COVID-19

Le virus gagne du terrain

Des cas de transmission communautaire de la COVID-19 ont été confirmés, notamment à Montréal et en Estrie, et ont poussé le gouvernement à modifier ses protocoles d’intervention dans les urgences. Pendant ce temps, l’inquiétude est vive à la Mission Old Brewery, où un sans-abri qui fréquentait le refuge a été déclaré positif à la COVID-19. 

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La transmission communautaire confirmée au Québec

Québec a confirmé, mardi, que ce n’est plus seulement les voyageurs ou les gens en contact avec ceux-ci qui ont contracté la COVID-19 dans la province. Des cas de transmission communautaire ont été confirmés, notamment à Montréal et en Estrie, et ont poussé le gouvernement à modifier ses protocoles d’intervention dans les urgences.

Au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), on explique qu’il y a transmission communautaire d’un virus « lorsqu’une personne contracte la maladie d’une troisième génération de transmission ».

Dans une mise à jour envoyée mardi aux intervenants du réseau de la santé obtenue par La Presse, la Direction régionale de santé publique de Montréal a confirmé qu’il y a plus de 300 cas avec « évidence de transmission communautaire » de la COVID-19 dans la métropole. Mardi soir, on comptait 439 cas de COVID-19 à Montréal. « Dans plusieurs cas, l’enquête n’a pas permis d’identifier une source d’exposition. Il existe donc une transmission communautaire […] à Montréal », peut-on lire dans le document.

Mardi après-midi, le Dr Alain Poirier, directeur de santé publique de l’Estrie, a confirmé qu’il y a aussi de la transmission locale de COVID-19 sur son territoire, qui enregistre un total de 130 cas. Il a souligné que neuf personnes habitant aux Résidences Soleil Manoir Sherbrooke ont reçu un diagnostic positif à la COVID-19 jusqu’à maintenant. 

De ce nombre, six sont hospitalisées, dont une aux soins intensifs. Le premier cas qui s’est déclaré au Manoir Sherbrooke est justement un cas de transmission communautaire, a dit le Dr Poirier. Ce dernier assure suivre étroitement chaque cas. « On espère pouvoir arrêter la transmission dans la communauté », a-t-il précisé.

Pas trop étendue, selon Québec

En point de presse mardi après-midi, le Dr Horacio Arruda, directeur national de santé publique, a indiqué que « de la transmission locale, il doit y en avoir [...], pas seulement à Montréal ». Les régions ne sont toutefois pas toutes touchées de la même façon, a-t-il dit. Selon le Dr Arruda, la transmission locale n’est pas encore trop étendue et les mesures de distanciation sociale déjà mises en place permettront de limiter ces cas.

« Ça fait que je pense qu’actuellement, il n’y a pas encore du virus partout au Québec comme tel, mais il commence à y en avoir à certains endroits un peu plus. Mais on est encore en train d’essayer de le diminuer au maximum, a dit le Dr Arruda. Puis les mesures qu’on va prendre, quand on dit aux gens de ne pas aller d’une région à une autre, c’est justement pour éviter de réimplanter ailleurs le même phénomène. »

Mieux protéger les travailleurs aux urgences

L’existence d’une transmission communautaire de la COVID-19 était suspectée depuis des jours par les intervenants de la santé. « Sur le terrain, on le voyait depuis au moins vendredi », explique le Dr Gilbert Boucher, président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec.

Lundi, le Dr Boucher a décrié sur différentes tribunes le fait que les intervenants travaillant aux urgences n’avaient pas accès à l’équipement de protection contre les gouttelettes alors que la transmission communautaire était fortement suspectée.

Mardi, le MSSS a changé les règles du jeu. À partir de maintenant, toute personne se présentant aux urgences avec un ou plusieurs symptômes tels que la fièvre, la toux, la dyspnée (difficulté de la respiration) ou le mal de gorge devra se faire remettre un masque et se laver les mains.

Les intervenants de la santé devront aussi appliquer les mesures contre la transmission par gouttelettes. Cette annonce soulage le Dr Boucher, qui est heureux de constater que les travailleurs aux urgences seront mieux protégés. « C’est un long marathon qui commence maintenant. On a besoin de plus de gens possible sur le terrain », dit-il.

La ministre McCann a confirmé en conférence de presse que le protocole quant aux urgences a été revu. « On a donné des nouvelles instructions à travers tout le Québec », a-t-elle dit. La ministre a aussi laissé entendre que les protocoles d’autres spécialités comme l’ophtalmologie et l’otorhinolaryngologie (ORL) seront aussi revus. « Ça se fait maintenant à la vitesse de l’éclair », a dit la ministre.

Mme McCann a assuré que le réseau avait « ce qu’il faut en termes de masques chirurgicaux pour donner ces masques au personnel certainement, mais aussi aux patients qui arrivent avec des symptômes infectieux ».

Étendre les tests

En reconnaissant l’existence d’une contamination communautaire, Québec étend aussi le dépistage. « Vu la présence de transmission communautaire à Montréal, l’histoire de voyage ou un contact avec un voyageur dans les 14 derniers jours ne devrait plus être utilisés pour restreindre l’accès au test (pour le COVID-19) », écrit la Direction de santé publique de Montréal dans sa note.

Le Dr Boucher estime que le dépistage est « le nerf de la guerre ».

« Plus vite on a un résultat, plus vite on peut orienter les patients. »

— Le Dr Gilbert Boucher

Le Dr Boucher reconnaît toutefois que les intervenants du réseau devront être prudents avant d’étendre trop largement les tests de dépistage. Car la capacité actuelle de 6000 tests par jour pourrait bientôt ne pas suffire à la demande.

Pour le Dr Boucher, la présence de contamination communautaire montre que l’on « poursuit l’ascension de la courbe ». Les urgences se préparent à accueillir un plus grand nombre de patients dans les prochains jours. « Ce n’est pas une surprise », dit-il. 

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Cinq cas dans un CHSLD de Montréal

Cinq personnes âgées résidant au centre d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) Notre-Dame-de-la-Merci situé boulevard Gouin Ouest à Montréal ont contracté la COVID-19. L’établissement compte près de 400 lits et héberge une clientèle en lourde perte d’autonomie. On y trouve notamment une unité prothétique pour les personnes qui présentent un risque d’errance. 

« Dans cette installation, nous avons placé toutes les unités concernées en isolement et nous suivons scrupuleusement les protocoles établis par l’INSPQ [L’Institut national de santé publique du Québec] en prévention et contrôle des infections », a écrit à La Presse le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Nord-de-l’Île-de-Montréal, mardi soir. Le CIUSSS a été incapable de dire si ces personnes ont contracté la maladie par une transmission communautaire ou non.

Par ailleurs, des patients de l’hôpital neurologique de Montréal ont aussi reçu des diagnostics de COVID-19 ces derniers jours. « Les admissions ont été suspendues jusqu’à nouvel ordre et certaines activités ont été réorientées vers le CHUM. Nous suivons les recommandations émises par la Santé publique », a indiqué mardi le Centre universitaire de santé McGill (CUSM) dont fait partie l’hôpital neurologique. Le Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) a pour sa part confirmé avoir accueilli « un certain nombre de patients » de l’hôpital neurologique au cours des derniers jours, sans en préciser le nombre.

— Ariane Lacoursière, La Presse

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Inquiétudes à la Mission Old Brewery

Un habitué du refuge pour sans-abri a été déclaré positif à la COVID-19

Un sans-abri qui fréquentait un refuge du centre-ville de Montréal a été déclaré positif à la COVID-19, a appris La Presse. L’homme avait été renvoyé dans la communauté en attendant ses résultats de test de dépistage, ce qui a forcé les policiers à quadriller la ville pour le retrouver d’urgence, lundi.

L’état de santé d’un autre usager du même refuge, qui était hébergé jusqu’à récemment dans un des dortoirs communs, fait actuellement l’objet d’une enquête. 

Ce premier cas confirmé dans la population itinérante est inquiétant, selon les experts. 

« C’est une situation très difficile. Ce sont des gens qui ont beaucoup de maladies mentales, qu’on ne contrôle pas. C’est une population qui est très à risque », note le Dr Vincent Bouchard, chef adjoint du département de médecine spécialisée de l’unité de soins intensifs de l’hôpital Notre-Dame. « Dans les refuges, c’est difficile. Les gens sont en grande proximité. »

La Santé publique de Montréal suit la situation. « Nous enquêtons ce cas et sommes à regarder l’ensemble des mesures à mettre en place pour réduire les risques d’éclosion au sein de la communauté des itinérants », a indiqué à La Presse le porte-parole Jean Nicolas Aubé.

Renvoyé chez lui

L’équipe de la Mission Old Brewery a appris la nouvelle lundi : un habitué du service de repas de son organisme venait d’être déclaré positif à la COVID-19. La police de Montréal était à sa recherche. 

Heureusement, depuis la semaine dernière, des repas pour emporter sont servis à la porte de la Mission plutôt qu’à la cafétéria pour ceux qui n’ont pas un lit au refuge, comme c’est le cas ici, ce qui a limité les contacts avec la personne infectée.

« C’est inquiétant. On ne peut pas dire que ça ne l’est pas », dit toutefois Émilie Fortier, directrice des services en itinérance.

L’homme aurait passé, il y a quelques jours, un test de dépistage de son propre chef. Comme tous les citoyens dont l’état ne nécessite pas une hospitalisation immédiate, il a été renvoyé chez lui en attendant ses résultats.

« Sauf que les personnes itinérantes n’ont pas de chez eux où aller », dit Mme Fortier. 

« Tout le monde trouve que ça n’a pas de bon sens, mais les hôpitaux sont en train de s’organiser. Ils font ce qu’ils peuvent. »

— Émilie Fortier, directrice des services en itinérance à la Mission Old Brewery

Il n’y a pas, en ce moment, d’endroit spécialisé pour accueillir les personnes itinérantes qui attendent un résultat de test ou qui sont positives avec peu de symptômes. « Ces gens-là n’ont pas nécessairement besoin d’être hospitalisés, mais ils ont besoin d’un toit », note le Dr Bouchard.

Une unité à cet effet doit ouvrir la semaine prochaine dans l’ancien hôpital Royal Victoria.

D’ici là, il y a un flou.

Limiter les risques

Lundi, quand les responsables médicaux ont obtenu le résultat du sans-abri malade, ils ont contacté le Service de police de la Ville de Montréal qui, selon Émilie Fortier, l’a retrouvé rapidement. L’homme a accepté d’être traité et il a été transporté à l’hôpital.

« C’est pris très au sérieux », assure Émilie Fortier.

Mais entre le moment du test et le résultat, l’homme s’est promené. 

La Santé publique de Montréal mène actuellement une enquête pour retracer les personnes et les organismes avec qui il a été en contact.

« On a reçu la visite de la Santé publique et on a été quand même rassurés. Il n’y a pas eu de contacts prolongés », dit Émilie Fortier.

Pour ajouter à l’angoisse, un autre usager de la Mission Old Brewery, qui lui avait un lit dans un des dortoirs de l’organisme, a été transporté à l’hôpital en ambulance pour des symptômes s’apparentant à ceux du nouveau coronavirus. Cette fois, il restera hospitalisé jusqu’à l’obtention des résultats.

Au refuge, plusieurs mesures ont été mises en place afin de limiter les risques, dont la fermeture de nombreux services. Les nouvelles admissions sont suspendues. On demande aux 270 résidants de rester à l’intérieur le plus possible pour limiter la propagation. « On essaie de segmenter les présences dans les aires communes. On met du tape par terre pour indiquer où se placer en file », indique Mme Fortier.

Dans l’édifice du boulevard Saint-Laurent, l’inquiétude est vive.

« Si on retient l’exemple de la croisière Diamond Princess, qui est quand même une croisière de luxe où [un certain nombre] de passagers et membres du personnel ont eu l’infection, avec des morts, à quoi ça pourrait ressembler dans un refuge de dernier recours ? », demande Kerwin Myler, conseiller syndical CSN des quelque 150 employés de l’endroit.

Il estime que les mesures prises par la direction ne sont pas suffisantes pour protéger les employés. « Le message que j’aimerais envoyer, c’est que ça prend plus de ressources pour les refuges. Nous, on demande à l’administration de s’adresser directement au Ministère pour qu’il délie les cordons de la bourse pour éviter une catastrophe sanitaire. Il n’y a aucun triage qui se fait. C’est la bousculade à l’entrée. C’est la bousculade aux ascenseurs, dans les escaliers. »

« On fait ce qu’on peut »

Émilie Fortier l’admet, « tout le monde est sur le qui-vive ». Elle parle aussi d’une « grande solidarité ». « Humainement, c’est très difficile. Je comprends que les gens se sentent anxieux. On a donné la consigne aux gens qui ne se sentent pas confortables de prendre une décision pour eux. »

Les usagers passent eux aussi par toutes sortes d’émotions. « Ils le sentent. On essaie de les rassurer autant que possible. »

Joe Moscato est hébergé dans un des dortoirs de la mission. « On est pas mal tassés, mais on n’a pas le choix. On n’a absolument rien d’autre. On essaie de rester loin les uns des autres, mais dans le dortoir, on est collés. Si quelqu’un l’a, c’est facile de l’attraper. C’est juste une question de temps. »

Un autre résidant, Benoit Barbier, est moins fataliste. « On se lave les mains chaque fois qu’on entre. On prend notre douche deux fois par jour. On fait ce qu’on peut. C’est sûr qu’il y a toujours un risque, mais on va passer au travers », dit-il.

— Avec la collaboration de Katia Gagnon, La Presse

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