Les refuges se racontent

Vieillir et mourir dans un refuge

Les refuges pour animaux voient transiter des centaines de cas à longueur d’année, et certains de ces hôtes les ont marqués de leur patte. Nous vous présentons quelques histoires touchantes glissées par leur personnel.

Certains vieux matous parviennent à trouver leur famille pour la vie, tandis que d’autres auront patienté en vain jusqu’à la fin. Au point de parfois devenir de vraies mascottes, comme le duo de Darcy et Tattie, résidants de très longue date au refuge du Réseau Secours Animal (RSA) et morts sur place aux âges respectifs de 21 et 29 ans. L’organisme nous a raconté l’histoire de ces chats aînés emblématiques.

Au sein du RSA, qui compte quelque 200 bénévoles, tout le monde les connaissait. « Quand ils sont là depuis longtemps, ils ont un statut particulier, ce sont les chouchous des bénévoles », indique Lise Côté, responsable de l’équipe médicale de l’organisme.

Pour eux, l’adoption n’était plus vraiment une option. Darcy avait été recueilli en 2001, à l’âge de 2 ans. Il aura passé 19 années au refuge, où il a poussé son dernier miaou au mois d’août 2020. « Il a été adopté deux fois, mais il est revenu car il n’a jamais voulu utiliser une litière de sa vie de minou. Au refuge, on ramasse derrière lui, mais dans une maison, on s’épuise », explique-t-elle. Pour ne pas arranger les choses, il était atteint du FIV (le « sida du chat »), a été victime d’un accident vasculaire cérébral, avant de développer un diabète, une pancréatite chronique, puis un cancer. « Il était sénile et pas “toute là”. On le trouvait souvent assis dans le corridor, l’air de se demander ce qu’il faisait là », se souvient Mme Côté. L’envoyer en campagne pour régler ce problème de litière ? « Ç’aurait été signer son arrêt de mort, il avait perdu de la sensibilité », assure-t-elle.

Le matou blanc et roux, qui avait ses propres quartiers au refuge, pouvait compter sur une quarantaine de parrains et marraines et les soins d’une équipe de bénévoles dévouée. Quand son état s’est sérieusement dégradé, le condamnant à l’euthanasie, les visites d’adieu se sont succédé toute la journée.

Un 29e « channiversaire »

Darcy est ainsi parti au paradis des chats rejoindre Tattie, une autre doyenne du RSA qui avait rendu l’âme quelques mois auparavant. Son âge ? Exceptionnel : 29 ans. En cherchant l’équivalent en âge humain, nous avons constaté que tous les tableaux s’arrêtaient à 21 ans !

D’après la formule de calcul d’une clinique vétérinaire, Tattie avait atteint un âge correspondant à 190 ans.

L’ironie de l’histoire, c’est qu’elle a été laissée au refuge quand elle avait 14 ans, son ancienne propriétaire ayant fait promettre à la directrice de l’époque de ne pas la faire adopter, parce que ses jours étaient comptés. Mauvais calcul : cette promesse a finalement été honorée… pendant 15 longues années ! Au cours desquelles elle a fini par occuper une place particulière dans le cœur des bénévoles. « Le refuge était devenu sa maison, elle arpentait les corridors comme une reine. Comme elle avait de la misère à monter les marches pour regarder dehors à cause de l’arthrite, elle nous menait au petit escalier et miaulait pour qu’on l’aide », se rappelle Lise Côté.

La chatte tricolore était devenue un véritable ciment d’unité, ses anniversaires étant célébrés au cours des dernières années lors d’une fête réunissant les bénévoles.

Ayant développé de l’insuffisance rénale, elle a finalement connu son dernier printemps en 2020. « Ç’a été une dure année pour nous. Mais il n’est pas question de les laisser agoniser », lance la responsable de l’équipe médicale.

Améliorations et compassion

Si les chats finissant leurs vieux jours au sein des refuges étaient auparavant monnaie courante, la situation s’est grandement améliorée au cours des dernières années, se réjouit Mme Côté. Quand un chat aîné est sociable, il reste rarement plus de trois ou quatre mois au RSA, où une salle est réservée aux vieux matous arrivant régulièrement. Souvent, leurs maîtres sont eux-mêmes vieillissants et ne peuvent plus les garder.

« En ce moment, on a la chance de réussir à en faire adopter, des gens en veulent. Par exemple, un adoptant a récemment choisi un chat plus âgé parce qu’il avait déjà un vieux chat chez lui et ne voulait pas lui imposer un jeune chat agité. D’autres trouvent ça terrible qu’un vieux chat ne soit pas choisi et vont adopter par compassion. Oui, le temps passé avec eux sera plus court, mais c’est très gratifiant de donner une maison à un animal plus âgé », souligne Lise Côté, se rappelant le cas de Fleurette, adoptée à l’âge de 21 ans après une vie entière passée au refuge ; ou celui de Juliette, 11 ans, dont l’histoire a ému une quinzaine de candidats adoptants : sa maîtresse, mourante, était très préoccupée par ce qu’il adviendrait de son animal. « C’était crève-cœur, la fille de cette dame était hyperallergique et ne pouvait la garder. Juste avant de mourir, elle voulait savoir si Juliette était OK. Sa dernière pensée a été pour son chat. »

Notre façon de traiter nos animaux vieillissants dit-elle quelque chose sur notre rapport aux aînés ? « Probablement. Autant il y a des gens très dévoués à leur chat vieillissant, autant d’autres n’en veulent plus parce que ça devient un paquet de troubles. Certains vont se regrouper autour de leurs parents vieillissants, quand d’autres vont se dégager », conclut Mme Côté.

120

Nombre de chats accueillis par le RSA

10 % 

Proportion des chats âgés de plus de 10 ans

Source : Réseau Secours Animal

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