Urbanisme et aménagement du territoire

Faites-vous entendre !

Pour une seconde année consécutive, la vaste majorité des Québécois ont pris leurs vacances ici. Ce territoire est magnifique et original, avec ses paysages agricoles et ses forêts, ses montagnes, son fleuve, ses noyaux villageois et son patrimoine bâti. Le parcourir, c’est en constater de visu toute la diversité, la richesse et la fragilité.

La beauté du territoire ne doit toutefois pas être tenue pour acquise. Ce que l’on fait de ces lieux que l’on vit et habite, la manière dont on les aménage, est la somme de décisions collectives.

Nos milieux de vie nous façonnent autant que nous les façonnons ; nous le constatons particulièrement depuis un an et demi. Le confinement en a poussé plusieurs à fréquenter davantage leur quartier. Cette fréquentation accrue des espaces publics a stimulé l’intérêt des citoyens pour le devenir de leur milieu.

Les mobilisations citoyennes pour la préservation d’espaces qui leur sont chers semblent plus nombreuses que jamais.

À bien des égards, il faut reconnaître que les pratiques d’aménagement urbain n’ont pas été à la hauteur au cours des dernières décennies. Les services du quotidien se sont éloignés. En quelques décennies, le nombre d’élèves qui se rendent à l’école en transports actifs a diminué de 50 %, et représente désormais à peine plus du quart. L’étalement urbain, ou l’éparpillement territorial, est un mode d’occupation du territoire coûteux qui se déploie au détriment des cœurs de villes et de villages, ainsi que des espaces non urbanisés qui les entourent.

On a construit des quartiers sans trottoirs, particulièrement inadaptés aux besoins des personnes âgées et des enfants.

On a érigé des pans de villes en zones inondables, avec les conséquences que l’on connaît.

On a urbanisé des milliers d’hectares de nos meilleures terres agricoles (socle de notre alimentation) et une panoplie de milieux naturels et d’espaces verts.

On a permis à notre patrimoine porteur d’histoire de s’effriter, en l’abandonnant ou en le démolissant un bâtiment à la fois.

On a banalisé des paysages et des milieux de vie, au point de confondre les lieux.

Le gouvernement du Québec fait d’ailleurs lui-même la plupart de ces constats. C’est pourquoi il a lancé en janvier dernier une conversation nationale sur l’urbanisme et l’aménagement du territoire. Dans le document de consultation rendu public au début de l’été, on lit que « les pratiques actuellement en vigueur au Québec en matière de développement du territoire favorisent des modes d’occupation du territoire qui sont coûteux à la fois sur le plan des finances publiques, mais également sur les plans humain et environnemental ».

Le Québec a donc besoin d’un « désormais » en matière d’aménagement du territoire.

C’est essentiel pour répondre aux grands défis du XXIe siècle. On pense évidemment aux bouleversements climatiques, mais aussi à la crise du logement et à la vitalité des centres-villes à l’ère du numérique. Pensons également à la nécessaire réconciliation avec les nations autochtones, qui doivent être non seulement consultées, mais bel et bien entendues.

Le territoire du Québec est notre patrimoine commun. Il faut s’y intéresser. Nous appelons donc les Québécois à participer en grand nombre aux consultations en cours jusqu’au 10 septembre sur le site du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation en vue de l’adoption au printemps 2022 de la Stratégie nationale d’urbanisme et d’aménagement des territoires.

Déjà, plus de 1000 personnes ont participé aux rencontres thématiques et régionales de la tournée « Parlons territoire », orchestrée par l’alliance ARIANE afin d’informer et d’outiller la population en vue des consultations gouvernementales. L’appétit citoyen pour une transformation des pratiques d’aménagement est palpable. Il est crucial d’en témoigner lors des consultations en cours.

Mais ce ne sera pas suffisant : il faudra occuper l’espace public. Au cours des prochaines semaines et des prochains mois, faites-vous entendre. Tous ensemble, parlons territoire !

Consultez la page de la Stratégie nationale d'urbanisme et d'aménagement des territoires

* Cosignataires : Pierre Corriveau, président de l’Ordre des architectes du Québec ; Sylvain Gariépy, président de l’Ordre des urbanistes du Québec ; Sabaa Khan, directrice générale, Québec et Atlantique, de la fondation David Suzuki ; Martin Vaillancourt, directeur général du Regroupement des conseils régionaux de l’environnement du Québec ; Renée Genest, directrice générale d’Action patrimoine ; Marcel Groleau, président général de l’Union des producteurs agricoles ; Dinu Bumbaru, directeur des politiques d'Héritage Montréal ; Marie-Odile Trépanier, professeure honoraire à l’Université de Montréal et urbaniste émérite ; Ron Rayside, architecte chez Rayside Labossière ; Catherine Fernet, présidente de l’Association des architectes paysagistes du Québec ; Cynthia Boucher, présidente de l’Association des aménagistes régionaux du Québec

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