Le pavillon de jardin

Une folie d’été

Qui découvre la ferme Humminghill pour la première fois – ses champs bucoliques, ses jardins gourmands et son bâtiment de ferme restauré pour héberger ses propriétaires – ne soupçonne pas d’emblée son passé rutilant. Il faut emprunter un sentier bordé d’arbres centenaires pour découvrir, en retrait, un pavillon de jardin entouré d’un terrain de tennis et d’une opulente piscine qui furent un jour prisés des mondains.

Avec sa forme unique qui rappelle les granges octogonales des Cantons-de-l’Est, le kiosque de baignade du domaine de Bolton-Ouest attire immanquablement l’attention. À son pinacle, un clocheton évoque les pigeonniers conçus pour abriter les oiseaux. Quelle qu’en ait été l’inspiration pour l’architecte du temps, le résultat est une irrésistible invitation au farniente.

Quand Les Ensembliers ont pris possession du domaine, le bâtiment du mid century affichait un air délabré. Le décor, d’un kitsch hawaïen, accueillait un grand piano à queue laqué blanc à la Liberace et une cuisinette dotée d’un bar à cocktails qui ne laissaient aucune ambiguïté quant à ses antécédents festifs. « Ici, ça devait swinger », imagine le duo d’architecture et de design d’intérieur composé de Maxime Vandal et Richard Ouellette. « On se doute que l’endroit a été le prétexte à bien des garden-partys. »

La riche propriétaire de l’époque, Madame Benson, maîtrisait l’art de recevoir. En faisant l’acquisition d’une ancienne ferme loyaliste au début des années 1960, elle y a injecté une généreuse dose de luxe et de glamour, délaissant au passage la vocation agricole des lieux. C’est un passé plus humble du début du siècle, enraciné naturellement dans son milieu et sa terre, que cherchent aujourd’hui à raviver Les Ensembliers.

« On s’est demandé comment l’harmoniser à notre concept architectural », raconte l’architecte Maxime Vandal. Le bâtiment et sa piscine aux formes sinueuses se démarquent dans une vision plus épurée des lieux.

« Ce n’est pas un match parfait, mais cette zone du terrain est en retrait. Ce qui est beau, c’est qu’on la devine à travers les arbres et qu’on la découvre au bout du parcours. Même si ça ne se fond pas parfaitement dans l’ensemble, ça reste une belle folie de jardin. C’est une destination à part. »

— Maxime Vandal, architecte des Ensembliers

Voitures de luxe et cocktails sous le soleil

Dans les années 1960, un grand rond-point asphalté est aménagé autour de la propriété : du chic confort d’époque. Entre une partie de tennis et une baignade, les invités se prélassent dans le pavillon de jardin, un verre à la main. Un parfum d’huile bronzante à la noix de coco flotte dans l’air. L’un d’eux se lève pour pianoter un air à la mode. Soleil et alcool aidant, on se gave au passage d’anecdotes salées. Robes cocktails, personnel de maison au barbecue, champagne et voitures de luxe… un moment de détente dans une sphère sélecte.

« Madame Benson se promenait dans les alentours avec sa Rolls-Royce. C’était la dame du coin, raconte le designer d’intérieur Richard Ouellette en tentant cette reconstitution de l’époque. Elle devait être the talk of the town, autant pour les gens qui habitaient ici que ceux qui venaient de Montréal. » Les terrains de tennis étaient éclairés de nuit. On raconte d’ailleurs que les after party des internationaux du parc Jarry se déroulaient dans ces lieux. Humminghill, étincelant d’un chic champêtre, était le lieu de rencontre du jet set du tennis et du gratin montréalais.

Après avoir connu ses heures de gloire et de fêtes, le domaine a été mis au repos.

Un bonheur discret

Les temps ont changé. Le pavillon de jardin irradie aujourd’hui un bonheur paisible. La structure en bois franc a été rafraîchie d’un coup de peinture qui la rend plus lumineuse à l’intérieur, plus sobre du dehors. Les lieux affichent désormais un style nomade californien à l’ambiance décontractée.

« Le plus beau morceau qu’il y avait dans les lieux, c’est cette armoire en bois qui n’a pas été retouchée parce qu’elle était magnifique. Elle a été notre point de départ pour réinventer le décor. »

— Richard Ouellette, designer d’intérieur des Ensembliers

La cuisinette a été rafraîchie et a gagné un air authentique. Çà et là, on retrouve la signature des Ensembliers – des patines, des poteries, des jetés de lin, une courtepointe et autres objets artisanaux issus de la collection La Ferme Humminghill. Des tapis tissés et des meubles de jardin extraits de la dernière collaboration du tandem avec l’entreprise québécoise Bosquet contribuent aussi au décor.

D’autres projets feront éventuellement progresser cet espace : une pergola d’un côté, une terrasse aux formes organiques autour de la piscine… peut-être même un mur d’escalade, énumère le couple en riant tout en soulignant qu’il s’agit du projet numéro 25 sur une longue liste de choses à faire.

En attendant, l’endroit remplit agréablement et fort joliment sa mission. « On aime venir y passer du temps quand il fait trop chaud ou qu’il pleut. Après une semaine chargée avec l’équipe et les clients, on vient ici pour se retrouver et décrocher, signale Maxime Vandal. On est matinaux et couche-tôt. C’est un tout autre rythme de vie que celui de l’époque ! »

Le côté public du domaine Humminghill et ses activités s’accompagnent d’un côté moins privé. Jamais personne ne se rend toutefois jusqu’à cette aire de repos. Les lieux sont un refuge. Une destination à part entière. Et c’est d’ailleurs là que le duo passera ses prochaines vacances.

« On franchit le cap de la cinquantaine et on arrive à un moment de notre vie où on veut avoir plus de temps et se faire plaisir », observe Richard, le plus contemplatif du couple. « C’est le seul endroit où je peux asseoir mon chum sur une chaise longue et où il finit parfois même par s’endormir. Sans ça, c’est impossible de l’arrêter, dit-il avec amusement. Ici, on s’arrime sans effort. Rien n’est compliqué ! »

Le couple rêve toutefois d’y voir des gens débarquer. Quand le rythme sera plus lent, que la COVID-19 planera moins fort au-dessus des étés. Peut-être alors y aura-t-il à nouveau des garden-partys autour de la piscine. Et qui sait… « Je deviendrai peut-être la Madame Benson du coin ! »

À l’arrière du pavillon, à l’abri des regards, des vestiaires pour elle et lui, un four en pierres des champs et une douche extérieure rappellent le passé chic champêtre du domaine.

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