Sidney Altman, Prix Nobel de chimie

« Montréal, c’est chez moi »

L’Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM) et la faculté de médecine de l’Université de Montréal ont réussi un grand coup en recrutant Sidney Altman, récipiendaire du prix Nobel de chimie en 1989. Le professeur de 82 ans se dit impatient de revenir à Montréal, sa ville natale, pour offrir ses conseils aux étudiants et aux chercheurs. Entrevue.

Qu’est-ce qui vous rattache à Montréal ?

Mes parents étaient des immigrés. Mon père est né en 1900 dans un très petit village en Russie, et ma mère est née en 1902 dans un village en Pologne. Ils sont arrivés à Montréal dans les années 20 sans la moindre possession. C’étaient des gens extrêmement pauvres, plus pauvres que vous ne pouvez imaginer. Je suis né à Montréal en 1939 et j’ai passé toute mon enfance ici. Même quand j’ai quitté Montréal pour aller étudier aux États-Unis, je revenais passer toutes mes vacances ici avec mes parents.

Pourquoi êtes-vous allé étudier aux États-Unis ?

Je devais aller étudier à l’Université McGill en physique, mais un de mes amis voulait que je présente une demande au Massachusetts Institute of Technology (MIT), comme lui. Il voulait de la compagnie. On a tous les deux présenté une demande. Finalement, j’ai été accepté, mais pas lui. Je me suis assis avec mes parents et nous avons eu une conversation très sérieuse pour savoir s’ils pouvaient se permettre de m’envoyer étudier au MIT. Ils ont finalement accepté, à condition que je travaille fort.

Comment êtes-vous passé d’étudiant en physique à professeur de biologie ?

Après mon baccalauréat en physique, je me suis inscrit au programme d’études supérieures en biophysique de l’Université du Colorado, avec Leonard Lerman, un chercheur qui travaillait sur l’ADN au centre médical de l’université. Au début des années 1960, l’ADN et l’ARN n’étaient pas très populaires. Par contre, les chercheurs qui travaillaient dans le domaine trouvaient ça très excitant. Ils m’ont transmis leur passion. Après avoir obtenu mon doctorat en biophysique sur la réplication de l’ADN, j’ai tenté d’obtenir un poste de professeur à Montréal, mais il n’y en avait aucun. J’ai accepté un poste de professeur aux États-Unis, à l’Université Yale.

Qu’est-ce qui vous a permis de remporter le prix Nobel de chimie en 1989 ?

En 1983, j’ai découvert que l’ARN était un catalyseur. Auparavant, on pensait que l’ARN ne servait qu’à transporter le code génétique entre différentes parties de la cellule, mais on a découvert pour la première fois qu’il pouvait également jouer d’autres rôles. En tant que scientifique, on est toujours en train de résoudre des problèmes, mais on n’arrive pas toujours à une réponse. J’ai été très chanceux que mon domaine de recherche m’ait permis de découvrir quelque chose. J’ai obtenu le prix Nobel de chimie six ans plus tard.

Comment avez-vous réagi lorsque vous avez gagné le prix Nobel ?

Quand j’ai appris la nouvelle, j’étais dans mon bureau. J’ai immédiatement appelé ma femme, qui était à Paris, puis j’ai appelé mon frère à Los Angeles. Ensuite, je suis allé le dire à tout le monde dans le laboratoire. Ils étaient tous très heureux. On ne fait pas de la recherche pour les prix, mais il est très agréable d’en recevoir. J’étais vraiment heureux. Ensuite, nous sommes allés à une grande fête organisée par la Fondation Nobel à Stockholm.

Est-ce qu’il y a un lien entre vos recherches sur l’ARN et les vaccins contre la COVID-19 ?

Non. Mes recherches ont permis de mieux comprendre les fonctions de l’ARN, mais elles ne concernaient pas les vaccins. Ce sont deux femmes, l’une chez Pfizer, l’autre chez Moderna, qui ont eu l’idée de faire des vaccins avec l’ARN, et cela représente une contribution énorme pour le reste du monde.

Qu’est-ce qui vous a motivé à revenir à Montréal ?

Montréal, c’est chez moi. C’est une ville incroyable. J’ai discuté avec l’Institut de recherches cliniques de Montréal et on a décidé que j’allais y passer quelques semaines par année. Mes tâches vont être de parler aux étudiants et aux chercheurs et de leur offrir des conseils. Jeudi, je vais donner un cours aux étudiants de l’Université de Montréal pour la première fois.

Quel conseil avez-vous à donner aux jeunes étudiants et chercheurs ?

Peu importe ce que vous étudiez, travaillez fort. Apprenez tout ce que vous avez à apprendre et ne soyez pas paresseux.

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