Analyse

La victoire des mal-aimés et du malchanceux

Si l’adversité nous rend meilleurs, comme se plaisent à dire bon nombre d’entraîneurs dans le sport, le Canadien sera bientôt imbattable. On exagère à peine, mais on ne se trompe pas en affirmant que plusieurs joueurs de cette édition 2022-2023 du Tricolore vivent une année remplie d’obstacles.

Le temps d’un soir, mardi, c’est comme si toute cette adversité formatrice avait payé des dividendes d’un seul coup. Habitué aux victoires signées Cole Caufield et Nick Suzuki, le Tricolore a cette fois été transporté par d’autres acteurs – et par des Jets à plat, disons-le – et a signé un triomphe de 4-1.

L’adversité peut adopter plusieurs formes. Pour Mike Matheson, c’était les blessures. D’abord à l’abdomen, puis à l’aine. Le match de mardi était seulement son 11e de la saison, des matchs entrecoupés par trois séjours à l’infirmerie.

« Ç’a été dur et frustrant de ne pas jouer, surtout avec une nouvelle équipe, a admis le défenseur montréalais. C’est facile de se morfondre, de broyer du noir. Mais c’est mon test cette année. J’ai eu des années où j’ai eu d’autres obstacles. Chaque joueur en a. Tu connais une mauvaise séquence, il se passe des choses hors glace. C’est mon test à moi cette saison. »

Matheson dit avoir eu les jambes « lourdes », mais ça ne paraissait pas à le voir filer à toute allure sur la patinoire tel un Jos Verstappen sur patins (dans l’absolu, lui aussi roulait vite). C’est d’ailleurs après que Matheson eut traversé la surface presque en entier que Josh Anderson a marqué.

« C’est un excellent défenseur qui patine tellement bien, a noté Samuel Montembeault, qui l’a connu en Floride. C’était le fun de pouvoir jouer à sept défenseurs, ça enlevait de la pression. »

« Quand il était sur la glace, il pouvait tout donner. Il a joué un très bon match. »

— Samuel Montembeault, au sujet de Mike Matheson

Pour Evgenii Dadonov et Mike Hoffman, c’était plutôt l’adversité des vétérans qui tentent de retrouver leur touche d’antan. Ces deux attaquants ont souvent connu la cruelle routine des joueurs laissés de côté.

Dadonov a été retranché quatre fois en cinq matchs pendant les Fêtes. Hoffman, quatre fois en cinq matchs à compter du 5 janvier. Les matins de match, les deux se soumettaient donc à des exercices supplémentaires en compagnie des entraîneurs. Des exercices auxquels St-Louis lui-même participe, une rareté pour un entraîneur-chef dans la LNH. C’est une tâche souvent laissée aux adjoints.

« Il a été un pro, il ne s’est pas plaint, il travaille fort, a résumé St-Louis. Je suis content qu’il soit récompensé. Avec les blessures et les mauvaises performances en son absence, il prend une chaise. »

Hoffman a inscrit ce qui s’est avéré le but gagnant, mais Dadonov est celui qui est véritablement ressorti avec ses deux buts et ses six tirs.

Justin Barron a lui aussi été surnuméraire, trois fois de suite, du 5 au 9 janvier. Mais sa véritable adversité, il l’a connue au camp, quand il a été de loin le défenseur le plus décevant parmi les jeunes, et ce, même si le flanc droit de la défense était dépouillé derrière David Savard.

Barron a conclu sa soirée avec deux passes, dont une d’une précision chirurgicale sur le premier but de Dadonov, un tir sur réception d’un angle aigu – « 70 % de ce but, c’est la passe », a commenté le Russe.

Des performances de la sorte donneront davantage de crédibilité à St-Louis quand il tentera de remonter le moral de ses joueurs malheureux. Certes, il a fallu un extraordinaire concours de circonstances (lire : une hécatombe à la clinique) pour que tout ce beau monde finisse par obtenir sa chance. Mais tous l’ont saisie.

« C’est la communication. C’est de dire la vérité, de dire ce que tu veux de plus, ce que le joueur doit améliorer, a expliqué St-Louis. Je pense que mes joueurs savent qu’ils auront toujours une chance. S’ils ne sont pas dans le ‟line-up”, on va les aider et éventuellement, ils vont revenir. »

St-Louis a toutefois intérêt à continuer de trouver des façons de remonter le moral de ses joueurs. Jonathan Drouin et Joel Armia, deux autres qui ne l’ont pas eu facile cette saison, sont de retour parmi les éclopés. Et avec une formation frappée de la sorte par les blessures, les soirées ne finiront pas toutes dans l’allégresse avec un joueur en entrevue au milieu de la patinoire. Il est bien plus facile de discourir sur les bienfaits de l’adversité après une victoire convaincante qu’après une cuisante défaite.

Prochain match : Panthers de la Floride c. Canadien, jeudi à 19 h au Centre Bell

Ils ont dit

Huit bonnes périodes

« Les huit dernières périodes, on a joué du très bon hockey. On est connectés, on reste dans notre structure et on prend soin de l’équipe. »

— Martin St-Louis

« Ça m’a pris un peu de temps à retrouver mes jambes. Je voulais surtout bien défendre. Je sais que je n’ai pas joué beaucoup. Je veux commencer par bien jouer défensivement et bâtir de là. »

— Mike Matheson

« Je suis content de ce que j’ai fait. Ce n’était pas parfait, je sais que je peux encore mieux jouer, mais c’est un processus. »

— Rafaël Harvey-Pinard, à son premier match avec le Canadien cette saison

« On sait le genre d’équipe qu’on a. Avant le match, on savait bien que des blessés allaient être absents, mais toutes les équipes doivent composer avec les blessures. Malgré tout ça, on sait qu’il nous faut tous continuer à pousser dans la même direction. »

— Kirby Dach

« Ce fut l’un de nos matchs les plus complets de la saison, l’un de nos meilleurs matchs de 60 minutes… On savait qu’il allait y avoir des absents, mais tous ceux qui sont arrivés ici se sont assurés de faire le travail. »

— Samuel Montembeault

Propos recueillis par Richard Labbé et Guillaume Lefrançois, La Presse

Dans le détail

Le Lady-Byng pour Caufield ?

Il s’est produit un évènement d’une extrême rareté en fin de deuxième période en ce froid mardi soir au Centre Bell : une pénalité de Cole Caufield. Eh oui : le petit attaquant a été puni à 18 min 57 s de la deuxième période pour avoir fait trébucher un joueur des Jets de Winnipeg, évidemment de manière illégale. Pourquoi on en parle ? Parce qu’il s’agit de la première pénalité pour Caufield cette saison, un joueur qui est donc solidement engagé dans la conversation en vue de la remise du prestigieux trophée Lady-Byng, remis annuellement au joueur le plus gentil du circuit en fin de saison. Complètement à l’autre bout du spectre se trouve Arber Xhekaj… Le sympathique défenseur a ajouté cinq autres minutes de pénalité à sa fiche, grâce à une bagarre avec Adam Lowry en fin de match, ce qui lui donne un total de 77 minutes de pénalité cette saison. Il est de loin le joueur le plus puni du Canadien cette saison.

Montembeault et ses meilleurs moments

Non, Samuel Montembeault n’a pas disputé des centaines de matchs dans cette ligue ; de fait, le match de mardi soir était son 82e depuis qu’il joue dans la LNH. Mais le gardien québécois a admis après cette victoire contre les Jets qu’il connaît présentement ses meilleurs moments depuis qu’il est dans cette ligue. La blessure à Jake Allen a fait en sorte qu’il en était mardi à un cinquième départ de suite. Peut-on maintenant en conclure qu’il est en train de démontrer qu’il peut être un gardien numéro un dans cette ligue ? Martin St-Louis ne semble pas encore tout à fait convaincu. « On n’a pas assez d’information à ce sujet, a répondu l’entraîneur montréalais après la victoire de mardi soir. Mais il joue du très bon hockey récemment. Comment l’équipe se comporte devant lui, ça l’aide à gérer son match aussi… Sam, je lui lève mon chapeau, il joue du très bon hockey. »

Deux frères

Ce n’est pas seulement sur les scènes du Québec que l’on peut voir deux frères se donner en spectacle ; il y avait aussi deux frères sur la patinoire du Centre Bell en ce petit mardi. Justin Barron, le frère du Canadien, et Morgan Barron, le frère des Jets, se sont donc revus une autre fois, après avoir sans doute partagé un peu de tourtière à Noël, peut-on présumer. Clairement, c’est le Barron du CH qui a remporté ce face à face fratricide, lui qui a profité de cette visite (et de la présence des parents Barron !) pour récolter deux aides, ses deux premiers points de la saison. « J’ai essayé de ne pas penser à tout ça, a expliqué le Barron du Canadien en fin de soirée. J’ai tenté de conserver mon calme… mais je dois admettre qu’il s’agit d’une soirée que je ne suis pas prêt d’oublier de sitôt ! »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.