Grands investisseurs

La Caisse fait une place à Tim Hortons

Les grands investisseurs institutionnels québécois ont multiplié les transactions au cours du deuxième trimestre de l’année, période durant laquelle le rebond boursier s’est amplifié. Voici quelques gestes significatifs.

Un dossier de Richard Dufour

200 millions investis dans Restaurant Brands

La Caisse de dépôt et placement du Québec est maintenant un des grands actionnaires de Tim Hortons. Le plus important gestionnaire institutionnel au Québec vient d’investir près de 200 millions de dollars pour acheter des actions de Restaurant Brands, la maison-mère de la chaîne d’établissements spécialisés dans le café et les beignets.

Un document déposé vendredi dernier auprès des autorités boursières américaines révèle que la Caisse a fait l’acquisition d’un bloc de 3,3 millions d’actions de Restaurant Brands International durant les mois d’avril, mai et juin. Cet investissement positionne la Caisse parmi les 20 plus gros actionnaires de l’entreprise.

Au cours boursier actuel, ce placement a une valeur de près de 240 millions de dollars.

Le prix payé par la Caisse pour les actions n’a pas été précisé. Comme beaucoup d’entreprises du secteur du commerce de détail, l’action de Restaurant Brands a été fortement ébranlée depuis un an.

De son sommet de 105 $ atteint en septembre dernier, le titre a reculé jusqu’à 36 $ en mars au plus fort de la tourmente boursière provoquée par la pandémie. L’action a toutefois rapidement rebondi à plus de 70 $ depuis sa chute.

Il n’a pas été possible de savoir ce qui a incité la Caisse à devenir actionnaire à ce moment-ci.

« On ne commente pas nos mouvements de titres en gestion active, au jour le jour », a simplement indiqué le porte-parole Serge Vallières.

En plus de Tim Hortons, Restaurant Brands exploite deux autres grandes marques de restauration rapide : Burger King et Popeyes. Cette dernière est un concurrent direct de PFK (Kentucky Fried Chicken).

Il y a deux ans, le gestionnaire d’actifs montréalais Jarislowsky Fraser avait acheté près d’un demi-milliard de dollars en actions de Restaurant Brands. Jarislowsky Fraser a d’ailleurs substantiellement bonifié son investissement dans Restaurant Brands depuis ce temps, notamment dans les derniers mois.

Jarislowsky Fraser est maintenant le troisième actionnaire en importance de Restaurant Brands International. Cette participation vaut aujourd’hui plus de 725 millions de dollars.

En entrevue avec La Presse en novembre 2018, le gestionnaire de portefeuille Charles Nadim, de Jarislowsky Fraser, avait alors notamment dit aimer les perspectives de croissance.

« En général, on aime beaucoup ce modèle d’affaires là parce qu’il s’agit d’entreprises qui opèrent dans une industrie non cyclique avec une visibilité très élevée sur les revenus et les flux financiers. La restauration rapide croît entre 1 et 4 % par année. »

— Charles Nadim, gestionnaire de portefeuille chez Jarislowsky Fraser, en 2018

La « beauté », selon lui, c’est qu’en plus d’être non cycliques, les activités ne requièrent pas de lourds investissements de la part de l’entreprise.

« Tous les opérateurs des restaurants sont des franchisés. Ce sont eux qui mettent le capital et Restaurant Brands collecte les royautés. Ça génère beaucoup de flux financiers. Ça nous donne donc une prévisibilité dans les flux parce que c’est non cyclique et parce que c’est un modèle 100 % franchisé. »

Berkshire Hathaway – le conglomérat dirigé par l’investisseur américain Warren Buffett – a par ailleurs complètements liquidé ses actions de Restaurant Brands au cours des mois d’avril, mai et juin. Un document déposé vendredi dernier auprès de la Securities & Exchange Commission révèle que Berkshire Hathaway a disposé de ses 8,4 millions d’actions de Restaurant Brands durant le deuxième trimestre.

Au début d’août, la direction de Restaurant Brands a fait savoir que les revenus de l’entreprise avaient remonté à 90 % de ce qu’ils étaient avant la pandémie. Si la rentabilité a diminué pendant la pandémie, avec les salles à manger fermées, le service au volant et la livraison prennent maintenant toute leur importance.

Comment les grands ont joué leurs cartes

Les grands investisseurs québécois ont multiplié les transactions au deuxième trimestre de 2020 de façon à se positionner pour les mois de juillet et d’août. Voici quelques gestes significatifs.

Caisse de dépôt

Cheffe des marchés boursiers : Helen Beck

Siège social : Montréal

Fait saillant : Initiation d’une participation significative dans Restaurant Brands

Autres gestes significatifs au deuxième trimestre de 2020

Achat de 1,9 million d’actions de la Banque Royale

Achat de 4 millions d’actions d’Enbridge

Achat de 3,5 millions d’actions de Boston Scientific

Le plus gros investisseur institutionnel du Québec continue d’accumuler des actions de Berkshire Hathaway, qui est devenu un de ses plus importants placements boursiers. Après avoir bonifié de près de 25 % au premier trimestre son investissement dans le conglomérat dirigé par Warren Buffett, la Caisse l’a bonifié d’encore 15 % durant les mois d’avril, mai et juin. Du côté des géants du web, les documents déposés montrent que le placement dans Amazon a été bonifié de 200 %, celui dans Facebook a augmenté de 20 %, et celui dans Netflix a gonflé de 220 %. L’investissement dans Apple a été charcuté de 40 %. Même chose pour la participation dans Google (Alphabet). La participation dans Microsoft est demeurée relativement stable.

Investissements PSP

Chef des placements : Eduard van Gelderen

Siège social : Ottawa (bureau principal à Montréal)

Fait saillant : bonification substantielle du placement dans CAE

Autres gestes significatifs au deuxième trimestre de 2020

Achat de 1,6 million d’actions de la Banque Royale

Achat de 1,5 million d’actions de la Banque TD

Achat de 11,7 millions d’actions de Virtu Financial

L’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public (PSP) – l’un des grands gestionnaires de fonds pour des caisses de retraite au pays – révèle avoir charcuté de 50 % son placement dans Bank of America. L’investissement dans Fitbit a été bonifié de plus de 200 % avec l’ajout de 1,5 million d’actions. Soulignons que cinq des huit plus grosses positions en portefeuille de PSP sont des géants du web (Apple, Amazon, Google, Facebook et Microsoft).

Fiera Capital

Chef des placements, division canadienne : Nicolas Papageorgiou

Siège social : Montréal

Fait saillant : réduction substantielle du placement dans la Scotia

Autres gestes significatifs au deuxième trimestre de 2020

Vente de 1,5 million d’actions de Nutrien (ex-Potash)

Vente de 3 millions d’actions de Suncor

Vente de 1 million d’actions de Magna

L’importance de la Banque Scotia en portefeuille continue de fondre. Pour le troisième trimestre de suite, la participation dans la Scotia est abaissée de façon significative. Le gestionnaire d’actifs montréalais a vendu 2 millions d’actions de la Scotia durant les mois d’avril, mai et juin, l’équivalent de 70 % de la participation encore détenue en portefeuille. Fiera révèle aussi avoir diminué de moitié son investissement dans B2Gold.

Jarislowsky Fraser

Cochefs des actions : Charles Nadim et Kelly Patrick

Siège social : Montréal

Fait saillant : autre bonification de la position dans Manuvie

Autres gestes significatifs au deuxième trimestre de 2020

Vente de 1,2 million d’actions de la Banque Royale

Vente de 19 millions d’actions de Canadian Natural Resources

Achat de 3,6 millions d’actions de Magna International

Après avoir acheté 2,2 millions d’actions de Manuvie au premier trimestre, la firme qui porte le nom de Stephen Jarislowsky et qui est aujourd’hui une filiale de la Banque Scotia a ajouté 1,3 million d’actions de l’assureur durant les mois d’avril, mai et juin. Les documents déposés auprès de la Securities & Exchange Commission indiquent aussi que la firme a bonifié de 22 % sa participation dans Shopify. Les premières actions de Shopify avaient été achetées au premier trimestre. Le placement dans Canadian Natural Resources est par ailleurs presque éradiqué (- 98 %).

Letko Brosseau

Responsables des placements : Peter Letko et Daniel Brosseau

Siège social : Montréal

Fait saillant : diminution substantielle de la participation dans Precision Drilling

Autres gestes significatifs au deuxième trimestre de 2020

Vente de 3,1 millions d’actions de Hudbay Minerals

Vente de 3 millions d’actions de Cenovus

Vente de 1,3 million d’actions d’Ovinitiv (ex-Encana)

Letko Brosseau a encore abaissé sa participation dans Manuvie. Le gestionnaire d’actifs montréalais a vendu 1,3 million d’actions de l’assureur durant les mois d’avril, mai et juin. Les documents déposés auprès des autorités montrent aussi que Letko Brosseau a initié une participation dans Open Text avec l’achat d’un bloc de 1,3 million d’actions.

Hexavest

Chef des placements : Vital Proulx

Siège social : Montréal

Fait saillant : diminution importante de la participation dans la Banque Royale

Autres gestes significatifs au deuxième trimestre de 2020

Vente de 738 000 actions de Barrick Gold

Vente de 2,5 millions d’actions de Freeport-McMoRan

Achat de 1,5 million d’actions de Bank of America

Après avoir initié en début d’année des positions dans plusieurs géants du web comme Amazon, Facebook et Google, le gestionnaire d’actifs montréalais a charcuté de 35 % la majorité de ces participations au deuxième trimestre. Le placement dans Amazon a pour sa part été réduit de 50 %. La participation dans la Banque Royale a été abaissée de 66 % (- 460 000 actions).

Méthodologie

Les grands investisseurs institutionnels sont tenus de déclarer tous les trimestres à la Securities & Exchange Commission le contenu de leurs portefeuilles d’actions qui se négocient sur les marchés américains. Les titres de nombreuses entreprises canadiennes et québécoises se négocient aux États-Unis, ce qui rend intéressants les documents déposés par les institutionnels québécois. Ces déclarations sont suivies afin d’obtenir des signaux révélant où les grands investisseurs voient des valeurs. Les documents portant sur le deuxième trimestre de 2020 ont été déposés dans les derniers jours, ce qui permet de voir comment les gros investisseurs de la province se sont positionnés pour l’arrivée des mois de juillet et d'août.

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