Musique Viens mon amour

Le meilleur du « porno sirop d’érable »

On célèbre cette année le 50anniversaire de Valérie, le premier « film de fesses » canadien.

L’affaire mérite d’être soulignée, tant on sait l’importance de ce long métrage sur une génération de Québécois. Mais n’oublions pas que Valérie n’est que la pointe de l’iceberg.

Le succès de ce long métrage fut tel qu’il engendra une flopée de films érotiques faits au Québec, un véritable phénomène que certains ont depuis baptisé le « maple syrup porn » ou, si vous préférez, le « porno sirop d’érable ».

Du lot, on retiendra notamment L’initiation, Y a plus de trou à Percé, Viens mon amour, Sept fois par jour, Le diable est parmi nous et, bien sûr, Deux femmes en or, qui est demeuré longtemps le plus gros succès au box-office québécois.

Viens mon amour n’est certainement pas le meilleur de ces films : cette histoire de conflit de générations, où il est question de hippies et d’amour libre, fut unanimement démolie par la critique lors de sa sortie en 1970.

Mais il en va tout autrement de sa trame sonore, qui vient d’être rééditée en vinyle par Trésor national, un nouveau label spécialisé dans le patrimoine musical québécois.

Suave, psychédélique, groovy et funky, cette bande-son à l’esthétique très seventies se compare avantageusement à tout ce qui se faisait à l’époque dans le rayon de la sexploitation en Italie, en France ou en Allemagne. Contrairement au film, elle fut d’ailleurs saluée lors de sa sortie.

« À nos oreilles, c’était de loin la meilleure trame sonore du genre maple syrup porn faite au Québec », résume Sébastien Desrosiers, qui a fondé Trésor national avec Victor Simoneau.

La qualité de l’œuvre s’explique assez facilement : elle fut composée par Dean Morgan et Paul Baillargeon, un duo super efficace qui avait déjà des kilomètres d’expérience dans le domaine du jingle publicitaire et du défilé de mode ultratendance.

Ils avaient du flair, le sens du groove et de ce qui était hip.

« Paul Baillargeon est un orchestrateur ahurissant. Mais il reste terriblement méconnu, même au Québec. »

— Sébastien Desrosiers, cofondateur de Trésor national

Pour la petite maison de disques montréalaise, l’intérêt de Viens mon amour va toutefois bien au-delà de la musique.

Il tient aussi dans le fait d’avoir été conçu pour, et par, les « deux solitudes ».

Le tandem de compositeurs était bilingue, les acteurs étaient anglophones et francophones (Candy Green, André Lawrence, Pierre Brousseau), tandis que le film a été lancé en français et en anglais d’un océan à l’autre, dans une campagne de marketing complètement bilingue.

Ce miracle canadien tient à un nom : Cinepix.

Révélée grâce à Valérie et à L’initiation, cette boîte de production montréalaise a vite compris qu’elle pouvait séduire les deux publics à la fois. 

« C’était des anglophones qui voulaient conquérir le marché francophone. Personne d’autre ne faisait ça. Ça prenait énormément d’audace. »

— Sébastien Desrosiers

Le pari semble avoir fonctionné, puisque Cinepix est devenu un acteur important sur la scène internationale, ayant notamment produit la série des Ilsa (la louve des SS) et les premiers films de David Cronenberg.

À l’affiche pendant un an et demi

En dépit des mauvaises critiques, Viens mon amour n’a pas moins « joui » d’un certain succès.

Sébastien Desrosiers rappelle que le film est demeuré un an et demi à l’affiche au Québec, avant d’être distribué dans une cinquantaine de pays, dont la France, où il serait resté à l’affiche jusqu’en 1977…

Succès aussi pour Paul Baillargeon, qui a ensuite fait carrière à Hollywood, où il a notamment composé des trames sonores pour les séries Star Trek : Voyager et The Next Generation.

Dean Morgan est pour sa part resté dans l’univers de la mode hip : il s’occuperait aujourd’hui de cinq joailleries en Floride.

Trésor national, de son côté, aimerait bien « venir » une seconde fois. Le jeune label serait déjà en train de songer à sa prochaine réédition, mais Sébastien Desrosiers refuse d’en dire plus.

Vu leur entêtement à ressortir le vinyle de Viens mon amour (la recherche aurait nécessité deux ans de travail), on soupçonne que ce nouveau projet ne finira pas en coït interrompu.

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