OPINIONS RÉFORME DE L’IMMIGRATION

La décision du gouvernement Legault de réformer le Programme de l’expérience québécoise (PEQ) continue de soulever de nombreuses critiques. En voici quatre.

Opinion

Un programme qui se doit d’être un plus pour le Québec

Monsieur Legault, dans les facultés et les écoles que nous dirigeons à l’Université de Montréal, nous formons notamment des médecins vétérinaires, des architectes, des professionnels de la santé, des spécialistes en communication, des éducatrices, des artistes, des chimistes, des journalistes, des intervenants sociaux et, aussi, des spécialistes de l’intelligence artificielle.

Armés de leurs certificats, baccalauréats, maîtrises ou doctorats, nos diplômés trouvent généralement leur place dans l’économie ou la construisent. Nous les encourageons à être ambitieux, critiques et créatifs. Qu’ils aient été des étudiants internationaux souhaitant s’intégrer à la société québécoise ou qu’ils soient nés ici, ils contribuent à construire le Québec d’aujourd’hui et de demain. 

Ceux qui se prévalent du Programme de l’expérience québécoise (PEQ) contribuent à remplir des besoins dans l’économie québécoise. Cette simple constatation nous rend perplexes face à la réforme du PEQ que vous proposez.

Nous sommes conscients des défis que posent la francisation et l’insertion sociale et professionnelle des immigrants. Mais après avoir passé plusieurs années au Québec, les étudiants internationaux ont fait ce qu’il faut pour réussir leur intégration. Au quotidien, celles et ceux qui ont bénéficié du PEQ montrent que, comme vous le dites, la maîtrise du français, la connaissance de la société québécoise et une formation solide sont les clés d’une intégration réussie. Ils contribuent ainsi à l’atteinte de vos propres objectifs.

Votre ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale montre que le taux de chômage des personnes immigrantes est en chute libre. En deux ans, il est passé de 14 % à moins de 7 % et se rapproche donc du taux de chômage de la population en général. En plus, les diplômés universitaires, anciens étudiants internationaux ou natifs d’ici forment la catégorie qui a le taux de chômage le plus faible. Bref, les diplômés qui se prévalent du PEQ contribuent à l’essor de l’économie québécoise et au renforcement du fait français au Québec.

Le choix des domaines cibles proposés dans la réforme du PEQ nous rend également perplexes. On semble croire que seules quelques disciplines et programmes mènent à une intégration réussie au marché du travail québécois.

Ceci implique que les études dans la majeure partie de nos domaines d’enseignement ne permettent pas d’intégrer le marché du travail adéquatement, que seuls certains domaines sont à privilégier pour pallier des manques de main-d’œuvre et qu’il est possible d’identifier ces domaines. Nous ne croyons pas que cela reflète adéquatement l’apport de nos étudiants à l’économie et à la société québécoise.

La proposition de votre gouvernement suggère que les parcours de carrière des diplômés sont linéaires et qu’une planification centrale peut les structurer. Or, les experts parmi nous jugent que cette approche ne correspond plus aux besoins de notre société.

Dans un monde du travail transformé, nos diplômés ne quittent pas l’université sur une ligne toute tracée ; ils continuent de développer leurs compétences, changent d’emploi, saisissent de nouvelles occasions, répondent à de nouveaux besoins ou en créent, inventent de nouvelles pratiques et contribuent à l’émergence de nouveaux métiers et de nouveaux domaines d’activité.

Certains diplômés auront des carrières relativement prévisibles, mais nombreux sont ceux qui mettront leurs habiletés en valeur dans de nouveaux champs d’action ou qui se réinventeront. De plus en plus souvent, un diplôme est un tremplin vers une vie professionnelle riche et variée.

Même le domaine du numérique souvent cité en exemple ne requiert pas que des informaticiens ou des ingénieurs. Les diplômés des sciences humaines et sociales, des arts et des communications y sont des acteurs importants. Les créateurs de jeux vidéo ont fait des études non seulement en informatique, mais aussi en design, en sociologie, en histoire, en musique.

Nous sommes préoccupés que la liste des domaines donnant accès au PEQ ne corresponde pas aux réalités contemporaines.

Cette liste comporte des incongruités (par exemple, il n’y a pas de domaine de formation qui s’appelle « architecture urbaine ») ; dans une économie complexe et en mouvement comme celle du Québec, une telle liste risque de désavantager la province comparativement à d’autres économies.

Au lieu d’améliorer le marché de l’emploi, le projet de modification du PEQ induira une aggravation de la situation en réduisant le nombre d’immigrants francisés bien formés et bien intégrés issus de nos facultés et en rendant la sélection, la francisation et l’intégration des immigrants plus difficiles. Au lieu de restreindre le PEQ, il y aurait lieu d’en augmenter la portée en ce qui a trait aux types de programmes couverts, au nombre de diplômés admis et aux efforts de recrutement international.

Il est logique que le programme régulier d’immigration des travailleurs qualifiés vise à mieux « arrimer » les qualifications de nouveaux immigrants aux besoins du marché du travail, car leur intégration par l’emploi est critique à leur intégration en général. Le PEQ simplifie le processus administratif pour des étudiants déjà francisés, déjà intégrés et les aide à rapidement se joindre au marché du travail ou à démarrer leur propre entreprise. 

Ce programme est un plus pour le Québec.

* Autres signataires de l’Université de Montréal : Hélène Boisjoly, doyenne de la faculté de médecine ; Frédéric Bouchard, doyen de la faculté des arts et des sciences ; Christian Casanova, directeur de l’école d’optométrie ; Francine Ducharme, doyenne de la faculté des sciences infirmières ; Shahrokh Esfandiari, doyen de la faculté de médecine dentaire ; Nathalie Fernando, doyenne de la faculté de musique ; Raphaël Fischler, doyen de la faculté de l’aménagement ; Pierre Fournier, doyen de l’école de santé publique ; Lyne Lalonde, doyenne de la faculté de pharmacie ; France Houle, doyenne de la faculté de droit ; Pascale Lefrançois, doyenne de la faculté des sciences de l’éducation ; et Christine Theoret, doyenne de la faculté de médecine vétérinaire

Opinion

Le Québec a besoin de ses étudiants internationaux

La Fédération des cégeps, comme les autres acteurs de l’éducation, est soulagée de voir le gouvernement modifier sa position au sujet du Programme de l’expérience québécoise (PEQ) afin que les étudiants internationaux présentement aux études puissent continuer de bénéficier de ce programme, peu importe leur domaine d’études.

Alors que le Québec peine depuis des décennies à attirer et à retenir des immigrants en région, les cégeps prouvent année après année qu’une clé maîtresse réside dans l’accueil d’étudiants internationaux, en particulier dans leurs établissements situés hors des grands centres. La Fédération plaide depuis de nombreuses années pour que le Québec mise sur le recrutement d’étudiants internationaux pour relever les importants défis de régionalisation, d’intégration et de francisation de l’immigration au Québec.

En effet, les jeunes étudiants internationaux qui choisissent, par exemple, de faire leur parcours collégial dans un cégep du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, du Saguenay–Lac-Saint-Jean, de l’Abitibi-Témiscamingue ou de la Côte-Nord et qui y sont accueillis et accompagnés grâce aux ressources mises à leur disposition, tissent des liens forts et développent des amitiés durables avec leurs collègues du Québec. Lors de l’obtention de leur diplôme québécois, ils sont des candidats rêvés pour remplir les besoins des entreprises québécoises, car jeunes et dynamiques, mais surtout déjà bien intégrés et parlant français.

Non seulement ces étudiants venus d’ailleurs permettent le maintien de programmes d’études supérieures en région qui souffrent d’un nombre insuffisant d’étudiants québécois, mais en plus, ils contribuent à la richesse sociale, culturelle et économique du Québec.

Dans le contexte de pénurie de main-d’œuvre qui est le nôtre où, selon Emploi-Québec, 110 500 nouveaux emplois créés d’ici 2024 vont requérir une formation collégiale technique, nous ne pouvons tout simplement pas nous passer de ces étudiants internationaux qualifiés.

Par ailleurs, qui peut prétendre, à l’aube d’une nouvelle révolution industrielle, pouvoir identifier avec exactitude quels seront les besoins de tel ou tel secteur de notre économie en matière de main-d’œuvre dans 5 ou 10 ans ?

À ce titre, les listes utilisées par les différents ministères pour identifier les emplois à pourvoir sont hautement contestables, car elles sont trop restrictives, ne reflètent pas les besoins que nous observons actuellement et ne tiennent pas compte du caractère évolutif et hautement imprévisible du marché du travail.

La Fédération a été étonnée de constater que certaines formations parmi les familles de programmes (informatique, génie et aménagement du territoire, entre autres) étaient absentes de la liste des domaines de formation admissibles au PEQ publiée le 1er novembre.

Accueillir des jeunes qui cherchent une nouvelle vie, s’investissent à fond dans leurs études et veulent s’enraciner un peu partout sur le territoire constitue assurément un atout pour notre société vieillissante.

Le Québec a grandement besoin de plus de nouveaux citoyens bien formés, pas de moins.

Au nom de tous les cégeps et en particulier des cégeps de région, je demande donc au gouvernement de se concerter avec les établissements d’enseignement afin de modifier le PEQ de manière à répondre aux enjeux gouvernementaux en s’appuyant sur l’expertise du milieu de l’éducation et de l’enseignement supérieur.

Opinion

Une nation forte doit avoir la capacité d’attirer les meilleurs

En tant que directeur général de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), il est de mon devoir de manifester ma vive inquiétude au sujet des modifications importantes apportées par le gouvernement du Québec au Programme de l’expérience québécoise (PEQ) – volet diplômés. 

Créé il y a 50 ans, l’INRS est le seul établissement au Québec consacré exclusivement à la recherche universitaire et à la formation aux cycles supérieurs (maîtrise et doctorat). Notre mission est de former la relève québécoise en recherche dans les quatre grands secteurs stratégiques pour notre développement économique, social et culturel. Notre institution, comme toutes les universités au Québec, forme des citoyens et des citoyennes instruits, dotés d’un esprit critique qui occuperont des emplois générateurs de richesse économique et culturelle pour la société québécoise.

Nous saluons l’ouverture du gouvernement à inclure une clause de droits acquis pour tous les étudiantes et étudiants qui sont déjà installés au Québec. Cependant, nous demeurons très préoccupés quant aux conséquences importantes liées aux changements apportés au PEQ. En effet, selon la liste des 218 domaines de formation admissibles publiée récemment par le Ministère, moins de 15 % concernent la maîtrise et le doctorat. Seulement deux programmes à la maîtrise à l’INRS seraient admissibles.

À court terme, les changements ministériels annoncés risquent de miner la capacité d’attraction et la compétitivité des universités québécoises par rapport à celles des autres provinces canadiennes.

En excluant presque complètement les sciences humaines et en éliminant une grande partie des domaines d’études aux cycles supérieurs du programme, nous hypothéquons l’avenir de notre société, sa capacité d’innover et son entrepreneuriat économique et culturel.

En se fondant uniquement sur les besoins de l’emploi, nous oublions que nos étudiantes et étudiants les plus brillants, qu’ils soient d’ici ou d’ailleurs, sont souvent à l’origine des plus grandes innovations sociales, technologiques et culturelles. Une nation forte doit avoir la capacité d’attirer les meilleurs cerveaux, toutes disciplines confondues ; c’est le fondement même de la richesse d’une société.

Il est donc primordial de poursuivre nos démarches, en concertation avec toutes les autres universités québécoises ainsi qu’avec le Bureau de coopération interuniversitaire (BCI), afin d’amener le Ministère à reconsidérer les programmes et les professions qui seraient admissibles pour accéder au PEQ.

Je demande donc au gouvernement du Québec de travailler de concert avec les établissements universitaires pour l’élaboration d’un plan commun, au bénéfice de l’ensemble de la société.

Opinion

Le problème de fond demeure

À titre de professeurs de Polytechnique Montréal, nous sommes très préoccupés par l’effet que les nouvelles modalités du Programme de l’expérience québécoise (PEQ) aura sur nos étudiants, nos équipes de recherche ainsi que sur l’avenir scientifique et économique du Québec. Bien que la clause de droits acquis puisse régler le problème humain de nos étudiants actuels, le problème de fond demeure.

Dès l’implantation du PEQ, nous avons pu attirer les meilleurs talents au sein de nos équipes et de nos centres de recherche financés, entre autres, par le gouvernement du Québec. Ces étudiants diplômés s’y sont épanouis et, dans bien des cas, ils se sont parfaitement intégrés à la société québécoise. Ils sont restés ici pour continuer à bâtir le Québec de demain. 

Certains d’entre eux ont fondé des entreprises qui contribuent à l’essor économique du Québec, alors que d’autres ont intégré le marché du travail québécois, toujours en manque criant de personnel hautement qualifié. D’autres ont quitté la province, mais ont souvent gardé un lien solide avec le Québec qui les a si bien accueillis et encadrés.

C’est l’ouverture sur le monde, la poursuite de l’excellence et la mise en place de l’économie du savoir qui a fait du Québec d’aujourd’hui un endroit incontournable en sciences et en technologie. Il est clair que le PEQ a grandement contribué à cet état de choses.

Avec l’entrée en vigueur des nouvelles mesures, nous nous retrouvons maintenant avec une liste restreinte de diplômes admissibles qui, dans la plupart des cas, ne correspondent pas à des études supérieures. Ainsi, l’application de cette liste aura un effet dévastateur sur notre capacité à attirer et conserver du talent.

En effet, les équipes de recherche nécessitant un personnel hautement qualifié ne pourront pourvoir leurs besoins. Par conséquent, les activités de recherche iront en diminuant, ce qui mènera à la disparition de certains domaines qui ont coûté à l’État québécois des années de développement et de planification.

De plus, la mise en œuvre de cette liste pose problème. En effet, la recherche actuelle étant ouverte et multidisciplinaire, nos domaines ne sont plus nécessairement définis par un diplôme. Un étudiant inscrit dans une discipline peut très bien être un expert dans une autre, par sa formation en recherche. Par ailleurs, la nature temporelle des études fait en sorte qu’une telle liste ne pourra jamais être réellement arrimée aux besoins économiques du Québec. Par exemple, quelle sera la situation d’un étudiant inscrit dans un domaine figurant initialement sur la liste, si ce domaine y disparaît avant la fin de ses études ?

En conclusion, nous voulons continuer à vivre, à enseigner, à faire de la recherche et à former du capital humain hautement qualifié dans un Québec prospère, dynamique et ouvert sur le monde. Les nouvelles règles du PEQ vont à l’encontre de ces valeurs et nous demandons au gouvernement du Québec de revenir sur sa décision.

* Autres professeurs de Polytechnique Montréal signataires : Jason Robert Tavares, Carl-Éric Aubin, Gabriela Nicolescu, Benoit Barbeau, François Guilbault, Marc Lavertu, Jamal Chaouki, Michel Gagnon, Aouni A Lakis, Louis Laberge Lebel, Frédéric Gosselin, Robert Legros, Samuel Bassetto, Sarah Dorner, François Leduc-Primeau, Cedric Beguin, Bruno Blais, Farida Cheriet, Michel Gendreau, Nicolas Saunier, Jérôme Vétel, Raman Kashyap, Paul Baudron, Stéphane Etienne, Tew-Fik Mahdi, Soumaya Yacout, Frédéric Sirois, Mario Jolicoeur, Sofiane Achiche, Abdellah Ajji, Éric Laurendeau, Amal Zouaq, Sébastien Le Digabel, Sophie Bernard, Yvon Savaria, Rachid Boukhili, Jean-Marc Frayet, Jonathan Jalbert, Gregory De Crescenzo, Catherine Beaudry, Lama Séoud, Ke Wu, Guy Desaulniers, Christopher Pal, Giovanni Beltrame, Antoine Legrain, Steven Chamberland, Mohamad Sawan, Louis-Martin Rousseau, Samuel Yniesta, Eduardo A. J. Ruiz, Christian Cardinal, Marie Claude Heuzey, Louis Fradette, Mohamed-Salah Ouali, Françoise Bichai, Giuliano Antoniol, Richard Gourdeau, Bruno Agard, Massimo Cimmino, E. Owen Waygood, Charles Audet, Jean Pierre David et Michèle Prévost

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