Cour et jardin

Laisser la nature faire son œuvre

Magali Duburcq et Arnaud Douilliez se sont rencontrés dans leur France natale, ont vécu sept ans en Belgique, mais c’est dans les Cantons-de-l’Est, à Orford, qu’ils prennent racine avec leurs trois enfants. Le terrain où ils ont fait construire leur maison écologique, il y a deux ans, se métamorphose à un rythme qui les surprend eux-mêmes, grâce à leur désir de laisser la nature reprendre ses droits.

La demeure, bâtie en visant la certification LEED, se dresse au milieu d’une ancienne pinède, plantée il y a une quarantaine d’années. « Il y avait des pins à travers lesquels rien ne poussait, explique Magali Duburcq. C’était une monoculture et on a essayé, autour de la maison, de redonner vie à un écosystème en faisant pousser des variétés complètement différentes. Le sol était très acide et il fallait donner un coup de main à la végétation. »

Le couple s’est tourné vers l’architecte paysagiste Stéphanie Desmeules. « Il fallait cocher certains prérequis dans le but d’obtenir la certification LEED, comme choisir des plantes qui ont besoin de peu d’eau, utiliser peu ou pas de remblais, garder au maximum ce qu’il y a sur le terrain pour éviter les transports, sélectionner des matériaux locaux, explique cette dernière. Pour le patio et les sentiers, on a opté pour de l’ardoise locale. On a des belles carrières, au Québec, qui proposent des matériaux de différentes couleurs. »

Ramener la biodiversité était un enjeu, et les propriétaires étaient très ouverts et très sensibles à cette question, précise Mme Desmeules. « La monoculture avait fait en sorte qu’il était possible de voir très loin entre les troncs, dit-elle. On a planté beaucoup de grands arbustes et de petits arbres au bord de la rue pour éviter que les gens aient une vue directe sur la maison et on a planté 150 variétés de plantes, d’arbustes, de vivaces et d’arbres autour de la maison. Tout devait être indigène, comestible ou avoir certaines propriétés médicinales, pour faire des tisanes, par exemple. »

La plantation a été faite au printemps 2021. Au deuxième été, Magali Duburcq n’en revient pas de la vitesse avec laquelle la nature s’est réapproprié le terrain.

« On n’a pas l’impression qu’il y a eu une intervention humaine. On laisse tout repousser de manière complètement naturelle. Je trouve cela magnifique, parce que cela apporte de l’authenticité. »

— Magali Duburcq

« Souvent, les jardins sont aseptisés. Tout est propre. C’est très beau, mais c’est très froid. Alors que là, c’est une invitation à la détente, à se dire qu’une plante peut pousser tout croche tout en restant belle et attirante, ajoute-t-elle. Cela nous donne la capacité de pousser tout croche et de ne pas toujours devoir être dans le parfait. »

Désir de redonner

Stéphanie Desmeules a remporté le prix Habitat Design, Architecture de paysage 2021, pour la transformation du site en un espace vivant et nourrissant. Elle avait pourtant presque quitté la profession après la mort de son conjoint, lui aussi architecte paysagiste. Pendant la maladie de ce dernier, le couple s’était beaucoup rapproché de la nature, à Saint-Denis-de-Brompton, dans les Cantons-de-l’Est. « Je me suis retrouvée monoparentale, avec trois enfants, et je n’avais plus le goût de retrouver le rythme d’avant, dans un bureau, révèle Mme Desmeules. J’ai eu besoin de ma communauté pendant la maladie de mon conjoint et j’avais le goût de redonner à mon prochain. »

Elle a trouvé sa voie en cherchant à aider l’environnement et les humains, mettant à profit les recherches qu’elle a menées sur les bienfaits de la nature sur la santé de personnes malades et fragilisées. Elle conçoit des paysages pour des écoles, des maisons de soins et des commerces. Elle a aussi une clientèle résidentielle. Croyant en l’entraide et en la coopération, elle offre divers rabais aux particuliers et aux organismes qui partagent les mêmes valeurs qu’elle.

« Les gens qui viennent me voir n’ont pas la voiture de l’année, précise-t-elle. Ils ont vraiment une conscience écologique, qui passe par la sensibilité du vivre-ensemble et du partage. Ils ont le goût d’interagir avec leurs voisins, de transmettre leurs trucs, de partager leurs outils de jardinage, et d’apprendre de l’autre. »

« C’est une autre façon de vivre, en ayant le sentiment de pouvoir s’appuyer sur d’autres. Cette philosophie est répandue dans les Cantons-de-l’Est. »

— Stéphanie Desmeules, architecte paysagiste

Cette générosité a interpellé Magali Duburcq, qui s’implique beaucoup à Orford, où elle a mis en branle un mouvement d’entraide, notamment par l’entremise de la page Facebook Abondance Orford.

« J’ai aussi aimé qu’elle aille chercher un côté plus spirituel, énergétique de la plante et de tout ce qui est invisible, et qui pourtant a un impact dans le monde physique, poursuit-elle. On n’est pas allés chercher l’esthétisme, mais finalement on le trouve, parce qu’on laisse la vie décider. C’est beaucoup plus puissant que quand c’est l’humain qui décide. »

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