Conférence internationale sur la diversité biologique

Protéger la biodiversité pour mieux lutter contre le réchauffement

Tout comme l’urgence climatique, la crise mondiale de biodiversité nécessitera des choix difficiles d’ici la fin de la décennie. La Convention de l’ONU sur la diversité biologique (CDB) a mis la table, lundi, en vue d’un grand sommet qui doit se tenir en Chine en octobre prochain. Un programme costaud qui prévoit de réduire considérablement l’utilisation des pesticides, d’enrayer la pollution par le plastique, d’augmenter la superficie des aires protégées et de mieux protéger les espèces menacées.

De quel programme est-il question ?

Ce programme, c’est celui de la 15conférence sur la diversité biologique qui doit se tenir en principe en Chine, du 11 au 24 octobre prochain. Cette rencontre est en quelque sorte l’équivalent de la COP26, la conférence sur le climat, prévue en novembre à Glasgow, en Écosse.

Tout comme la COP26, qui est conseillée par le GIEC ou le groupe d’experts intergouvernementaux sur l’évolution du climat, la Convention sur la diversité biologique, dont le Canada est membre, compte aussi sur un groupe de spécialistes, soit la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, mieux connue sous l’acronyme IPBES. Celui-ci dresse l’état des lieux en matière de biodiversité, qui a été présenté pour la première fois à Paris en 2019. Les conclusions faisaient alors état d’un « effondrement » pour les écosystèmes et la diversité biologique un peu partout sur la planète.

Des objectifs ambitieux

D’ici 2030, les États membres devront avoir protégé au moins 30 % de leur superficie terrestre et marine. Le document prévoit aussi une réduction de l’utilisation des pesticides d’au moins 60 % et l’élimination de la pollution par le plastique. D’ici 2050, l’objectif est de renverser la tendance et de restaurer au moins 20 % des écosystèmes déjà endommagés en plus de ceux qui seront protégés. Des gestes qui devraient permettre de réduire d’au moins 10 % le risque de voir des espèces disparaître à tout jamais. Des objectifs ambitieux, dont certains sont jugés irréalistes cependant, du moins tant que les gouvernements ne mettront pas en place les cadres législatifs requis, reconnaît le président de l’IPBES, le Britannique Robert Watson, en entrevue avec le quotidien The Guardian.

Climat et biodiversité vont de pair

De plus en plus d’experts estiment que l’urgence climatique et la crise de biodiversité devraient être abordées de front, d’autant plus que ces deux enjeux sont liés. Par exemple, entre 30 et 40 % de la réduction des gaz à effet de serre (GES) pourrait être obtenue grâce à des « solutions nature », notamment la protection des écosystèmes, signale Jérôme Dupras, professeur au département des sciences naturelles de l’Université du Québec en Outaouais. Une étude récente a d’ailleurs estimé que le Canada pourrait réduire ses émissions de plus de 10 % en protégeant mieux ses milieux naturels. Le président de l’IPBES reconnaît lui aussi que ces deux questions ne devraient plus être traitées séparément.

Vingt ans de retard

Jérôme Dupras rappelle que « l’effondrement de la biodiversité est une crise environnementale de la même amplitude que celle des changements climatiques ». Malheureusement, c’est un enjeu qui a 20 ans de retard sur les changements climatiques, ajoute-t-il. « La biodiversité est plus complexe et n’a pas profité des grands chantiers [comme ceux liés au réchauffement planétaire]. » Dans plusieurs régions du globe, là où la biodiversité est la plus riche, se trouvent aussi des écosystèmes capables de stocker de grandes quantités de carbone. Mais le défi est de taille : M. Dupras laisse entendre que des pays comme le Brésil font de l’obstruction, « pour les raisons que l’on connaît ». Néanmoins, selon le chercheur, l’objectif de protéger 30 % de la superficie terrestre et marine au pays est « loin d’être irréaliste ». « Tous les mécanismes sont en place pour y arriver. »

La population prête pour des « gestes plus importants »

S’il dit ne pas aimer les discours catastrophistes, du genre fin du monde, Jérôme Dupras reconnaît que si l’on souhaite éviter des conséquences irréversibles en matière de biodiversité, « nous avons une fenêtre de 10 ans [pour y arriver] ». « On observe une cadence alarmante dans le déclin des espèces et de la biodiversité. » Or, si la planète est en mesure de s’adapter à ces changements, ses conséquences risquent d’être plus dramatiques pour l’humain. Mais le chercheur, qui est aussi le bassiste des Cowboys fringants, demeure optimiste. Il croit qu’au Québec, la population est rendue là. « Je pense que les gens sont prêts à des gestes plus importants. »

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