La DPJ nationale prend le contrôle des programmes préventifs de la santé publique
La nomination de la nouvelle directrice nationale de la protection de la jeunesse, Catherine Lemay, soulève l’ire des Directions régionales de santé publique (DRSP) puisqu’elle désire rapatrier sous son aile l’ensemble des programmes préventifs qui s’adressent à la petite enfance, même si les enfants qu’on y suit ne sont pas sous la tutelle de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ).
Ces programmes, dont le plus connu est probablement le programme OLO, qui offre des œufs, du lait et des oranges aux mères qui vivent en milieu défavorisé, ou le programme SIPPE, qui soutient les mères vulnérables avant et après l’accouchement, relèveraient donc désormais de Mme Lemay. Cette dernière, qui a le titre de sous-ministre, sera en effet à la tête d’une toute nouvelle direction du ministère dirigé par Lionel Carmant, la Direction du développement et du bien-être des enfants.
« C’est un peu une erreur », estime le Dr Yv Bonnier-Viger, directeur de santé publique de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, qui s’est fait le porte-parole de toutes les DRSP dans une entrevue avec La Presse. « Généralement, les gens qui s’occupent du curatif en ont plein leurs bottes. D’avoir à réfléchir à la question de la prévention en plus, ce n’est pas une excellente idée. Et ça risque de coûter cher à notre jeune population. Ça nous inquiète. À la Santé publique, nous sommes très préoccupés par les plus jeunes, parce que c’est là que se construit toute la personne. »
« C’est comme si on demandait aux orthopédistes de s’occuper, en plus, des routes dangereuses pour éviter les accidents », résume-t-il.
Les programmes de prévention, souligne le Dr Bonnier-Viger, ne s’adressent pas nécessairement aux enfants qui sont sous la tutelle de la DPJ. « Ce sont des programmes de base, pour des personnes qui n’ont pas nécessairement de problème. On essaie justement d’être en amont des problèmes. »
Les DRSP ont souligné les problèmes qu’ils appréhendaient au ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, au ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, ainsi qu’au directeur national de santé publique, Horacio Arruda. « On n’a malheureusement pas eu de réponse encore. »
Confier un mandat préventif à la même personne qui gérera tout le système des urgences sociales n’est pas une bonne idée, acquiesce une source qui connaît le dossier sur le bout de ses doigts, mais qui a préféré ne pas être citée parce qu’elle n’est pas autorisée à parler aux médias.
« La cohabitation entre le préventif et l’urgence, ça se fait toujours aux dépens de la prévention. On ne peut pas faire les deux en même temps », estime cette source.
La commission Laurent, qui avait recommandé dans son rapport préliminaire la mise en place d’une Direction nationale de la protection de la jeunesse, n’avait pas précisé cette autre partie du plan, souligne-t-elle. « C’est vraiment une drôle d’architecture. »
La nomination de Catherine Lemay a été annoncée le 17 mars. Mme Lemay occupait jusqu’alors les fonctions de PDG adjointe au CISSS de la Montérégie-Est. Elle a fait carrière à la DPJ de Montréal, puis en Montérégie.