Mon clin d’oeil

« J’aimerais que vous écriviez que je ne contrôle pas l’information. » 

– Denis Coderre

Élections municipales 2017 Opinion

Choisir la mixité sociale et économique

Dans une métropole comme Montréal, l’aménagement urbain est fondamental, notamment en ce qui a trait au logement, à la justice sociale et à la répartition de la richesse. À l’heure actuelle, on peut craindre que l’embourgeoisement, déjà bien enclenché, ne s’amplifie, conduisant à une recrudescence de l’itinérance et à l’exode des couches moins nanties vers la périphérie ou hors de l’île de Montréal.

Avec les nouveaux pouvoirs que lui confère son statut de métropole, la Ville de Montréal sera, après les élections du 5 novembre, dans une position privilégiée pour agir dans ce domaine. 

Devant le risque bien réel de surchauffe immobilière, allons-nous, comme nombre d’autres grandes villes, céder les quartiers centraux à une élite économique ?

Pour notre part, nous estimons que le bien commun milite en faveur d’actions favorisant le maintien d’une mixité de population dans nos villes. Les bénéfices sont autant sociaux qu’économiques et s’inscrivent parfaitement dans les approches de développement durable qui font consensus, du moins en théorie.

C’est en ce sens que notre fédération, qui représente quelque 460 coopératives d’habitation de la région métropolitaine où vivent plus de 12 000 ménages, participe à la présente campagne électorale municipale.

Nos coopératives et les OSBL en habitation, dont la mission même de fournir du logement abordable, devrait servir de rempart contre les effets néfastes de l’embourgeoisement, en sont aujourd’hui victimes. Alors qu’elles gèrent des logements sociaux et qu’elles ne peuvent faire l’objet de spéculation, elles sont évaluées et taxées selon les mêmes critères que les propriétés privées.

Les hausses de l’évaluation foncière et les augmentations de taxes qui en résultent, particulièrement dans les quartiers centraux, menacent aujourd’hui leur capacité à offrir des logements véritablement abordables à des familles et personnes à revenu faible ou modeste.

Des propositions pour renverser la tendance

Face à ce constat, des solutions sont possibles pour préserver le tissu social de nos quartiers. En premier lieu, la mise en place d’une politique fiscale différenciée selon la mission des organismes nous apparaît des plus logiques. Cette mesure, plus équitable que le système actuel, aiderait assurément les organismes gérant des logements sociaux à assurer leur mission. La mesure peut sembler particulière, mais elle ne serait pas unique à Montréal. De telles politiques sont en vigueur dans d’autres villes ailleurs au Canada, aux États-Unis.

Si les municipalités peuvent agir pour protéger le parc de logements sociaux actuels, elles doivent aussi faire des gestes pour favoriser son développement. 

Sur le sujet, quoi qu’en disent les statistiques sur le taux d’inoccupation des logements, les besoins sont encore criants, non seulement sur le plan de l’accès économique, mais également de la disponibilité de logements familiaux et de l’accessibilité universelle.

Dans la grande région montréalaise, la crise du logement n’est pas réglée pour bon nombre de ménages locataires , dont 40 % consacrent plus de 30 % de leurs revenus au logement au détriment d’autres besoins essentiels comme l’alimentation ou la santé.

Le développement du logement social, en formule coopérative ou autre, constitue un élément de solution, mais celui-ci est freiné par la difficulté d’acquérir des terrains ou des immeubles dans un marché dominé par les promoteurs immobiliers privés qui construisent des condos.

Les mesures d’inclusion volontaire ont montré leurs limites, la création d’une banque de terrains et de bâtiments pour le logement social est nécessaire si l’on veut vraiment favoriser le développement de cette formule.

Vu plus largement, l’aménagement urbain soulève aussi des enjeux importants sur le plan de la démocratie et de la gouvernance, surtout depuis l’adoption des lois 121 et 122 qui retirent à la population le droit d’approbation référendaire. Dans le contexte où plusieurs grands projets risquent fort de refaçonner notre paysage urbain, la mise en place d’un véritable processus de consultation en amont est essentielle.

La Stratégie centre-ville, qui vise à attirer plus de 50 000 nouveaux résidants au cœur de la ville, les ambitieux projets résidentiels dans le site de l’ancien hippodrome Blue Bonnets et à Pierrefonds ou encore la création de la Cité de la logistique dans Mercier – Hochelaga-Maisonneuve ne sont que quelques exemples de ces grands projets sur lesquels les citoyens doivent pouvoir se prononcer si nous souhaitons vraiment que les nouveaux développements profitent à l’ensemble de la communauté plutôt qu’aux seuls promoteurs et aux entreprises derrière ceux-ci.

Ces élections pourraient bien être celles de la place de la gouvernance, de la démocratie et de la participation citoyenne dans de grands projets. C’est en tout cas le souhait que nous faisons, convaincus, comme le dit l’expression, que du débat jaillit la lumière.

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