Travail

Que diriez-vous de vacances illimitées ? 

Alors que la technologie continue de redéfinir les modèles d’affaires dans plusieurs secteurs de l’économie, les géants de la technologie rivalisent d’imagination pour attirer les meilleurs employés. Le dernier-né de cette course : le système de vacances illimitées.

Qui le fait ?

Le système de vacances illimitées a été implanté pour la première fois par Netflix en 2004. Depuis, plusieurs géants de la techno, dont Adobe, Virgin et LinkedIn, lui ont emboîté le pas. Selon Anne Bourhis, professeure titulaire en gestion des ressources humaines à HEC Montréal et spécialiste de la dotation, ce système est surtout intéressant sur le plan de l’attractivité. « C’est difficile d’attirer quelqu’un avec deux semaines de vacances alors qu’au sein de l’entreprise où il travaillait avant, il en avait quatre », affirme Mme Bourhis. Jusqu’à présent, le système de vacances illimitées a séduit en majorité des entreprises spécialisées dans la technologie. Pour certains observateurs, cela est dû à la flexibilité offerte qui ne peut pas s’appliquer dans tous les types d’entreprise.

Le cas de Kronos

La dernière entreprise à l’avoir adopté est Kronos, qui produit des logiciels de gestion des effectifs. Kronos a implanté le système en 2016 dans ses bureaux américains et canadiens. En entrevue avec La Presse, le directeur général de Kronos Canada, Paleologos Spiros, admet que l’attractivité est l’une des principales raisons qui ont motivé ce choix. « Nous évoluons dans un marché très compétitif. Nous avons aussi une main-d’œuvre multigénérationnelle et cherchons à recruter des jeunes qui ont des attentes différentes envers leurs employeurs », a affirmé M. Spiros. Il a aussi indiqué que les résultats de l’implantation du système chez Kronos sont très satisfaisants, précisant que le ratio de satisfaction de ses employés est passé de 83 % à 87 % en une année, alors qu’il était bloqué à 83 % depuis des années.

L’expérience de GSoft

« On fait confiance à nos employés pour fabriquer des logiciels pour la NASA, c’est absurde de ne pas leur faire confiance pour choisir leur nombre de jours de vacances », a indiqué Catherine Salvail, de GSoft. Dans l’entreprise montréalaise qui crée des logiciels de gestion, on préfère qualifier cela d’« absence de système de vacances ». Selon Mme Salvail, le système offre une flexibilité que les employés de GSoft aiment. « Dernièrement, quand on a annoncé la grève dans certaines garderies, certains employés ont simplement indiqué qu’ils ne pouvaient pas travailler », dit-elle. L’entreprise qui emploie actuellement 230 personnes revendique un système qui reconnaît que « l’humain est au cœur de son succès ». Le résultat, selon Mme Salvail, est exceptionnel. « Aucun employé n’abuse du système. On est autour de trois à quatre semaines de vacances en moyenne par année. »

Conciliation travail-famille

Au cœur du système de vacances illimitées se trouve la question de la flexibilité. Les entreprises qui l’adoptent veulent à tout prix être reconnues comme les championnes de la difficile conciliation travail-famille. Dans un article publié il y a deux semaines dans le Harvard Business Review, le PDG de Kronos, Aron Ain, affirme avoir toujours incité ses employés à accorder du temps à leur famille. « J’ai toujours dit qu’il faut mettre la famille avant les affaires », a-t-il écrit. Selon Anne Bourhis, le système de vacances illimitées est « une solution qui peut être intéressante » pour la conciliation travail-famille. Toutefois, elle ne pense pas que les gens vont prendre plus de vacances. « Les données stipulent le contraire », a-t-elle dit. La dernière étude annuelle d’Expédia sur les vacances des Canadiens indique que 53 % des travailleurs ne prennent pas totalement leurs vacances. Ce chiffre se situe à 58 % au Québec.

L’absentéisme

Certaines entreprises affirment aussi que ce système leur permet de réduire le coût de l’absentéisme et du présentéisme. Selon les chiffres du Workforce Institute aux États-Unis, les entreprises perdent jusqu’à 2650 $US par employé chaque année à cause de l’absentéisme. Y a-t-il un lien direct entre le nombre de jours de vacances et l’absentéisme ? « On peut croire que le fait d’être reposé a un effet sur l’absentéisme », répond Anne Bourhis. Par ailleurs, l’impact du nombre de jours de vacances sur la productivité est plus difficile à déterminer. Si Mme Bourhis admet que l’économie française, dans laquelle les travailleurs bénéficient d’un très grand nombre de jours de congé payés, est très productive, elle précise toutefois que plusieurs facteurs peuvent influencer la productivité. « Certains diront que oui, car les travailleurs sont en bonne santé. D’autres diront que les entreprises sont obligées d’investir beaucoup plus dans la productivité, car les employés travaillent durant moins de jours. »

Un système également critiqué

Le système de vacances illimitées n’a pas que des admirateurs. Ses détracteurs affirment que les entreprises veulent l’adopter pour éviter de payer aux employés l’indemnité pour les vacances accumulées, connue sous l’appellation de « 4 % » au Québec. À cette accusation, Paleologos Spiros répond que l’entreprise ne fait aucune économie grâce à ce programme. Il indique que l’entreprise investit plutôt dans de nouveaux programmes à l’avantage des employés, comme un programme de bourses d’études pour leurs enfants. D’autres observateurs affirment que les employés ne vont pas prendre de vacances sous ce système de peur d’être mal vus par les autres employés. « Faux, répond M. Spiros. Le nombre de jours de vacances a augmenté de 2,60 jours en moyenne en une année chez Kronos », indique-t-il.

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