Pénurie de main-d’œuvre

La recette japonaise

Alors que les pénuries de main-d’œuvre se généralisent dans les économies modernes, retarder l’âge de la retraite pourrait être une solution aux problèmes des employeurs et à ceux des régimes de retraite publics. Le Japon a une longueur d’avance en cette matière.

Il ne sera bientôt plus possible de travailler de moins en moins longtemps et d’être à la retraite pour une durée qui s’allonge en raison de l’accroissement de l’espérance de vie, prévient l’OCDE dans une analyse récente de l’état des régimes de retraite publics des pays avancés.

L’OCDE souligne que si les régimes publics sortent relativement indemnes de la pandémie, leur viabilité financière est de plus en plus menacée parce que les États sont plus endettés que jamais et que le vieillissement de la population s’accentue.

Dans plusieurs pays, des décisions difficiles devront être prises, répète l’OCDE. Il faudra soit augmenter les cotisations, soit relever l’âge de la retraite, soit diminuer les pensions. C’est le genre de décisions qui soulève généralement beaucoup de controverse et prend du temps à implanter, sauf dans les rares pays qui ont un mécanisme d’ajustement automatique des régimes de retraite.

L’âge légal de la retraite est en moyenne de 65 ans. Il varie cependant d’un minimum de 57 ans en Indonésie à un maximum de 67 ans en Grèce. Mais l’âge légal ne reflète pas la réalité dans la plupart des pays.

La décision de prendre ou non sa retraite dépend de plusieurs facteurs, dont le principal est la possibilité de toucher des prestations suffisantes pour subvenir à ses besoins.

Selon une comparaison des régimes publics de 43 pays réalisée par la firme Mercer, les meilleurs régimes se trouvent au Danemark, aux Pays-Bas et en Islande.

Trois critères d’évaluation

Mercer a évalué les régimes selon trois critères : leur adéquation avec le revenu qu’ils remplacent, la viabilité et la qualité de leur gouvernance. Le Canada se classe dans le tiers supérieur de l’échelle, derrière les meilleurs, mais devant la France et les États-Unis.

La France n’a pas le meilleur régime de retraite au monde, mais c’est dans ce pays que la retraite dure le plus longtemps. La durée moyenne de la retraite en France est de 27 ans pour une femme et de 23 ans pour un homme, ce qui est cinq ans de plus que la moyenne des pays de l’OCDE.

À l’inverse, au Japon, la retraite peut être très courte. L’âge officiel de la retraite a beau être de 65 ans, nombre de Japonais restent au travail jusqu’à 75 et même davantage.

Les entreprises japonaises ont leurs propres règles en matière de retraite, et certaines les ont même abolies pour pouvoir embaucher des octogénaires. Les conditions de travail sont adaptées aux besoins particuliers de cette main-d’œuvre, avec des semaines de travail plus courtes et des horaires allégés.

Ça fait à la fois l’affaire des entreprises, qui composent depuis longtemps avec l’impact du vieillissement de la population sur la main-d’œuvre disponible, et des travailleurs qui sont incapables de vivre décemment avec leurs prestations de retraite, surtout dans les villes comme Tokyo, où la vie est chère.

Les défis que pose le vieillissement de la population au Japon depuis longtemps sont maintenant devenus ceux de tout le monde industrialisé, qui peut s’en inspirer pour atténuer l’impact des pénuries de main-d’œuvre.

Il ne s’agit pas de garder tout le monde au travail plus longtemps de gré ou de force, mais d’encourager l’allongement du temps de travail pour ceux qui le souhaitent pour toutes sortes de raisons : parce qu’ils aiment leur travail, parce qu’ils s’ennuient ou parce qu’ils ont besoin d’argent.

Encore faut-il qu’il y soit plus payant de travailler que d’être à la retraite, ce qui n’est pas toujours le cas. Au Québec, par exemple, où le problème de rareté de la main-d’œuvre est le plus aigu, il n’est pas intéressant de continuer à travailler après 60 ans, selon un calcul du Conseil du patronat du Québec (CPQ).

Le CPQ estime qu’avec la fiscalité et la réglementation, il est possible d’intéresser plus de retraités potentiels à continuer de travailler. On peut aussi suggérer que les entreprises y mettent du leur en adaptant les conditions de travail pour attirer la main-d’œuvre plus âgée.

Ça vaut peut-être la peine d’essayer la recette des Japonais, avant d’être devant un mur.

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