Opinion COVID-19

La sécurité alimentaire canadienne assurée

Pendant que tout le monde tente de saisir le sens de notre nouvelle réalité, que ce soit en quarantaine ou ailleurs, la panique collective dans les épiceries, les tablettes vides et les files d’attente font la manchette.

De l’Ouest à l’Est, les tablettes se sont vidées en quelques heures. Il est difficile de juger le comportement de ceux qui ont réellement paniqué. Après tout, l’humanité doit rarement composer avec une pandémie, et chacun d’entre nous gérons notre anxiété de façon tout à fait différente.

De plus, le Canada n’était pas seul dans cette galère, la panique était palpable partout en Occident. Malgré l’épreuve que nous vivons tous, il est important de nous rappeler à quel point nous sommes chanceux d’avoir une filière agroalimentaire aussi fiable.

D’abord, soyons clairs : nous ne manquerons jamais de nourriture. Si nos frontières demeurent perméables, surtout entre nous et les États-Unis, le dernier pays à manquer de nourriture serait vraisemblablement le Canada. 

Les tablettes vides peuvent inciter les consommateurs à penser autrement, à croire que l’industrie peine à suffire à une demande erratique. Mais il ne faut pas sous-estimer le modèle « juste assez, juste à temps » qui prévaut au sein de la filière.

Les relations entre la transformation et le détail alimentaires n’ont jamais été aussi vigoureuses. Même chose en restauration. La capacité logistique et d’entreposage dans la chaîne d’approvisionnement n’a jamais été aussi musclée. L’ensemble du territoire canadien est desservi par des distributeurs qui misent beaucoup sur la coordination parfaite de tous les acteurs au sein de la chaîne, leur permettant ainsi de répondre plus facilement à une demande moins prévisible.

Toutefois, en un rien de temps, les États-Unis pourraient venir brouiller les cartes.

Washington a très mal géré la crise depuis le début et le nombre de diagnostics de la COVID-19 aux États-Unis pourrait exploser dans les prochains jours. Puisque la peur collective des Américains les a toujours poussés à prendre toutes sortes de décisions bizarres dans le passé, la fermeture complète de la frontière entre les deux pays est toujours possible. Un tel scénario est fort improbable et irait à l’encontre des droits internationaux, mais ce n’est pas impossible.

Pendant l’hiver et le printemps, environ 40 % de tout ce que l’on consomme, au détail ou en restauration, provient des États-Unis ou est passé par les États-Unis. Notre habilité à s’approvisionner de produits tels que les légumes, les fruits et les produits d’épicerie serait sérieusement compromise.

La décision d’Ottawa d’exclure les Américains des interdictions d’entrer au Canada à partir du 18 mars était la bonne. Cette approche a permis à Ottawa de négocier de bonne foi avec ces derniers quant à l’interdiction du passage des voyageurs aux frontières, tout en excluant le commerce et surtout les produits agroalimentaires, dans les deux sens. Pour l’instant, le Canada peut souffler.

Pour les prix des aliments, en revanche, les Canadiens n’ont pas à s’inquiéter.

D’une part, malgré la ruée dans les épiceries ces dernières semaines, certains croient que les détaillants pourraient abuser de la situation en augmentant les prix de façon très subtile, question d’augmenter leurs profits. À l’ère des réseaux sociaux où, en un rien de temps, le comportement abusif d’une entreprise peut être capté par une photo et partagé des millions de fois, il serait extrêmement mal venu d’exploiter les consommateurs.

D’ailleurs, il y a quelques jours, l’angoisse a mené certaines personnes à accuser la chaîne Pharmaprix d’escroquerie. C’était partout sur les réseaux sociaux. Mais les prix affichés étaient dans la moyenne. Il faut faire attention avant de porter des accusations.

Prix du pétrole

D’autre part, la guerre des prix du pétrole dans les marchés mondiaux permet aux consommateurs d’épargner à la pompe. Bien sûr, les coûts en distribution alimentaire diminueront aussi. D’emblée, selon certaines estimations, le baril de pétrole pourrait atteindre le cap de 20 $US d’ici quelques semaines, du jamais-vu depuis 1999.

Perdue dans la couverture médiatique de la COVID-19 depuis quelques jours, l’Arabie saoudite a décidé récemment d’inonder le marché avec son pétrole, question d’ennuyer la Russie et d’autres pays producteurs. Pour la filière agroalimentaire, cela implique que les coûts de distribution diminueront une fois les contrats de transport renégociés.

Cependant, le dollar canadien vit l’une de ses pires dégringolades. Le dollar a baissé de 6 cents en une semaine. Étant donné la valeur de notre « pétrodollar », le huard pourrait diminuer à 0,65 $ US. L’histoire du chou-fleur vendu à un prix exorbitant il y a deux ans suivait justement une dégringolade du dollar. Cet impact se fait déjà sentir sur certains produits, notamment les fruits et légumes. 

La diminution des coûts de transport pourrait cependant aider, mais la chute du dollar se fera sentir plus tôt que tard.

Travailleurs saisonniers

Le plus gros problème causé par les récentes mesures pour contrer les effets du virus se situe toutefois dans nos champs. Le manque de travailleurs saisonniers handicaperait l’agriculture au Québec et ailleurs au pays.

De la saison des semences jusqu’aux récoltes, la contribution de ces travailleurs est essentielle pour notre économie agricole. Sans quoi nos brocolis, laitues, tomates et autres produits de chez nous seraient pratiquement inexistants cette année. Ottawa a annoncé mercredi son intention de permettre aux travailleurs étrangers de venir aider nos agriculteurs. Les détails restent à préciser.

Ottawa devait agir, sans quoi la population canadienne serait privée de savourer ses propres produits.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.