Protection de la jeunesse

Prévenir plutôt que guérir, plaide la commission Laurent

Pour que les plus vulnérables soient vite rejoints, toutes les Québécoises qui attendent un bébé devraient être tenues de le déclarer au gouvernement. Les 260 organismes communautaires qui œuvrent auprès des familles doivent par ailleurs recevoir rapidement un financement annuel minimum de 200 000 $.

Telles sont les principales recommandations diffusées mercredi par la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse (mise en place dans la foulée de la mort tragique d’une petite fille de Granby le printemps dernier).

Si la présidente de la Commission, Régine Laurent, les a dévoilées alors que son rapport final n’est attendu qu’en novembre prochain, c’est que « certains constats commandent des actions immédiates » et parce qu’elle espère que ces recommandations se traduiront par du financement additionnel dès le prochain budget provincial.

Parce que « pour un enfant de 2 ans, un an, c’est la moitié de sa vie », a rappelé Mme Laurent pour illustrer l’urgence d’agir.

En 2018-2019, la direction de la protection de la jeunesse (DPJ), qui est censée être un organisme de secours et de dernier recours, a reçu un nombre record de 106 000 signalements.

Elle ne suffit plus à la tâche. La priorité doit être remise sur la prévention, sur les services de première ligne et sur les organismes communautaires, sur lesquels Mme Laurent mise beaucoup.

L’idée est de tout mettre en place rapidement pour éviter que des situations dégénèrent et finissent en signalements à la DPJ.

Des programmes à remettre sur pied

Inutile de « réinventer la roue », fait d’abord observer Régime Laurent. Le Québec a déjà été « champion » de la prévention grâce à d’excellents programmes. Malheureusement, « chaque fois qu’il y a des coupes, c’est la prévention qui écope », à son avis.

Mme Laurent plaide donc par exemple pour le retour en force de visites au domicile des femmes qui viennent d’accoucher. Le petit coup de fil dont on se contente trop souvent à l’heure actuelle est insuffisant pour savoir si les nouveau-nés sont en sécurité. 

Les commissaires ont par ailleurs besoin de plus de temps pour bien évaluer d’autres enjeux, comme la confidentialité des dossiers des jeunes de la DPJ, qui est si sacrée que des intervenants eux-mêmes n’arrivent pas à avoir des informations fondamentales sur eux.

Des représentants d’ordres professionnels et de syndicats seront aussi entendus au cours des prochains mois pour faire le point sur les entorses aux codes de déontologie qui seraient encouragées par des gestionnaires et par la surcharge actuelle de travail, selon des témoins entendus à la Commission.

Quant à l’omerta dont s’est plainte publiquement Mme Laurent en constatant que les intervenants de la DPJ ne venaient pas témoigner par crainte de représailles, c’est réglé, selon Mme Laurent.

« Mon message semble avoir été entendu », a-t-elle dit, relevant que plusieurs professionnels se sont inscrits aux forums et audiences à venir.

Un accueil favorable

À Québec, le ministre délégué à la Santé, Lionel Carmant, a dit avoir un préjugé « très favorable » envers les premières recommandations de la Commission.

« On va prendre le temps de les analyser avec Mme McCann [Santé] et M. Lacombe [Famille]. Mais je veux la rassurer : les recommandations ne seront pas tablettées. D’ici le prochain budget, on va mettre sur pied des mesures pour aider la première ligne », a-t-il affirmé mercredi en mêlée de presse.

« Ce que j’aime de ses demandes, c’est qu’elles sont toutes en amont de la DPJ. Et ça, ça va avec ce qu’on dit : on doit faire plus de prévention pour que la DPJ devienne une mesure d’exception comme elle l’était initialement », a ajouté M. Carmant.

La Fédération québécoise des organismes communautaires a aussi réagi très favorablement aux premières recommandations de la Commission. Le financement minimum de 200 000 $ qui est proposé est particulièrement apprécié dans la mesure où le budget moyen de ces organismes est actuellement d’environ 66 000 $, relève la Fédération.

— Avec la collaboration de Tommy Chouinard, La Presse

Les cinq premières recommandations de la commission Laurent

– Mise en place d’un système de déclaration obligatoire de grossesse (comme celui déjà en place dans Lanaudière et en Estrie).

– Aide financière minimale de 200 000 $ aux organismes communautaires œuvrant auprès des familles.

– Mise en place de stratégies pour s’assurer que les enfants vulnérables utilisent bel et bien les 5 % de places en CPE qui leur sont réservées.

– Augmentation de l’accessibilité au programme d’accompagnement des jeunes à leur sortie de la DPJ.

– Amélioration du programme de Services intégrés en périnatalité et pour la petite enfance (SIPPE) et investissement dans celui-ci.

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