Francisation des nouveaux arrivants

Plus de cohérence, SVP

De l’avis général, une francisation efficace représente un vecteur incontournable de la survie du français au Québec.

Comme experts en première ligne de l’accueil et du processus de francisation des nouveaux arrivants, les quelque 600 professeurs de francisation rattachés au ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) sont à même d’opérer des constats, parfois inquiétants quant à l’avenir du français, mais émanant directement du terrain. Ils proposent des pistes de solution concrètes et réalistes qui permettront de faire du français la véritable langue d’intégration au Québec.

Dans leur mémoire présenté dans le cadre des audiences sur le projet de loi 96, ces professeurs spécialistes, affiliés au Syndicat des professeurs de l’État du Québec (SPEQ), réclament plus de cohérence dans l’offre de francisation, actuellement partagée entre trois ministères, chacun travaillant souvent en silo, dans une atmosphère de concurrence et de dédoublement.

À ce titre, les professeurs se félicitent de la création de Francisation-Québec, une structure qui, en plus de servir de guichet d’accès unique aux services d’apprentissage du français, pourra enfin démêler, regrouper et harmoniser l’offre de services, tout en assurant l’atteinte des objectifs d’intégration des personnes immigrantes que se fixe le projet de loi 96.

Éviter la dispersion des lieux d’enseignement

Actuellement, cette offre de services se trouve disséminée à travers plus de 70 lieux d’enseignement partenaires du MIFI. Comme aucun de ces endroits n’est identifié expressément comme un lieu officiel de francisation, cela entraîne sur le terrain un sentiment d’éparpillement et de manque de sérieux.

Alors qu’elle accorde des millions en allocations aux nouveaux arrivants pour qu’ils se francisent, une société qui assume sa francisation doit dépasser le stade de la sous-traitance et instituer des Centres de francisation et d’intégration, spécialement consacrés à ces mandats, ayant pignon sur rue, et regroupant l’ensemble des services reliés à l’intégration et la francisation des personnes immigrantes.

En plus d’une efficacité accrue, cela créerait chez les professeurs et les étudiants un sentiment de fierté et d’appartenance envers une institution bien établie.

Le français et non l’anglais comme langue d’intégration

Les professeurs de francisation sont également bien placés pour constater la place envahissante, surtout en métropole, de l’anglais comme langue d’usage chez de nombreux étudiants en francisation.

Nous devons tous être alarmés du risque que le français ne se retrouve qu’une langue d’appoint ou complémentaire et que la prépondérance de l’anglais dans l’environnement nord-américain fasse en sorte que dans les faits, l’anglais devienne dans bien des cas la véritable langue d’intégration et d’usage.

Afin de contrecarrer cette tendance dangereuse, il est nécessaire que Francisation-Québec se donne le mandat d’augmenter les exigences de compétences requises pour atteindre le niveau de réussite de la francisation, tant à l’écrit qu’à l’oral.

Le gouvernement aspire à des emplois de haut niveau pour les personnes immigrantes ? Il devient donc impérieux que les étudiants en francisation sachent lire et écrire plus que convenablement le français au terme de leur cheminement d’apprentissage.

Francisation-Québec aura aussi à sérieusement encadrer la mission des organismes communautaires partenaires du MIFI.

Citons l’un d’eux qui donne des cours de francisation subventionnés par le MIFI, mais qui offre en même temps des cours d’anglais en partenariat avec l’English Montreal School Board. Une publicité de l’organisme encourage même sa clientèle à suivre des cours de français, langue officielle du Québec, mais aussi d’anglais, en indiquant qu’à Montréal, il est nécessaire de maîtriser l’anglais pour accéder à des emplois dans de nombreux secteurs d’activité.

Cette anglicisation-francisation simultanée est-elle cohérente avec les buts visés par le projet de loi 96, qui insiste sur l’importance de faire du français la langue de travail et d’intégration au Québec ?

Somme toute, il y a urgence d’agir pour que le législateur accorde à Francisation-Québec les moyens de concrétiser sur le terrain les objectifs fondamentaux du projet de loi 96.

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