Interruption sur la ligne verte

Le présage de « travaux majeurs » dans le métro

Attendez-vous à des chantiers dans le métro. La longue interruption sur la ligne verte, en pleine heure de pointe lundi en raison de la dégradation du béton dans la voûte du tunnel entre les stations Berri-UQAM et Saint-Laurent, est le présage de « travaux majeurs » dans le métro au cours des prochaines années, admet la Société de transport de Montréal (STM).

4,4 milliards sur 10 ans

« Il faut faire des travaux majeurs pour nous offrir un autre cycle de vie du métro. Et c’est ce qu’on va faire », a fait valoir mardi le président de la société de transport, Éric Alan Caldwell, sans toutefois s’avancer sur les stations jugées prioritaires. Dans son dernier budget, a-t-il rappelé, son groupe a projeté des dépenses de 4,4 milliards pour l’entretien des actifs au cours des 10 prochaines années. De cette somme, environ 3,3 milliards ont été confirmés, le reste faisant encore l’objet de discussions avec les bailleurs de fonds, dont Québec et Ottawa. « C’est normal que les sommes ne soient pas toutes confirmées. On est en discussion, mais nos partenaires comprennent bien l’importance stratégique de protéger le métro de Montréal », a également soutenu M. Caldwell.

Une fuite d’eau

La réouverture de la ligne verte a été annoncée mardi vers 5 h, près de 12 heures après l’interruption totale entre les stations Frontenac et Lionel-Groulx, un tronçon qui dessert environ 150 000 personnes par jour. C’est une fuite d’eau, dont on ignore encore la cause exacte, qui avait permis de détecter des fissures dans la voûte du tunnel entre les stations Berri-UQAM et Saint-Laurent. « La dégradation du béton est superficielle et l’intégrité de la voûte n’est pas remise en question », avait alors tranché la STM. Des travaux d’urgence, tenus dans la nuit de lundi à mardi, ont permis de « faire tomber le béton qui aurait peut-être pu chuter par vibration sur la voie ». Divers travaux de prévention devront encore avoir lieu au-dessus du tunnel dans les prochaines semaines. Un grillage métallique sera « installé au cours des prochaines nuits pour nous donner le temps d’effectuer des travaux », affirme la STM. Des « travaux permanents » seront ensuite entrepris pour reconstruire la voûte à neuf, ce qui devrait prendre plusieurs mois.

« Deuxième cycle de vie »

En entrevue avec La Presse, la directrice générale de la STM, Marie-Claude Léonard, affirme que le métro entre « dans son deuxième cycle de vie ». « Le métro Saint-Laurent, par exemple, a été construit à l’ouverture dans les années 1967. Il faut être conscients qu’on a des infrastructures vieillissantes, donc on doit poursuivre nos efforts d’entretien », a-t-elle martelé. Elle avoue toutefois qu’il n’est pas impossible que ce genre d’évènement se reproduise. « Nous pourrions avoir plus de fissures, peut-être. […] On ne s’attend pas à ça avec les mesures en place, mais on n’est jamais à l’abri. » S’il devenait nécessaire de le faire, la STM n’exclut d’ailleurs pas de « faire des nuits d’entretien plus longues ». À l’heure actuelle, les employés d’entretien n’ont que quelques heures pour effectuer les travaux durant la nuit. N’empêche, un « plan d’inspection de la structure des voûtes dans les tunnels du métro » avait déjà été lancé ces dernières années et se poursuivra.

Vers une « longue période de travaux »

Selon Pierre Barrieau, expert en planification des transports à l’Université de Montréal, le métro arrive à un moment charnière. « On rentre dans une longue période de travaux en permanence. À moyen terme, ça voudra peut-être dire des fermetures de plus en plus fréquentes, une période de nuit qu’il faudra allonger, ou une heure ou deux de service en moins tous les jours pour permettre des cycles de travaux plus longs », raisonne-t-il. « Déjà, le métro avait un déficit d’entretien accumulé important, mais là, c’est qu’on arrive à de gros investissements qui s’en viennent sur le maintien des actifs », poursuit en ce sens M. Barrieau. Ce dernier cite notamment l’exemple du métro de New York, « qui était entré dans une période de grand déclin au tournant des années 1960 parce que ses équipements arrivaient en fin de vie utile, et que la Ville n’avait pas les moyens financiers pour réaliser tous les travaux requis ». « On avait alors vu beaucoup plus de pannes et toutes sortes de problèmes », illustre-t-il.

Des usagers préoccupés

En début de journée, mardi, certains usagers étaient partagés. « Ça inquiète mon épouse puisqu’elle prend le métro tous les jours pour aller au travail. C’est certain qu’elle était préoccupée ce matin », a lancé le Montréalais Marc Biron, qui se rendait à un rendez-vous quand La Presse l’a interpellé. « Il ne faut pas oublier que le métro a été construit à la fin des années 1960. C’est du ciment, et on a quatre saisons, beaucoup de pluie, beaucoup de gel. Je pense que c’est normal, ce qui se produit. Il faut simplement bien le gérer », a ajouté l’homme de 69 ans, qui profitera dès juillet de la gratuité dans le transport collectif, une promesse concrétisée de l’administration Plante. « J’ai déjà ma passe qui est prête pour ça. Le métro, ça reste la meilleure option pour se déplacer en ville », a glissé, tout sourire, le sexagénaire.

Entretien des structures du métro

Des dépenses peu « glamour », mais nécessaires, dit Plante

Vienne — Québec et Ottawa ne trouvent pas très « glamour » d’investir dans les infrastructures existantes du métro, mais l’évènement de lundi doit leur servir de sonnette d’alarme, a fait valoir mardi la mairesse de Montréal en entrevue avec La Presse.

Valérie Plante, qui se trouve en Europe pour la semaine, a appelé les gouvernements supérieurs à s’engager davantage pour éviter que le métro de Montréal suive la voie du métro de New York, en décrépitude.

« Sur le coup, j’ai été très surprise et surtout inquiète », a-t-elle relaté mardi. « On a été préoccupés jusqu’à ce [mardi] matin. On avait une rencontre avec la Société de transport de Montréal (STM) à 5 h justement pour voir les dernières nouvelles et l’état de la situation. La STM a pu garantir la sécurité des utilisateurs et rouvrir le métro à temps pour l’heure de pointe. »

Une fissure dans une voûte de béton révélée par une fuite d’eau avait causé la fermeture d’urgence d’un grand tronçon de la ligne verte, la veille. Après une douzaine d’heures d’expertises et de travaux, la STM a estimé que « l’intégrité de la voûte n’est pas remise en question ».

Une fois résolue, cette crise doit servir de leçon, a affirmé la mairesse de Montréal.

« On ne se réveille pas aujourd’hui en se disant qu’il faut qu’on s’occupe du métro, a-t-elle fait valoir. C’est un message qu’on porte, mais ce n’est pas un message qui a nécessairement beaucoup d’écho au sein des autres [ordres de gouvernement], parce que c’est moins glamour, c’est moins intéressant de s’occuper du maintien d’actifs. Et donc les programmes existants ne sont souvent pas très généreux. »

« Ceci étant dit, on a une belle collaboration avec la ministre [des Transports Geneviève] Guilbault. On sent que l’oreille est ouverte, on sent une ouverture et pour nous, c’est très positif, a ajouté la mairesse. J’ai eu énormément d’échanges sur le maintien des actifs, sur le transport collectif, pour mettre la ministre à niveau, ce qui est tout à fait normal quand on prend un nouveau portfolio. »

New York, contre-exemple

En février, la STM plaidait auprès du gouvernement du Québec – alors qu’il préparait son budget – en faveur d’une augmentation des investissements pour le maintien des actifs des transports en commun.

« La réduction des sommes prévues pour le maintien d’actifs au Plan québécois des infrastructures (de 3,8 G$ en 2018 à 2,6 G $ en 2022) est source de préoccupation alors que les besoins restent immenses », indiquait l’organisation dans une lettre au ministre des Finances. « Des projets importants de maintien d’actifs de la STM doivent actuellement être reportés, faute de disponibilité des crédits nécessaires. »

Le gouvernement du Québec ne doit pas être le seul à s’acquitter de cette tâche, a ajouté Valérie Plante.

« Le fédéral aussi doit adapter ses programmes, qui ne sont pas assez généreux : ils refusent presque systématiquement de faire du financement de maintien d’actifs, et ça, c’est un problème. Toronto vit le même problème. Quand je parlais avec le maire [John] Tory, il disait la même affaire, Vancouver, c’est la même affaire », a-t-elle affirmé.

« Il ne faut absolument pas minimiser les efforts financiers pour que le réseau existant soit sécuritaire, performant. Le contre-exemple, c’est entre autres le métro de New York, qui a manqué d’investissement et on voit les résultats que ça donne. »

— Valérie Plante, mairesse de Montréal

Centre-ville : Plante pourrait s’inspirer de Londres

Valérie Plante se trouvait mardi soir à Vienne, deuxième étape d’une courte tournée européenne d’une semaine.

Elle s’est arrêtée à Londres lundi, où elle a rencontré le maire Sadiq Khan, ainsi que d’autres élus municipaux engagés contre les changements climatiques, en plus d’accorder une entrevue à The Economist.

Mme Plante a profité de sa présence dans la capitale britannique pour y constater de visu le fonctionnement de sa zone « à très faibles émissions », qui a réduit considérablement la présence des véhicules au centre-ville. Montréal a promis d’instaurer une zone semblable d’ici 2030.

« C’est sûr que de discuter et de voir la zone à très faibles émissions dans le centre-ville de Londres, ça nous a beaucoup aiguillés sur certaines choses à évaluer, parce que c’est un projet qu’on veut, a-t-elle dit. Il faut vraiment prendre le temps de bien évaluer certains éléments, travailler avec les partenaires. Toute la question de l’électrification des moyens de transport, les bornes de recharge, tout ça doit être à point pour que ça fonctionne. »

Mme Plante dit avoir été particulièrement inspirée par la méthode londonienne : commencer avec une petite zone en plein cœur de la ville, puis l’agrandir graduellement. « C’est intéressant de voir une stratégie progressive », a-t-elle dit.

Mercredi, Valérie Plante doit rencontrer le maire de Vienne et visitera un projet de logements abordables avec des représentants québécois du monde de l’habitation.

Arrivée du REM

Un réseau de bus transformé à L’Île-des-Sœurs

Le réseau d’autobus de la Société de transport de Montréal (STM) est sur le point de se transformer à L’Île-des-Sœurs afin de rendre « plus efficaces » les correspondances avec la future station du Réseau express métropolitain (REM). Une occasion d’y « changer le mode de vie » orienté d’abord vers la voiture, croit l’administration Plante.

« C’est l’occasion en or de changer le mode de vie qui est fortement orienté vers la voiture. On sait selon la dernière enquête Origine-Destination que plus de 60 % des déplacements à L’Île-des-Sœurs s’effectuent en voiture », a lancé mardi la mairesse de l’arrondissement de Verdun, Marie-Andrée Mauger.

Deux nouveaux circuits circulant dans les deux directions verront le jour : le 172 Chemin du Golf, qui circulera les jours de semaine avec une fréquence de 10 minutes en heure de pointe, et le 176 Berlioz, qui circulera toute la semaine avec une fréquence de 8 minutes en pointe. Les deux culmineront vers le REM.

Les lignes 12 Île-des-Sœurs et 168 Cité-du-Havre conserveront pour leur part un lien vers le métro de l’Église, dans Verdun, et le centre-ville, en plus de desservir le REM.

La première conservera la même fréquence, mais desservira dorénavant le secteur de la Pointe-Nord toute la semaine. La seconde verra son service ajusté « légèrement à la baisse » pour offrir du service dans la rue Berlioz et le boulevard Robert-Bourassa. Son terminus sera aussi déplacé à la gare Lucien-L’Allier.

« On change complètement le portrait de la mobilité à L’Île-des-Sœurs », a soutenu le président de la STM, Éric Alan Caldwell. Si certains « points de destination changent », tout a été pensé pour « améliorer la performance des lignes qui s’y rattachent », a-t-il fait valoir.

Des lignes bonifiées, d’autres abolies

Pour « compenser » l’ajustement à la baisse de la 168, la ligne 74 Bridge sera toutefois « bonifiée » et sera en service en soirée et durant les week-ends. Elle circulera ainsi toute la semaine dans les deux directions, sur le boulevard Robert-Bourassa.

À noter : deux circuits, le 21 Place-du-Commerce et le trajet 178 Pointe-Nord/IDS, seront toutefois abolis afin « d’harmoniser » la desserte. On invite maintenant les usagers à utiliser les lignes 12 et 168, qui ont été modifiées. Tous ces ajustements seront en vigueur « au jour 1 » de la livraison du REM sur la Rive-Sud, dont la date de mise en service, ce printemps, n’est toujours pas confirmée.

Consciente qu’il pourrait y avoir des imperfections, la STM promet toutefois « d’ajuster le niveau de service selon les observations terrain et les besoins de la clientèle » qui pourraient survenir. Une campagne d’informations sera aussi déployée sur les réseaux sociaux et dans les médias numériques, ainsi que dans les abribus.

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La refonte annoncée mardi à L’Île-des-Sœurs était la première du genre dévoilée par la STM. Une quinzaine d’autres secteurs feront l’objet d’une pareille réforme, au fur et à mesure du déploiement du REM.

SOURCE : SOCIÉTÉ DE TRANSPORT DE MONTRÉAL

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