Évelyne Viens

La buteuse venue du nord

En juin dernier, Évelyne Viens a débarqué sur le campus de l’Université South Florida sans trop savoir à quoi s’attendre. À 19 ans, la talentueuse attaquante quittait le Québec pour la NCAA. Serait-elle à la hauteur ?

Quelques mois plus tôt, un recruteur américain l’avait repérée par pur hasard. Elle n’avait jamais rêvé de la NCAA. Elle jouait pour l’équipe de soccer du cégep Garneau, en était une attaquante prolifique, comme toujours dans sa jeune carrière.

Un jour, elle affrontait l’équipe du collège Champlain dans la région de Montréal. Une fille de cette équipe avait envoyé des vidéos d’elle à l’Université South Florida. Un entraîneur adjoint s’était déplacé pour la voir. C’est finalement Viens qui l’a impressionné.

C’est ainsi qu’elle s’est retrouvée en juin dernier recrue d’une équipe de NCAA. Ce printemps-là, sa nouvelle entraîneuse l’avait appelée : « Penses-tu pouvoir avoir un impact en première année ? » Évelyne ne savait pas.

Lors du premier entraînement avec l’équipe, elle croyait avoir une réponse à sa question : elle ne serait pas d’un niveau suffisant. Elle a appelé sa mère Chantale à L’Ancienne-Lorette, près de Québec. « Maman, je ne pense pas que je vais jouer une seule minute cette année, je ne suis pas capable de suivre le rythme. »

Elle s’est finalement royalement trompée. Cet automne, Viens est devenue une joueuse partante des Bulls de l’Université South Florida. Elle a fini parmi les meilleures marqueuses de toute la NCAA, avec 16 buts en 18 matchs – quatre filets de moins que la meilleure buteuse de la ligue. Elle a même été nommée recrue de l’année dans sa conférence, American Athletic.

« Évelyne a eu une superbe saison. C’est une excellente étudiante, une personne magnifique et évidemment une joueuse très talentueuse », lance l’entraîneuse des Bulls, la Canadienne Denise Schilte-Brown.

Viens cogne désormais à la porte de l’équipe nationale. C’est tout un parcours pour cette joueuse de grand talent qui avait failli arrêter le soccer à l’âge de 14 ans.

Gérer la pression

Viens a toujours été une joueuse dominante. Elle a été surclassée dès ses débuts, évoluant avec des filles plus vieilles. Elle était l’attaquante vedette de l’équipe du Mistral laurentien près de Québec, dans la catégorie AAA.

Mais elle était aussi une fille qui s’imposait beaucoup de pression. Elle avait 14 ans quand son équipe a été menacée de relégation. Elle portait toute cette pression sur ses épaules.

« C’est sûr que quand tu es ado et que tu joues au soccer, tu penses que c’est ta vie. Tu penses que de perdre un match, c’est la fin du monde. Je pensais que je devais absolument marquer des buts pour qu’on reste ensemble. »

— Évelyne Viens

La pression était trop grande. Viens a pensé arrêter le soccer. Elle a consulté un psychologue sportif. Elle a appris à mettre les choses en perspective. Quand le Mistral laurentien est passé en AA, elle a changé d’équipe pour rester dans le AAA.

Son nouvel entraîneur d’alors, Fabien Cottin, a eu une grande influence sur son parcours. « Avec notre équipe, elle s’est retrouvée avec d’autres filles de grand talent, capables de faire la différence, explique Cottin. Elle n’avait plus à porter toute cette pression sur ses épaules. »

Cottin a toujours cru au talent de l’attaquante. Mais c’est la saison dernière qu’il a vraiment saisi l’ampleur de son potentiel. Viens est alors passée à une équipe civile senior, tout en jouant pour Garneau. Elle avait 18 ans et se mesurait à des femmes dans la vingtaine. « C’est une étape où plusieurs joueuses connaissent des difficultés, explique son ancien entraîneur. Mais Évelyne m’a agréablement surpris. Sa saison a vraiment été un bon indicateur pour la suite. »

Quand il a appris qu’elle passait à la NCAA, Cottin n’a pas douté un instant. « Évelyne, c’est une joueuse au développement tardif. Je pense même pouvoir dire que le meilleur est à venir. Elle a vraiment tout pour réussir. »

L’équipe nationale ?

En Floride, Viens a d’abord été surprise par le côté physique du jeu ainsi que par l’accent mis sur la stratégie.

Quand elle s’est mise à marquer des buts à répétition, le mot s’est passé dans la ligue, explique Schilte-Brown. Mais qui était cette buteuse venue du nord ? Les vidéos de Viens ont circulé chez les adversaires. Bientôt, les défenseures adverses savaient qu’il ne fallait pas la lâcher d’un crampon.

« En NCAA, j’ai réalisé l’importance de l’aspect mental. Toutes les filles recrutées en NCAA ont du talent, mais je pense que celles qui ont du succès sont plus fortes mentalement, raconte Viens. Si elles ne marquent pas deux ou trois matchs, elles sont capables de revenir sur le terrain, de travailler fort et de marquer. »

Viens a finalement réussi à se maintenir parmi les meilleures. Les Bulls, une équipe en reconstruction avec plusieurs recrues, ont terminé 15es au pays. 

« J’ai vraiment été agréablement surprise. On a eu une saison exceptionnelle et Évelyne en est une des raisons. »

— Denise Schilte-Brown, entraîneuse des Bulls de l’Université South Florida

« L’important à l’attaque, c’est l’explosivité, les trois premiers pas. Évelyne est aussi explosive avec le ballon que sans lui. Ça fait d’elle une attaquante très dangereuse, explique l’entraîneuse. Elle est aussi très bonne pour pivoter et elle frappe bien le ballon des deux pieds. C’est une joueuse dure, capable de tacler et d’apporter sa contribution défensivement. »

Ses succès de cette saison ne sont pas passés inaperçus à Soccer Canada. À l’âge de 14 ans, Viens avait décliné une invitation pour les équipes du Québec. C’était l’époque où elle doutait même de son envie de continuer le soccer. Elle n’a donc pas eu la chance de se faire valoir autant qu’elle aurait pu.

Mais Schilte-Brown, elle-même ancienne joueuse de l’équipe nationale, a pris le soin d’envoyer des vidéos de sa nouvelle protégée à Soccer Canada.

« Je suis en communication avec l’équipe nationale et ses dirigeants sont très excités par Évelyne. Ils ont décidé de la mettre dans leur bassin de joueuses, dit-elle. J’espère qu’elle aura la chance d’être appelée pour faire ses preuves. Évelyne est brillante et patiente et elle sait qu’il n’y a pas de presse et que son heure viendra. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.