n’a pas de racines québécoises.

On ne peut pas plaquer la ségrégation américaine à la situation québécoise. Le peuple québécois n’a jamais été colonisateur ni esclavagiste. Au contraire, il a lui-même été colonisé. Globalement, il a aussi toujours été ouvert aux immigrants et aux autres cultures.

Du racisme au Québec, il y en a déjà eu. Il en reste encore à la marge. Par contre, il n’y a aucun organisme public, aucune institution d’enseignement ou entreprise qui soutienne actuellement l’idéologie raciste, dans ses postulats comme dans ses procédures d’embauche. Tout au contraire, il y a un cadre législatif qui assujettit les organismes publics à des programmes d’accès à l’égalité pour les membres des minorités. La laïcité non plus n’a rien à voir avec le racisme, malgré ce qu’affirme la nouvelle gauche multiculturaliste.

Y a-t-il du racisme systémique au Québec ? La réponse, c’est non. De la discrimination systémique ? Oui, certainement, beaucoup moins qu’auparavant, mais il faut toujours travailler à l’enrayer sur tous les plans. Les femmes en savent quelque chose.

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