FERMETURE DES SALLES À MANGER des restaurants

LA DEMANDE NE VENAIT PAS D’ARRUDA

Québec — La Santé publique n’a pas recommandé au gouvernement Legault de fermer complètement les salles à manger des restaurants dans la deuxième vague de COVID-19 au Québec, mais plutôt de limiter les clients assis autour d’une même table aux personnes vivant à la même adresse.

Le directeur national de santé publique, le DHoracio Arruda, a fait cette précision mercredi alors qu’il répondait aux questions des élus dans le cadre d’une commission parlementaire à Québec. Questionné par le Parti québécois, il a affirmé que la Santé publique n’avait pas recommandé au gouvernement Legault la fermeture complète et totale des salles à manger des restaurants cet automne, mais plutôt d’encadrer leur ouverture. Il avait aussi été question de garder les musées ouverts.

« Le gouvernement, pour éviter de passer un message qui pourrait être mal interprété, a décidé de dire non, on ne va pas aller dans ce sens », a précisé le DRichard Massé, conseiller médical stratégique à la Direction générale de la santé publique.

Dans tous les cas, a ajouté le DArruda, la Santé publique s’est dite à l’aise, « confortable », avec la décision qui a été prise par le premier ministre François Legault. Il n’a pas répondu aux questions des journalistes après son passage devant la commission.

En entrevue avec La Presse, le vice-président aux affaires publiques pour l’Association Restauration Québec (ARQ), François Meunier, a affirmé qu’il était déjà au fait que le gouvernement était allé plus loin dans son choix que ce que la Santé publique recommandait (voir autre texte dans l’onglet suivant). Dans tous les cas, a-t-il dit, même si Québec avait permis aux personnes vivant à la même adresse de se rassembler autour d’une table d’un restaurant, « je ne suis pas convaincu qu’on aurait été enclins et satisfaits de ça », a-t-il précisé.

« Il n’y a rien qui démontre que les restaurants sont des lieux problématiques quand on respecte les règles sanitaires. Qu’on soit utilisés pour passer un message à la population, c’est une chose qui n’est pas acceptable dans le contexte d’une pandémie qui va durer encore des mois », a ajouté M. Meunier.

Selon Restaurants Canada, plus de 10 000 restaurants ont fermé leurs portes au pays depuis le début de la pandémie de COVID-19. L’association prévoit aussi que plus de la moitié des restaurants encore ouverts pourraient devoir fermer au cours des six prochains mois en raison des contrecoups économiques provoqués par le coronavirus.

« Diminuez vos contacts »

Horacio Arruda a également invité mercredi les citoyens à faire preuve d’une « extrême rigueur » dans les prochaines semaines, en suivant les règles sanitaires, et formulé une demande aux Québécois : « Diminuez vos contacts. »

« Depuis quelque temps, nous l’observons sur le terrain, nous sentons ce que plusieurs appellent un relâchement. Il ne faut pas négliger ni ignorer la fatigue des Québécois, [mais] il faut une mobilisation collective face à un ennemi commun. Aucun gouvernement ne pourra réussir sans cet effort collectif nécessaire. »

— Le Dr Horacio Arruda, directeur national de santé publique

« La chose qui m’attriste, c’est que les mesures mises en place, beaucoup de Québécois les respectent, mais si elles étaient [respectées par un plus grand nombre de citoyens], nous n’aurions pas besoin d’ajouter des mesures supplémentaires », a ajouté le directeur national de santé publique devant les parlementaires au Salon rouge.

Alors que le Québec vit une nouvelle montée de cas et d’hospitalisations provoquée par la COVID-19, et que le gouvernement n’exclut pas un nouveau confinement à l’approche des Fêtes, le DArruda y va d’un conseil : « Diminuez vos contacts, parce que le virus se nourrit de contacts humains. »

« Rien n’est encore terminé », a-t-il poursuivi, précisant que de nouveaux cas et des éclosions se poursuivront même après le début de la campagne de vaccination.

« Il n’y a pas de recette magique », a dit le DArruda, demandant à nouveau aux Québécois de porter le masque, de se laver fréquemment les mains et d’éviter les rassemblements.

Si Santé Canada a approuvé mercredi le vaccin de Pfizer-BioNTech, le DArruda prévient que le début de la campagne de vaccination massive ne signifie pas que la pandémie se terminera bientôt. « Il nous faudra faire preuve d’une extrême rigueur et de méfiance. Le virus ne sera pas exterminé, et les risques seront encore présents », a-t-il affirmé.

Restaurants

« Il savait qu’il nous sacrifiait »

Choqués, déçus, inquiets : les restaurateurs ont reçu la déclaration du DHoracio Arruda selon laquelle la Santé publique n’avait pas recommandé la fermeture complète des salles de restaurant comme une gifle.

« Ce qui me fait le plus mal, c’est de perdre mon monde. Mes employés changent de profession, ils sont sur le chômage, ils me demandent une avance. Ça m’arrache le cœur », souffle Victor Afonso au bout du téléphone. Il est propriétaire des restaurants Tapeo et Mesón à Montréal. Sur 42 employés, il ne lui en reste plus que 7.

En octobre dernier, il s’est conformé aux consignes sanitaires imposées par Québec en zone rouge pour freiner la propagation du virus. Il a fermé ses salles à manger et s’est tourné vers le soutien de sa communauté.

Mais la déclaration du DArruda mercredi en commission parlementaire est « la couche de trop ».

« Personne n’a jamais compris cette mesure. Je comprends que le gouvernement n’est pas dans une situation facile, mais quand il ne suit même pas l’avis des experts, ça devient dangereux. »

— Victor Afonso, propriétaire de restaurants

Il ajoute que si le premier ministre François Legault avait suivi les recommandations de la Santé publique consistant à asseoir autour d’une même table uniquement les personnes vivant à la même adresse, les restaurateurs seraient à l’heure actuelle en bien meilleure posture.

Le président du réseau La Cage – Brasserie sportive, Jean Bédard, se dit quant à lui déçu, mais pas surpris de cette déclaration. « Le gouvernement avait besoin de passer un message fort. Il savait qu’il nous sacrifiait », estime M. Bédard. Seuls quelques établissements de la chaîne de restauration sont encore ouverts, notamment en Abitibi et à Sept-Îles. Ceux en zone rouge sont tous fermés.

« On est les victimes de la situation actuelle », poursuit-il.

Des programmes insuffisants

Pour plusieurs, cette déclaration de la Santé publique est surtout la confirmation de ce qui se disait depuis longtemps dans les coulisses de l’industrie : les restaurants ne sont pas des vecteurs de transmission du virus.

« On prétend depuis des mois que les restaurants ne sont pas un problème. Il n’y a aucune démonstration, rien de probant pour démontrer cela. Aujourd’hui, on a la confirmation de la Santé publique que c’est le cas et qu’il s’agit d’une décision politique », indique le vice-président de l’Association restauration Québec, François Meunier.

Il dit constater énormément de frustration chez ses membres et appelle François Legault à travailler de concert avec l’industrie à un plan de relance.

« Les programmes ne sont pas suffisants, on est en difficulté. On va faire ça combien de temps ? »

— François Meunier, vice-président aux affaires publiques et gouvernementales de l’Association restauration Québec

Des programmes d’urgence pour les propriétaires de restaurants et de bars ont été mis en place par les gouvernements fédéral et provincial depuis le début de la crise sanitaire. En octobre dernier, Québec s’est engagé à rembourser 80 % de leurs frais fixes jusqu’à 15 000 $ par mois de fermeture.

Si l’aide de Québec est un coup de pouce intéressant, plusieurs restaurateurs avec qui La Presse s’est entretenue ont souligné sa complexité. Par exemple, pour être admissibles au programme, les restaurateurs doivent établir un budget des mois à venir.

« On n’a aucune idée de ce qui s’en vient. Ils ont rendu ça tellement compliqué, avec tellement de paperasse. Des fois, je me dis quasiment qu’ils ont fait exprès », regrette Victor Afonso.

Covid-19

Le Dr Horacio Arruda a répondu aux questions des élus en commission parlementaire, alors que Québec a durci le ton mercredi envers les récalcitrants, en demandant aux forces policières de « donner plus de contraventions ».

Respect des consignes sanitaires

Finis les avertissements, martèle Legault

Québec — Les récalcitrants sont prévenus : la période des avertissements est terminée. Alors que la pandémie continue sa progression, le gouvernement Legault demande aux forces policières d’être moins permissives et de « donner plus de contraventions » à ceux qui ne se conforment pas aux règles sanitaires.

« Il n’y aura pas d’excuses, a lancé François Legault, mercredi. On n’est plus à l’étape d’avertir le monde. On est à l’étape de donner des amendes. »

« Ce n’est pas vrai qu’il y a une minorité de Québécois qui va mettre […] à risque la majorité des Québécois », a martelé le premier ministre.

Le gouvernement Legault augmentera la présence policière sur le terrain et déploiera davantage d’inspecteurs de la CNESST pour s’assurer que les consignes sanitaires sont respectées. Le service Alerte Québec a même été utilisé mercredi après-midi pour envoyer une alerte d’urgence à tous les Québécois les informant de la présence policière accrue.

« Ça va faire. Il faut, à un moment donné, être capable d’envoyer un message très clair à cette petite minorité qui ne respecte pas les règles », a affirmé le premier ministre Legault, qui a rappelé à plusieurs reprises lors de sa conférence de presse que les amendes pour le non-respect des consignes sanitaires peuvent aller jusqu’à 6000 $.

La semaine dernière, Québec a d’ailleurs resserré les mesures sanitaires pour le magasinage des Fêtes et augmenté la présence policière. Dans la semaine du 30 novembre au 6 décembre, 256 constats d’infraction ont été remis et 2776 avis verbaux ou avertissements ont été adressés par les forces de l’ordre.

« On est allés plus avec des suggestions, des recommandations. Là, on va être […] plus sévères, plus coercitifs. »

— François Legault, premier ministre du Québec

Pas question pour l’heure d’ajouter de nouvelles restrictions pour « casser » la deuxième vague de la pandémie. Le gouvernement Legault ne cache pas qu’il étudie actuellement différents scénarios de confinement à la carte pour une période de deux à quatre semaines pendant la période des Fêtes.

Au rythme où progresse la pandémie dans la province, remettre le Québec sur pause est-il une avenue probable ? « La réponse est entre les mains des Québécois », a dit le premier ministre.

« Si on continue d’avoir une minorité de personnes qui ne respectent pas les mesures, qui ne respectent pas les deux mètres, qui ne portent pas le masque dans les centres d’achat, bien, on n’aura pas le choix de regarder des scénarios comme de fermer les commerces non essentiels pendant la période de Noël », a-t-il prévenu.

Mais « la décision n’est vraiment pas prise ».

Le gouvernement explique vouloir se donner quelques jours pour voir si sa nouvelle mise en garde se traduira par un ralentissement de la pandémie. « Si on est capable, dans les magasins, les entreprises et les maisons, d’avoir moins de personnes qui sont à moins de deux mètres, pas de masque, bien, ça va paraître, ça va donner des résultats », croit M. Legault.

« Donner un grand coup »

Québec exhorte maintenant les Québécois à « donner un grand coup » pour casser la deuxième vague et réduire le nombre d’hospitalisations. « Actuellement, il y a trop de personnes hospitalisées (844) à cause de la COVID-19. Et il n’y a pas de recette miracle : il faut réduire les contacts », a fait valoir M. Legault.

Le DHoracio Arruda a dit remarquer « une augmentation des contacts des personnes, en moyenne », affirmant que le virus circule partout.

« Ici comme ailleurs dans le monde, il y a une fatigue par rapport aux mesures, mais il ne faut pas relâcher », a-t-il plaidé. Le gouvernement a demandé à nouveau aux entreprises qui peuvent fermer ou permettre le télétravail du 17 décembre au 4 janvier, « s’il vous plaît, de le faire ».

Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a aussi demandé à la population d’aller subir un test de dépistage dès l’apparition d’un symptôme de la COVID-19.

Peu d’avenues pour contester les amendes

Quoi qu’en dise le mouvement antimasque, la validité des contraventions émises par les policiers pour non-respect des mesures sanitaires a de fortes chances d’être reconnue par les tribunaux, affirment des avocats. Un citoyen de Longueuil l’a d’ailleurs appris à ses dépens la semaine dernière.

La juge de paix Marie-Josée Hénault, de la Cour du Québec, a rejeté les arguments du Longueuillois Steven Wouango, qui contestait une contravention de 1546 $ qu’il a reçue pour non-respect des règles sanitaires, lorsque les policiers l’ont surpris dans un autre logement que le sien à la suite d’une plainte pour bruit.

M. Wouango, qui a obtempéré et quitté les lieux immédiatement, soutenait que les policiers ne lui ont pas donné d’avertissement préalable. Un argument jugé insuffisant par la juge de paix, qui a confirmé la validité de la contravention.

Difficile de dire s’il s’agit d’une première, puisqu’aucune donnée au sujet des contestations n’est comptabilisée par le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), mais l’affaire n’ira pas plus loin. « Je ne suis pas un contestataire. J’accepte la décision, je vais payer l’amende et je ne vais pas porter appel », a affirmé M. Wouango, lors d’une brève entrevue avec La Presse.

« Je ne suis pas un récalcitrant et je respecte la loi. Je comprends parfaitement pourquoi le gouvernement nous demande de nous confiner et de porter le masque. Je ne fais pas partie du mouvement de contestation.  »

— Steven Wouango

Gestes de confrontation

Cette décision survient alors que les leaders du mouvement antimasque multiplient les gestes de confrontation à l’égard des autorités en prétendant que les contraventions émises dans le cadre du décret sanitaire sont illégales. La Fondation pour la défense des droits et libertés du peuple et son président, Stéphane Blais, figure de proue du mouvement antimasque, invitent même les personnes mises à l’amende à les joindre en promettant de les mettre en contact avec un avocat de l’organisation : « Les tickets sont illégaux selon MAlain-Robert Nadeau, constitutionnaliste. Les plaignants représentés par nos avocats ont TOUS plaidé non coupables », a affirmé M. Blais, dans un billet publié le 29 novembre dernier sur la page Facebook de la Fondation.

MNadeau soutenait dans une lettre ouverte publiée en octobre que « rien dans la Loi sur la santé publique n’autorise le gouvernement à adopter des mesures conférant des pouvoirs discrétionnaires aux policiers ou à imposer des sanctions pénales ».

Au cours d’une longue conversation téléphonique avec La Presse, il a cependant précisé qu’il a refusé de représenter des groupes de contestation des mesures sanitaires et a invité tous les Québécois à respecter les lois et les décrets en vigueur, ce qu’il s’efforce de faire lui-même. « Quand on est dans des opérations, qu’on soit en accord ou non avec ça, on doit obéir à la loi. Il y a une présomption de validité des lois et des normes juridiques. Bien que je considère qu’il y aurait des motifs sur le plan de la constitutionnalité, et probablement de la légalité, à contester, ça va prendre des années et des années à se faire », explique ce constitutionnaliste, notant au passage que très peu de causes se rendent jusqu’aux tribunaux supérieurs.

« Je crois que M. Legault aurait avantage à fonctionner autrement que par décret » et à adopter une loi « qui serait mieux arrimée » avec la Charte des droits et libertés, ajoute Me Nadeau, « mais mes propos n’ont vraisemblablement pas la portée qu’on leur donne. »

D’autres avocats se montrent également dubitatifs quant aux chances de succès des contestations. « J’ai l’impression qu’ils vont perdre », dit l’avocat constitutionnaliste Julius Grey. Selon lui, il ne fait pas de doute que la Constitution permet aux gouvernements d’accorder par décret des pouvoirs d’émettre des contraventions, dans la mesure où des mécanismes de contestation sont prévus et que le montant des amendes n’est pas déraisonnable. « La préoccupation, c’est qu’il n’y ait pas suffisamment de possibilités de révision judiciaire », souligne-t-il cependant.

En date du 30 novembre, le Directeur des poursuites criminelles et pénales avait signifié 3876 constats liés au décret sanitaire à l’échelle de la province. Du nombre, 1526 ont fait l’objet d’un plaidoyer de non-culpabilité et 1642 n’ont fait l’objet d’aucun plaidoyer dans les temps requis. Seulement 349 personnes ont payé l’amende sans la contester, et 271 ont plaidé coupable.

« Le droit à la liberté a des limites »

MThierry Rassam, président de SOS Ticket, estime pour sa part que la plupart des contraventions « ne seront pas contestables », surtout sur des bases constitutionnelles. « Le droit à la liberté a des limites, inscrites à même la Constitution. Dans le cas présent, nous sommes dans une situation extraordinaire, où le monde et le Québec doivent s’attaquer à une pandémie où l’intérêt de tous passe par des actions de chacun. C’est une situation exceptionnelle où le gouvernement peut décréter des lois très restrictives touchant à la liberté », estime-t-il.

SOS Ticket dit représenter une trentaine de clients qui contestent des contraventions liées à la COVID-19, mais le cabinet refuse la plupart des dossiers, n’y voyant pas de chances élevées de succès.

« Le droit comprend une dose de bon sens, commente l’avocat Julius Grey. Les tribunaux ne regardent pas une situation en se basant sur des principes de droit divorcés de la réalité. Alors je pense que, dans la situation de crise actuelle, qui est mondiale et limitée dans le temps, les contraventions ne sont pas illégales. »

Le « policier du peuple » arrêté pour harcèlement à l’endroit de journalistes

Ex-policier complotiste de Laval, Maxime Ouimet a été arrêté par le Service de police de la Ville de Montréal pour harcèlement à l’endroit de deux journalistes. Selon nos informations, il aurait publié sur Facebook les numéros de cellulaire de Tristan Péloquin, de La Presse, et d’Yves Poirier, de TVA, Nouvelles. Ce dernier aurait été inondé d’appels de Maxime Ouimet. Le policier avait été retiré de la patrouille à Laval en octobre dernier après avoir soutenu sur ses réseaux sociaux que « la pandémie n’existait pas » et que « jamais » il ne « détruirait » la vie des gens en leur remettant des constats d’infraction pour non-respect des mesures sanitaires. Il se présentait alors comme le « policier du peuple ». Il a été arrêté mercredi et libéré sous promesse de comparaître en février 2021. Les policiers ont saisi son ordinateur et son cellulaire.

— Léa Carrier, La Presse

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