COVID-19

Quand science et politique démontrent leurs limites…

Depuis mars 2020, la crédibilité des gouvernants politiques s’est amplifiée par leur désir affirmé de respecter les enseignements et directives de la science. La raison en était simple : la crainte immédiate posée par la COVID-19 à la population et l’atteinte aux fondements généraux de la vie sociale et économique.

La Science avec un grand S ne possédait pas toutes les réponses au jour 1, pas plus que les politiciens. Cependant, elle est assujettie à un mode d’analyse et d’exécution qui assure l’objectivité. La simple méthode scientifique, promue depuis des siècles et surtout établie dans ses fondements plus modernes par Pasteur, demande une période d’observation pour établir les liens, des investigations pour confirmer la cause des observations, de l’empirisme pour tester de nouvelles approches thérapeutiques visant à contrer le nouveau mal, puis des études comparatives pour confirmer la valeur de ces nouvelles thérapies. C’est ici une explication bien simplifiée, mais elle exprime pourquoi la science prend du temps et opère selon une rationalité qui manque grandement à ceux qui recherchent des réponses immédiates. La science infuse n’existe pas…

Décision selon l’évidence

Oui, il y a eu des erreurs dans cette gestion de la pandémie, tant par les dirigeants que par les scientifiques, mais il faut aussi comprendre que certaines affirmations faites étaient en lien avec l’interprétation des connaissances du moment. Par contre, le principe de précaution devait et doit continuer à s’imposer lorsqu’une incertitude, une absence de données probantes, ne permet pas d’indiquer la voie à suivre.

Primum non nocere. Premièrement ne pas nuire.

Le Dr Arruda a souvent invoqué la revue de la littérature pour expliquer ses décisions. Comprenons qu’une revue de la littérature ne permet que de répondre à ce que l’on a étudié et pas à fournir des certitudes qui n’existent pas. C’est ce qui s’appelle faire des recommandations basées sur l’évidence.

Ainsi, les citoyens ont retrouvé les raisons pour lesquelles il est nécessaire d’investir en science, puisque celle-ci permet d’établir des bases à la perpétuation de l’espèce, au maintien du niveau de vie et à son amélioration. Et pas seulement quand un organisme microscopique fait des ravages !

Science et patience

La science n’est pas non plus une vertu ou une religion. On ne peut la qualifier en indiquant que l’on croit en la science, mais bien que l’on accepte ses enseignements, sans dogme. En effet, il faut passer du temps dans un laboratoire ou à lire la littérature scientifique pour réaliser que les hypothèses émises et les options de traitement testées, en se basant sur la meilleure évidence disponible, sont souvent invalidées. Il faut donc, à titre de chercheur, remettre cent fois sur le métier son ouvrage. Repenser. Reprendre. Persister.

Dans cette société de l’instantané, ces valeurs de patience et de perspicacité ne sont pas prisées. Alors que la précarité de notre système de santé et du développement scientifique éclate au plein jour, certains voudraient des changements immédiats, alors que ces manquements s’installent depuis des décennies.

Le développement du savoir

Pour la plupart de nos dirigeants, et pour bien des citoyens, santé et sciences ne sont que des dépenses alors que c’est notre premier filet de sécurité. Dans l’esprit de la majorité des ministres de la Santé depuis 30 ans, pour ne pas dire tous, incluant le ministre Legault de l’époque, le domaine pharmaceutique était vu comme une occasion économique de faire de l’argent par la recherche et développement et un adversaire à abattre pour les coûts des médicaments et fournitures médicales. Il aurait été plus pertinent de s’en faire un partenaire dans le développement de soins, obligeant au partage de données, au partage de risque, au partage des coûts.

Pour la simple et bonne raison que le domaine public a montré son incapacité structurelle à développer de nouveaux soins. On a donc vu se réduire comme peau de chagrin l’intensité des efforts de recherche médicale au Canada et les capacités de production de médicaments, et concomitamment s’intensifier notre dépendance en importation de médication produite à l’extérieur du Canada dont on contrôle moins la qualité et la disponibilité. Et l’effort prépondérant d’amélioration des soins est fait par des entreprises privées, en abdication du leadership des systèmes publics. Il est loin le moment où le système public a développé un nouveau médicament.

Repenser le développement

Ceci est devenu particulièrement évident récemment alors que presque chaque premier ministre au pays a critiqué le temps requis pour l’obtention du vaccin. Cette attitude me semble empreinte d’hypocrisie. Ces mêmes leaders ont montré leur faible capacité à imposer un modèle de développement axé sur la science et sur le désir d’amélioration des indices de santé de la population.

Blaise Pascal, qui était homme de science et de foi, qui a su repousser les limites de sa croyance religieuse par l’avancement de la science et a basé sa moralité sur ses bases religieuses plutôt que sur les dogmes d’une science omnipotente, a bien résumé la difficulté de la condition humaine dans ses Pensées : « Les hommes se gouvernent plus par caprice que par raison. » Quelle belle démonstration nous avons de ceci depuis neuf mois…

Le vaccin arrivera rapidement, mais nous aurons constaté que plusieurs élus ne voient les choses que par le spectre de l’instant et de la menace immédiate.

Il faudrait plutôt que cette crise oblige à la révision et la réinvention (mot surutilisé par nos dirigeants depuis quelques mois) pour obliger nos institutions à accueillir les opportunités de recherche, à les favoriser, à les intégrer dans notre processus de décision publique, à débureaucratiser les processus d’approbation et de remboursement des médicaments, à ouvrir le discours public sur les opportunités de soins.

Croyez-le, il faudrait que toute maladie dont on peut réduire l’impact soit l’objet d’une urgence d’action aussi équitable que celle qui est accordée à la COVID-19. Par exemple, pour le traitement du cancer, il n’est pas rare que le Canada et le Québec acceptent et remboursent de nouvelles options thérapeutiques qui augmentent la survie seulement plusieurs années après la démonstration scientifique. C’est pourtant un ensemble de maladies qui est la première cause de décès au Canada. Je ne cherche pas ici à amoindrir la mortalité liée à la COVID-19, bien au contraire. Il faut, à l’instar de ce qui a été fait pour cette tare, permettre à la recherche de réduire l’impact des maladies dont nous pouvons modifier les effets délétères.

Rappelons les principes à l’origine de notre système de santé : ajouter de la vie. Ajouter de la santé à la vie. Ajouter du bien-être à la santé.

Revenons à l’essentiel de notre vie collective…

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