Villages créatifs

Potton, le canton ami des artistes

Potton — Hors des grands centres, point de culture ? Des villages du Québec démontrent le contraire, attirant les artistes qui y trouvent le milieu idéal pour s’exprimer, créer, exposer, enrichissant d’autant la vie culturelle de la région. Cet été de pandémie est idéal pour les (re)découvrir. En commençant aujourd’hui par Potton.

Quand une petite municipalité comme le canton de Potton insère les coordonnées des ateliers d’artistes non seulement dans le dépliant touristique, mais carrément sur son site internet, on peut déduire que l’apport des créateurs à la vie communautaire et socioéconomique est considéré comme important. Si on ajoute le Tour des arts, des concerts extérieurs tous les dimanches d’été et des Journées de la culture étoffées, on comprendra que la vie pottonaise est choyée sur le plan des arts.

« Nous habitons une région assez riche culturellement », résume Almut Ellinghaus, qui, avec son conjoint Stanley Lake, tient un atelier de poterie sur le chemin Ruiter Brook. Outre la poterie traditionnelle façonnée par Stanley, tous deux réalisent des sculptures de jardins, Almut se spécialisant dans les masques, un héritage de ses années professionnelles au théâtre. Tous deux sont aussi musiciens : le trio jazz Almut Ellinghaus s’est même produit devant Bill et Hillary Clinton lors de leur passage en 2019.

« Pourquoi y a-t-il tant d’artistes ici ? Je ne connais pas la réponse, mais les paysages sont d’une grande beauté, la nature est partout, il y a beaucoup de silence en hiver. Et beaucoup d’Européens vivent ici, ce qui suscite un mélange culturel. »

— Almut Ellinghaus

Son conjoint Stanley Lake est concepteur et membre fondateur du Tour des arts, dont la 32e édition aurait dû battre son plein cette semaine, un circuit populaire d’ateliers d’artistes dans la région. Malgré l’annulation, 18 participants ont gardé leurs portes ouvertes et acceptent les visiteurs sur rendez-vous, de préférence masqués (quelques artistes à visiter : Réginald Landry, soudure artisanale, Genevieve Duplessis, sérigraphiste d’art, Edith Dora Rey, peintre et aquarelliste, Julie-Anne Bellefleur, potière, Julie-Anne Bellefleur, potière, Stansje Plantenga, photographe naturaliste).

« Les élus savent que beaucoup de gens cherchent et valorisent ce contact spécifique direct avec les artistes. Ça apporte une autre richesse, en plus de l’agrotourisme », dit Almut Ellinghaus.

Le musée « singulier » du village

S’il y a une chose qu’on ne s’attendrait pas à trouver dans une petite localité comme Mansonville – le cœur villageois du canton de Potton –, c’est bien un musée d’art. Pourtant, en 2018, Patrick Cady y a ouvert son Musée d’art contemporain singulier (MACS) dans l’ancienne église unie de Mansonville, qu’il a achetée et rénovée pour y installer 440 pièces de sa collection personnelle.

Précisons que Patrick Cady n’était pas un résidant de l’endroit. « Mais mon projet a été très bien accueilli par la communauté. Les gens de Mansonville étaient très heureux que quelqu’un restaure l’église. Et tous ont conscience qu’un tel musée est un plus pour la municipalité », résume le Montréalais.

Le MACS regroupe les œuvres de 28 artistes différents. La collection comporte une majorité de peintures, mais aussi des dessins, des sculptures, des gravures, des tapisseries et même des automates.

« Avant, je n’étais qu’un simple amateur d’expositions. C’est lorsque j’ai fait l’expérience de la sculpture que m’est venue une réelle passion pour le travail d’autres artistes. Ça a réveillé quelque chose en moi. »

— Patrick Cady

« Je n’ai jamais pensé devenir collectionneur : je me suis simplement aperçu que j’avais besoin d’acheter une œuvre pour la regarder longtemps, pour vivre avec elle. J’ai aussi communiqué cette passion à ma compagne », continue-t-il.

Patrick Cady a finalement loué un entrepôt pour garder toutes ses acquisitions. « Mais je trouvais ça très triste, alors que mon désir était de faire connaître ces artistes. De là est venue l’idée d’un musée, un rêve que j’ai d’abord cru inaccessible financièrement. Effectivement, à Montréal, ç’aurait été impossible. Jusqu’au jour où nous sommes tombés sur cette église à vendre, au cours d’une balade. »

Crucifixions inaperçues

Malgré tous les travaux de restauration auxquels il a fallu procéder pendant un an, notamment refaire le clocher et la toiture, le collectionneur estime que choisir ce bâtiment était judicieux.

« D’abord pour son volume immense, mais aussi parce que plusieurs des artistes de l’exposition ont une vie intérieure extrêmement intense, voire tourmentée, et chez certains reviennent des thèmes religieux, parfois sans qu’ils en aient conscience. Par exemple, j’ai dû faire remarquer au dessinateur Sylvain Martel qu’il avait représenté dans ses œuvres des dizaines de crucifiés. »

Patrick Cady a choisi l’adjectif « singulier » pour son musée parce que les artistes qui y sont exposés n’appartiennent à aucune école ni aucun courant de l’art contemporain. « Ils suivent leur propre route et ont tous une signature très forte. C’est ce qui m’attire. Si un peintre me fait penser à d’autres, ça ne m’intéresse pas du tout. »

Normalement ouvert du vendredi au dimanche, le Musée d’art contemporain singulier fonctionne sur rendez-vous pendant la pandémie, surtout pour éviter une trop grande affluence qui compromettrait les mesures de distanciation physique.

À voir dès aujourd’hui

La Grange ronde de Mansonville rouvrira au public ce samedi, après d’importants travaux de rénovation.

Construite en 1912, elle est l’une des dernières existant au Québec, et l’une des rares ouvertes au public. Cet été, on y trouvera deux expositions à caractère patrimonial – sur la fabrication du beurre et le tourisme régional –, mais elle pourrait accueillir des expositions d’artistes de la région dans les prochains mois.

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