Journée de la lenteur

Être lent, non. Ralentir, oui !

Comme tous les 21 juin depuis 16 ans, le parc La Fontaine sera l’hôte de la Journée de la lenteur, qui nous invite à « appliquer les freins sur notre vie effrénée ». Faut-il ralentir ? Est-ce fait pour tout le monde, la lenteur ? On en parle avec Sonia Lupien, directrice scientifique du centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal et directrice du Centre d’études sur le stress humain.

On entend souvent cette idée selon laquelle on vit à 100 milles à l’heure et qu’il faut ralentir. Mais est-ce nécessaire de ralentir ?

Il faut faire la différence entre deux concepts : celui de la lenteur et celui de ralentir. À mon avis, il y a une immense différence entre les deux. Je suis vraiment allergique à toute forme de principe qui nous dit qu’il y a des lois universelles pour quoi que ce soit. On associe souvent la lenteur à l’absence de stress, et que si on est zen, feng shui et poncho, on ne vivra jamais de stress. Ça n’a rien à voir : j’ai vu des gens qui ne bougeaient pas vite qui étaient des bombes à retardement de stress, et des gens « speedés » tout à fait zen. Mais ralentir, c’est différent. Quand on sent que la machine s’emballe, je pense que oui, c’est important de ralentir.

Qu’est-ce que c’est, ralentir ?

Le premier mot qui me vient en tête quand on me dit « ralentir », c’est « détecter ». En voiture, on ralentit quand on détecte qu’on va trop vite ou quand quelqu’un nous le signale. Est-ce que nous sommes vraiment capables de nous en rendre compte quand nous allons trop vite et que notre stress est en train de déborder sur nos enfants, nos employés ? Si nous sommes capables de ralentir, nous prouvons que nous sommes capables de détecter.

Et comment faire pour détecter qu’on va trop vite ?

C’est ça, le problème : on ne s’en rend pas compte. On met tous les stresseurs en dessous du tapis, on n’a pas le temps de s’en occuper, on veut les oublier. Il y a plein de façons de les détecter, mais on ne les voit plus. Nous avons désappris à reconnaître les réponses de stress que notre corps nous envoie. Et c’est ce qui fait qu’on accumule et qu’on tombe malade. […] Ce n’est pas pareil pour tout le monde, mais moi, mon indice qui ne m’a jamais menti et que j’ai toujours utilisé, c’est quand mon stress commençait à déborder sur mes enfants, quand je perdais patience pour rien. Je savais que, devant moi, j’avais un gros mammouth (un stresseur) que je n’arrivais pas à gérer. Et j’ai pris des décisions très importantes dans ma vie sur la base de ça.

Et ralentir, est-ce nécessairement aller une semaine dans le Sud ?

Non. Le mot inverse de stress, ce n’est pas relaxation. Le mot inverse de stress, c’est résilience. Et la résilience, c’est la capacité de trouver des solutions pour être capable de déconstruire et de reconstruire son stress. Ralentir, c’est arrêter de courir comme des malades deux secondes, prendre conscience qu’il y a un mammouth (un stresseur), accepter qu’il est trop gros pour le mettre de côté, se relever les manches et essayer de le déconstruire. Pour moi, ralentir, ce n’est pas ralentir le physique ; le physique n’a rien à voir avec le stress. C’est ralentir le hamster, c’est ralentir le mental. […] Et quand vous trouvez des solutions, trouvez un plan A, un plan B, un plan C, un plan D. Le plan B, ça peut juste être d’aller marcher une heure par jour le temps que le stresseur au travail est là pour perdre de l’énergie mobilisée en stress. Pas besoin de lâcher son job et de faire une scène aux patrons !

Comment trouve-t-on le temps de ralentir ?

Un jour, je faisais une conférence devant des hommes d’affaires. L’un deux vient me voir, ouvre son laptop, me montre son agenda et me dit : « Madame, voyez-vous une heure par jour de libre là-dedans ? » Je lui ai dit : « Monsieur, tout est là. » C’est la différence fondamentale entre avoir le temps et prendre le temps. Quand vous décidez un beau matin de prendre le temps, vous avez le contrôle sur la situation, et déjà, vous produisez moins d’hormones de stress. Nous ne sommes pas victimes de ça : ce sont des choix que nous faisons. Et ça, il ne faut jamais l’oublier.

UNE 16e ÉDITION

Organisée depuis 2001, la Journée de la lenteur est un concept imaginé par Clémence Boucher, qui a formé, avec ses amis Lyne Pelletier, François Chevalier et François Gourd, le groupe des Lents d’Amérique. Cette 16e édition se déroulera « de 9 h 01 à 21 h 03 » près de la statue de Félix Leclerc, dans le parc La Fontaine. Au programme : « yoga, musique, méditation, tricot, chant, peinture, domino, poésie, massage, pyrogravure, danse, Qi-Gong, rire et tout ce qui nous permet de se relaxer ».

Journée de la lenteur

Consommation

Un autre signe qui ne trompe pas : l’augmentation de la consommation d’alcool… ou de toute autre chose qu’on aime (comme le magasinage !). « Le cerveau nous dit : écoute, ça fait deux mois que je travaille pour toi, je suis fatigué, je veux mon nanane », résume Sonia Lupien.

Journée de la lenteur

Tensions musculaires

Sonia Lupien compare le stress à un poids de 20 livres qu’on devrait porter sur ses épaules. « Au début, vous allez être correct, mais après une semaine, vous allez avoir mal au dos, vous avez besoin d’un massage », résume-t-elle.

Journée de la lenteur

Colères spontanées

Les gens qui sont en stress chronique deviennent plus réactifs – voire hyper réactifs – à tout autre stresseur. Quand on pique des colères spontanées à la moindre contrariété ou quand on crie contre ses enfants en le regrettant la minute qui suit, c’est signe qu’il est temps de ralentir.

Journée de la lenteur

Attention sélective

Le stress nuit à l’attention sélective, c’est-à-dire la capacité de départager les choses pertinentes de celles qui ne le sont pas. « Quand vous êtes rendus à ne plus savoir ce qui est important et ce qui n’est pas important dans tout ce que vous avez à faire, c’est signe qu’il y a un stress chronique », indique Sonia Lupien.

Journée de la lenteur

MAUX DE VENTRE

Difficulté à digérer ? Ce n’est peut-être pas à cause du repas indien de l’autre jour. Quand on est stressé, explique Sonia Lupien, la digestion ralentit. « Le cerveau nous dit : toute l’énergie que tu prends pour digérer, je vais la prendre et l’envoyer dans tes muscles pour que tu sois assez fort pour tuer ton “mammouth”. »

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