Témoignage

Sauvons les urgences, sauvons des vies

Je m’appelle Caroline. Je suis médecin d’urgence depuis 10 ans. Comme mes collègues de partout dans la province, je travaille aux urgences dans des conditions difficiles, parfois épouvantables.

Devant cette situation critique, nous devons choisir entre trouver un coupable et trouver une solution. Impossible de faire les deux en même temps. C’est tentant de chercher des coupables. Des gens, des procédures, des organisations… Mais le temps presse. Il faut trouver des solutions. Tout de suite. Parce que ce sont des vies qui sont en jeu.

Nous sommes en train de nous noyer aux urgences. Là, maintenant. Sous nos yeux. Le bateau coule et on essaye de sortir l’eau qui rentre de partout avec une cuillère.

Nous faisons ce que nous pouvons. Nous ajoutons des civières, nous les plaçons dans les couloirs, les infirmières font ce qu’elles peuvent pour surveiller trop de patients, trop mal installés. Croyez-moi, elles font des miracles. Jour après jour. Mais les miracles, ça ne peut pas durer éternellement. Les troupes sont démoralisées. Quand elles n’ont pas déjà quitté le navire. Je ne leur en veux pas, je les comprends tellement.

Pourtant, il y a une solution. Un espoir plutôt. Oh, on ne va pas régler tous les problèmes des urgences avec cela. Cela resterait précaire, mais, si l’on ne faisait que cela, au moins, le bateau ne serait plus en train de sombrer. Ce n’est pas facile. Cela ne dépend pas de nous. Car ce n’est pas un problème qui peut se régler aux urgences uniquement. Même pas dans notre hôpital en entier. Cela va bien au-delà. Et cela ne peut se régler que si l’on travaille ensemble. Maintenant. Vous, toute la population québécoise et nous, les soignants.

La réalité simple et brutale est la suivante : les urgences et les hôpitaux sont saturés par des gens qui ne sont pas malades, mais qui sont en perte d’autonomie.

Nous sommes là pour panser les blessures et soigner les maladies, parfois même pour sauver des vies ; pas pour prendre en charge la perte d’autonomie. Comprenez-moi bien, nous soignons tous les patients malades, et ce peu importe leur niveau d’autonomie. Mais nous ne pouvons pas garder à l’hôpital tous ceux qui ne sont pas malades, simplement parce que leurs milieux sont inadaptés. Nous n’en avons plus les moyens. Nos capacités hospitalières sont dépassées.

Les pertes de capacités physiques et cognitives, c’est un vrai enjeu, compliqué, difficile. Il faut des milieux de vie mieux adaptés pour ces personnes. Il faut un endroit digne, sécuritaire ; et hors de l’hôpital.

Tellement de gens dévoués tentent d’aider ces personnes. Mais ces aidants sont épuisés. À vous aidants, bénévoles, travailleurs du monde communautaire, nous ne vous le disons pas assez : merci pour tout ce que vous faites, jour après jour, sans avoir la reconnaissance que vous méritez. Sachez-le, si vous tombez, nous tomberons après vous. Nous avons un besoin vital que toute la société, les gouvernements et les établissements vous appuient vraiment.

Mais je vous en supplie. C’est un appel au secours que nous vous envoyons aujourd’hui. Envoyez-nous uniquement les personnes en perte d’autonomie qui ont besoin de soins médicaux urgents. Et trouvons d’autres options, plus humaines, pour les personnes en perte d’autonomie qui n’ont pas besoin du plateau hospitalier.

Voulez-vous nous aider ?

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