De l'aide pour loger les aînés
Un jour, la question se pose : est-ce que papa ou maman peut encore vivre seul ? Pause s’est intéressé à cette transition délicate et aux services qui peuvent la faciliter.
« Il ne comprenait pas pourquoi il ne pouvait pas revenir à la maison », dit Johanne Côté-Galarneau, à propos de son père. Hospitalisé d’urgence après une vilaine chute, l’homme de près de 90 ans n’est jamais retourné vivre chez lui. Il a été pris en charge par le système public : il a passé environ six mois à l’hôpital avant de vivre dans deux CHSLD (centre d’hébergement et de soins longue durée).
Trouver le milieu de vie qui convient le mieux à la personnalité et à l’état de santé d’un proche n’est pas une mince affaire. « [Dans le réseau public], les meilleures personnes vers qui se tourner seraient les travailleurs sociaux des CLSC, mais ils vont surtout aider si c’est quelqu’un qui doit aller dans le réseau public – un CHSLD, par exemple », précise le D David Lussier, directeur scientifique du centre AvantÂge, lié à l’Institut de gériatrie de Montréal.
Le père de M Côté-Galarneau, aujourd’hui décédé, aurait eu besoin de « beaucoup de soins » à domicile. Le contexte financier et familial ne s’y prêtait guère. D’où sa prise en charge par le réseau public. Il était « très bien », selon sa fille, dans le premier CHSLD où il a vécu. Son transfert obligé dans un autre centre d’hébergement a toutefois débouché sur une foule de situations déchirantes, que sa fille raconte avec émotion.
Johanne Villeneuve, elle, se considère comme chanceuse. Ses parents âgés sont déménagés d’eux-mêmes dans une première résidence, en 2001. Après le décès de son père, sa mère a voulu se rapprocher de sa famille. Le magasinage d’une nouvelle résidence s’est fait avec de l’aide : « On a rencontré une dame qui a évalué les besoins de base de ma mère », raconte-t-elle.
Cette dame décrite comme « un agent d’immeuble » était en fait une conseillère en hébergement qui aide les personnes âgées ou leur famille à trouver une résidence privée en tenant compte des exigences des aînés et de leur état de santé. Ce service, offert par exemple par l’Agence Doré, Gérontologis ou Vis à vie, est gratuit : ce sont les résidences privées qui paient les professionnels à la signature d’un bail (l’équivalent d’un mois de loyer ou d’un pourcentage de cette somme, selon les contrats).
L’expertise des conseillers en hébergement n’est pas médicale, elle est logistique : ils connaissent les milieux de vie, les clientèles desservies et les soins offerts dans quantité de résidences privées d’un territoire donné. « On fait une évaluation des besoins, pas une évaluation médicale. On travaille avec les rapports qui sont déjà faits », précise France Caron, copropriétaire de Gérontologis.
« On arrive comme un regard extérieur dans une situation très émotive. »
— Josée Reid, conseillère chez Vis à vie
La démarche auprès d’un conseiller en hébergement commence en général par un entretien téléphonique assez long (entre 20 minutes et 1 heure) au sujet de la condition physique, mentale et des capacités organisationnelles de la personne à loger. « Et pour éviter de perdre du temps, on n’a pas le choix de parler d’argent », dit Josée Reid, conseillère chez Vis à vie. Dès ce premier contact, elle a une idée des endroits où elle peut amener ou non une personne.
Vient ensuite une visite à domicile qui permet de valider et de compléter les informations récoltées au téléphone. « Il est fréquent que les gens nous disent qu’ils font encore leur lavage et leurs repas, alors qu’ils ne le font plus », dit M Caron. « La maison nous parle beaucoup », confirme M Reid, en évoquant tant la propreté des lieux que la proximité de la famille.
La suite ? « On va cibler des résidences, on prend les rendez-vous, on accompagne les gens pour les visites », explique M Caron. « J’essaie de transformer ce passage en moment positif, raconte M Reid. Quand je sors d’une rencontre à domicile, j’essaie toujours de faire en sorte que la personne ait hâte d’aller visiter la résidence [que je lui ai proposée]. »
Vis à vie avance dans sa documentation promotionnelle que, seuls, les gens passent en moyenne 137 h à chercher une résidence pour aînés. Avec leur aide, le processus ne prendrait qu’une dizaine d’heures, selon eux. « La conseillère nous a épargné beaucoup d’appels et de visites », estime en effet Johanne Villeneuve, qui a trouvé ce service « pratique ».
« Si on est un fils et qu’on voit notre parent régulièrement, mais de façon interrompue – une fois aux deux ou trois semaines, par exemple –, on n’est pas toujours en mesure de constater les pertes [physiques et cognitives] et leurs conséquences. »
— Le D David Lussier, gériatre
L’aide professionnelle n’est toutefois pas le seul élément qui a facilité les déménagements de sa mère. « Son attitude, surtout entre ses deuxième et troisième résidences, a été facilitante. Ça ne faisait pas son affaire [d’aller dans un endroit pour personnes en perte d’autonomie], mais elle comprenait la situation et elle l’avait acceptée », raconte-t-elle.
Il y a une grande part de sensibilisation dans le travail des conseillères en hébergement, juge d’ailleurs France Caron. Tant auprès des enfants, qui ont du mal à évaluer l’autonomie de leurs parents, qu’auprès des personnes âgées elles-mêmes. « Ce que j’explique aux gens, c’est qu’ils sont encore aptes à décider ce qu’ils veulent faire, où ils veulent aller, dans quel type d’environnement ils veulent vivre et que, s’ils attendent une catastrophe, c’est le médecin ou leurs enfants qui vont trancher… »