« FAITES CE QU’ON VOUS DIT »

La propagation s’accélère. Dans une conférence de presse teintée d’émotion, le directeur national de la santé publique, le Dr Horacio Arruda, a exhorté hier les Québécois à suivre les directives du gouvernement à la lettre. « Je vous en supplie ! » Rien de moins. « Il en va de votre propre santé. »

COVID-19

Le Québec encore plus barricadé

QUÉBEC — La propagation de la COVID-19 s’accélère, le ton du gouvernement Legault monte. Celui-ci barricade davantage le Québec et « supplie » la population de suivre ses directives. Le premier ministre en vient même à commenter ouvertement un scénario, « pessimiste » selon lui, de 4 millions de Québécois infectés, de 400 000 hospitalisations et de 24 000 morts. Il se prépare à y faire face.

Depuis jeudi, François Legault restreint encore un peu plus les libertés individuelles au nom de la protection de la santé publique, dans l’espoir de freiner la contagion. Il a décrété dimanche la fermeture de lieux publics jugés non essentiels comme les bars, les cinémas et les gyms, au moment où le Québec a connu la plus forte hausse du nombre de cas de COVID-19 en 24 heures. Ce n’est pas une suggestion, « je l’ordonne ! », a tenu à préciser à ses côtés le directeur national de la santé publique, le Dr Horacio Arruda.

Dans une sortie émotive, il a exhorté les Québécois à ne pas croire que le gouvernement en fait trop et à suivre toutes ses directives à la lettre. « Faites ce qu’on vous dit, je vous en prie, je vous en supplie ! », a-t-il lancé.

« Il en va de votre propre santé, de la santé de nos concitoyens, et on ne fait pas ça en disant : ça me tente d’avoir un trip de jouer à la dictature. Ce n’est pas ça. Je suis très, très sérieux, là, par rapport à ce que je vous dis. On aime mieux être plus prudents que pas assez. Les enjeux pour la société et notre système de soins sont majeurs. »

François Legault recommande aux Québécois de limiter leurs sorties à l’essentiel. « On devrait sortir seulement pour aller travailler, acheter du pain, aller à la pharmacie, se faire soigner, prendre une marche ou aller aider des personnes de 70 ans et plus », à qui on demande de rester à la maison, a-t-il résumé.

« Je réalise très bien qu’on vous en demande beaucoup, qu’on met beaucoup de restrictions dans votre vie normale, mais dites-vous que ce qu’on est en train de faire actuellement, ça va sauver des vies. »

— François Legault, premier ministre du Québec

« Je sais que les Québécois sont faits forts, puis je suis certain qu’ensemble, on est capables de gagner la bataille », a poursuivi le premier ministre.

Dimanche soir, 39 cas de COVID-19 étaient confirmés au Québec, alors que 325 cas étaient recensés au Canada.

Bataille difficile

Cette bataille, elle s’annonce très difficile. François Legault a reconnu que « l’un des scénarios » considérés par le gouvernement, « plus pessimiste », prévoit qu’environ la moitié des Québécois soient infectés, entre 40 % et 60 %. Il y aurait 400 000 hospitalisations et 24 000 morts, toujours selon ce scénario.

« Quatre cent mille personnes hospitalisées, si vous supposez que tout ça se passe sur 40 semaines puis que les gens restent une semaine, en moyenne, à l’hôpital, ça veut dire qu’on a besoin de 10 000 lits. Ça vous donne un ordre de grandeur. C’est exactement là-dessus qu’on travaille pour amener des lits dans des édifices modulaires, dans des locaux temporaires, pour être capables d’aller faire face aux scénarios qui seraient les pires. Évidemment, on ne souhaite pas ça, là, puis il y a des scénarios qui sont plus optimistes, d’autres qui sont plus pessimistes comme celui-là, mais c’est exactement le travail qu’on fait actuellement, d’essayer de prévoir tous les scénarios. Mais celui-là, il est considéré », a affirmé le premier ministre.

Selon lui, « actuellement, on est en contrôle total dans le réseau de la santé et on a une marge de manœuvre ». « Mais s’il vous plaît, ne faisons exprès pour que des personnes infectées n’infectent d’autres personnes puis que, là, il y ait une augmentation qui soit plus grande que notre capacité du réseau de la santé », a-t-il insisté. Horacio Arruda l’a interrompu pour se permettre une remarque on ne peut plus claire : « Ce n’est pas le temps de paniquer, mais c’est le temps d’agir. Si nous dormons sur l’interrupteur, je vais vous dire, nous allons le regretter. »

Dégager des lits

La ministre de la Santé, Danielle McCann, affirme que les hôpitaux ont, en ce sens, déjà commencé à délester toutes les activités électives. « On est en accéléré, on délaisse tout ce qui n’est pas urgent, nécessaire. Ça va nous dégager un certain nombre de lits, ça va nous aider », a-t-elle expliqué, aux côtés de MM. Legault et Arruda.

« On veut évidemment que les gens qui sont à l’hôpital actuellement et qui n’ont pas besoin de soins aigus, qu’on les déplace dans les lits qu’on va trouver à l’extérieur. Alors, on va être très, très préparés pour recevoir les gens qui vont avoir besoin d’hospitalisation. »

— Danielle McCann, ministre de la Santé

Danielle McCann a témoigné « d’un élan de solidarité impressionnant » alors que des travailleurs de la santé à la retraite se manifestent pour mettre la main à la pâte. Une aide plus qu’appréciée alors que la crise pourrait durer des mois et exercer une pression énorme sur tout le réseau de la santé.

Québec invite donc toute personne ayant de l’expérience ou une formation en santé ou en services sociaux et qui souhaite apporter son aide à écrire à l’adresse suivante : jecontribuecovid19@msss.gouv.qc.ca. En début de soirée, 1700 personnes avaient déjà répondu à l’appel – « Wow ! », a commenté M. Legault sur les réseaux sociaux. « On va payer, compenser les personnes pour leur cotisation, leur assurance […] et il n’y aura pas de pénalités sur le régime des rentes des gens qui sont à la retraite et qui reviennent », a dit la ministre McCann.

Environ 700 personnes, a-t-elle ajouté, ont aussi offert de prêter main-forte au réseau Info-Santé 8-1-1. À ce sujet, la ministre a une fois de plus admis que le système téléphonique connaissait des ratés, mais que la situation s’était améliorée. « Il faut former ces gens, ça prend trois jours pour les former », a-t-elle précisé.

Le numéro de téléphone pour obtenir de l’information sur la COVID-19 ou si vous présentez des symptômes grippaux est le 1 877 644-4545. Si votre cas le justifie, vous serez ensuite transféré vers le 8-1-1.

Chose exceptionnelle, le ministère de la Santé va dépêcher des employés dans les aéroports, pourtant de responsabilité fédérale, afin d’informer les voyageurs qui reviennent au pays des mesures préventives adoptées par le gouvernement. Une preuve que Québec s’impatiente de plus en plus devant l’inaction d’Ottawa.

François Legault a d’ailleurs reconnu avoir un « différend » au sujet des frontières avec son homologue fédéral Justin Trudeau. « Je continue de penser que ce n’est pas une bonne idée de continuer à recevoir des touristes étrangers au Canada », a-t-il affirmé. Il a rapporté que Justin Trudeau lui fait valoir les impacts économiques d’une fermeture des frontières pour justifier son refus. « Il m’a parlé des médicaments et de la nourriture, puis ça, je suis d’accord avec lui. Il faut continuer à laisser entrer, par exemple, les camions qui viennent faire des livraisons, mais des touristes étrangers, moi, je pense que ce n’est pas une bonne idée. »

Liste des commerces et des lieux touchés

Secteur culturel : bibliothèques, musées, théâtres, salles de spectacles, toute autre installation à vocation similaire

Secteur des loisirs : bars, discothèques, piscines, spas, saunas, aquaparcs, lieux récréatifs (y compris les stations de ski, mégaparcs, centres de trampoline), cinémas, arcades, centres d’entraînement, gymnases, arénas, centres de soccer intérieur, zoos, aquariums, salles de danse, de spinning, de Zumba, de yoga, toute autre installation à vocation similaire

Les restaurants de style buffet et les cabanes à sucre

Négociations suspendues avec les syndicats

D’un commun accord, les organisations syndicales ont accepté de suspendre leurs négociations avec le gouvernement Legault en vue du renouvellement des contrats de travail des employés du secteur public. La décision a été prise dimanche alors que François Legault a rencontré les représentants syndicaux. Le premier ministre s’est également entretenu avec les fédérations de médecins.

« La négociation est interrompue pour l’instant. […] Évidemment, on a fait part au gouvernement de la collaboration pleine et entière de tous les gens sur le terrain, en première, deuxième et troisième ligne s’il le faut. »

— Caroline Senneville, première vice-présidente de la CSN

« On a vraiment une énergie du gouvernement qui est très ouvert à toute condition, toute mesure pour passer au travers des prochaines semaines. La population du Québec peut compter sur nous, mais par contre, on doit, nous, faire le travail pour s’assurer que nos professionnels vont être là tous les jours. »

— Nancy Bédard, présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec

« [Nos membres] auront à jouer un rôle-clé dans les mesures, les efforts qui sont faits pour freiner la propagation, et on leur réitère tout notre dévouement pour travailler avec le gouvernement afin de s’assurer que les directives soient claires, uniformes et que leur sécurité soit bien protégée. »

— Sonia Éthier, présidente de la Centrale des syndicats du Québec

« On l’a mis au jeu, l’histoire des primes [de rétention dans le secteur public, qui doivent prendre fin le 30 mars 2020], que ce n’était peut-être pas une bonne idée de réduire la rémunération des gens en pleine crise donc, on en reparlera dans les prochains jours avec le gouvernement. » 

— Daniel Boyer, président de la FTQ

« Je pense que le gouvernement n’a pas le choix de faire des aménagements, de travailler avec nous, d’entendre ce qu’on a dire parce qu’il faut que nos gens soient présents, mais présents longtemps. »

— Andrée Poirier, présidente de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux

« On est certains qu’on va être capables de couvrir tous les services essentiels sur le terrain, c’est un minimum requis. […] J’ai 220 médecins spécialistes en isolement, ils sont prêts à servir le réseau, à aider au 8-1-1, à donner des conseils, aider à déployer la téléconsultation. »

— La Dre Diane Francoeur, présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec

COVID-19

Les garderies rouvrent pour les enfants des employés des services essentiels

Québec mandate les garderies et les écoles pour que dès 7 h lundi, des services de garde d’urgence ouvrent leurs portes pour les enfants de ceux qui œuvrent dans le secteur de la santé, mais aussi dans les services essentiels comme les services de police, d’incendies et paramédicaux. Un service qui est offert gratuitement et pour lequel garderies et écoles se sont activées au cours de la fin de semaine.

« J’ai demandé à l’ensemble du réseau d’assurer un service [lundi] matin, d’être prêt à accueillir tous les enfants », a déclaré dimanche le ministre de la Famille, Mathieu Lacombe.

Un appel au volontariat avait été lancé dans les derniers jours, mais parce que la réponse était insuffisante, le gouvernement a demandé à tous les services de garde en petite enfance d’ouvrir pour les enfants des travailleurs jugés essentiels. Le service sera ainsi uniforme partout dans la province, a précisé le ministre Lacombe.

Les parents concernés pourront envoyer leurs enfants dans leur service de garde habituel et ils n’auront pas à payer de frais puisque les services de garde seront pleinement compensés par le gouvernement.

« Pour ceux qui viennent d’apprendre la nouvelle, c’est beaucoup de choses à faire en même temps. Ça génère un vent de questionnements. »

— Geneviève Bélisle, directrice générale de l’Association québécoise des centres de la petite enfance

Les garderies qui ne s’étaient pas portées volontaires auraient « souhaité se préparer un peu plus longtemps ». « Il y a toute une mécanique pour s’assurer qu’il n’y aura pas de contamination avec les effets personnels des enfants qui seront absents pendant une période de temps », poursuit Geneviève Bélisle. Elle estime qu’il faudra quelques jours aux garderies pour savoir combien d’enfants elles accueilleront et refaire des groupes en fonction des inscriptions.

À la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), on se questionne sur le manque de volontaires. « Je ne sais pas si c’est une situation de panique, mais c’est certain que les gens auraient été présents pour aller soutenir les travailleurs de la santé qui ont besoin de service de garde pour leurs enfants », dit Sonia Éthier, présidente de la CSQ.

À la Confédération des syndicats nationaux (CSN), on croit aussi que les travailleurs de la « deuxième ligne » auraient répondu à l’appel pour aider ceux qui sont au front, notamment dans le secteur de la santé. « La déception, c’est qu’on semble être passé un peu de la carotte au bâton. On pense que ce n’est pas aidant dans la situation actuelle », a déclaré Caroline Senneville, première vice-présidente de la CSN.

Dans les écoles aussi

Pour les enfants de 4 à 13 ans, des services de garde seront ouverts dans 400 écoles ciblées par le gouvernement et situées près d’établissements de santé, a annoncé le ministre de l’Éducation Jean-François Roberge. Ils peuvent accueillir jusqu’à 60 000 enfants et seront eux aussi gratuits.

Un maximum de 200 inscriptions sera accepté par école. Dimanche, certains se demandaient comment on éviterait la contamination à la COVID-19 dans de telles circonstances.

« On aurait préféré fermer toutes les écoles et tous les services de garde, parce que dans un service de garde, il y a des gens de plusieurs familles qui se côtoient. Par contre, on fait attention, il n’y aura pas de services de garde avec 250, 300 élèves. »

— Jean-François Roberge, ministre de l’Éducation

Les directions générales des commissions scolaires s’affairaient dimanche à rappeler au travail des éducateurs en service de garde. Tant pour les petits que pour les plus grands, ces services de garde seront ouverts de 7 h à 18 h.

Quant aux travailleurs qui ne peuvent s’absenter, mais qui n’œuvrent pas dans des secteurs jugés essentiels, le ministre de la Famille Mathieu Lacombe a de nouveau appelé à la « solidarité des Québécois, des voisins, des amis ou des jeunes en congé ».

« Ce qu’on demande, c’est de ne pas recréer le modèle de service de garde en milieu familial qu’on vient de fermer, c’est-à-dire accueillir plusieurs enfants de plusieurs familles différentes, un nombre important d’enfants », a-t-il ajouté.

Toutes les écoles fermées lundi

Par ailleurs, bien des commissions scolaires ont dû envoyer dimanche une rectification aux parents après avoir annoncé qu’ils pourraient retourner dans certaines écoles lundi pour y récupérer des effets personnels. Plusieurs ont quitté les écoles jeudi en fin de journée sans se douter qu’ils n’y remettraient pas les pieds pour quelques semaines.

Depuis quelques jours, certaines directions envoyaient donc des courriels aux élèves et parents en indiquant qu’il serait possible de se présenter à des heures bien précises pour venir récupérer les chaussures, livres et autres objets personnels qui auraient été laissés à l’école. Dimanche après-midi, Québec a envoyé une nouvelle directive aux directions pour leur rappeler que les parents n’étaient pas admis d’ici les deux prochaines semaines au moins, et ce, même si des services de garde sont ouverts dans certaines écoles.

Le ministère de l’Éducation a aussi demandé aux cégeps et aux universités de favoriser le télétravail de ses employés. Il les invite par ailleurs à concevoir « des façons d’offrir l’ensemble de leurs activités de formation à distance dans l’éventualité où la fermeture des établissements devait se prolonger ». L’Université du Québec à Trois-Rivières, par exemple, a déjà annoncé son intention de « basculer rapidement en mode virtuel et de poursuivre [ses] activités à distance ».

— Avec Tommy Chouinard et Fanny Lévesque à Québec, La Presse

COVID-19

Bars fermés, restaurants appelés à réduire leur capacité

Les mesures de santé publique viennent d’inclure la fermeture des bars. Les restaurants, eux, peuvent poursuivre leurs activités, en limitant la fréquentation à 50 % de leur capacité actuelle. Les tables doivent désormais être espacées d’au moins un mètre. Mais par souci de responsabilité sociale, plusieurs établissements ont décidé de fermer ou de n’offrir que des plats pour emporter.

Le milieu des bars a accueilli la nouvelle consigne de fermeture des lieux de rassemblement avec un mélange de colère, de résignation et de soulagement. Les uns après les autres, ils ont annoncé la suspension de leurs activités dans les médias sociaux. « Je m’attendais à ce que le gouvernement étende ça aux restaurants, mais c’est sans doute sage de faire les choses progressivement pour ne pas engorger les épiceries encore plus, comme disait [François] Legault », nous a confié Richard Holder, propriétaire du Majestique, du Darling et du Waverly, dont il ferme les portes jusqu’à nouvel ordre.

« Nos employés étaient de plus en plus inquiets pour leur santé, a admis M. Holder. Il y en a une qui m’a écrit qu’elle avait déjà six pneumonies à son actif. Mais l’aspect financier tire dans l’autre sens. Plusieurs de nos employés vivent d’une paie à l’autre. » Richard Holder compte donc mettre son personnel à pied pour qu’il puisse toucher de l’assurance-emploi pendant la durée de la crise.

« C’est la fin de l’hiver, nous venons de vivre notre période la plus creuse de l’année et nous comptions sur le printemps pour nous aider à nous rétablir, déplore David Schmidt, copropriétaire du Bar Pelicano (fermé), du Mal nécessaire (fermé) et du Bar Pamplemousse (à capacité réduite parce que c’est aussi un restaurant), entre autres. Cette situation aura un impact sur les petites entreprises qui n’ont pas un gros coussin financier. Ça va prendre la patience des propriétaires d’immeubles et de l’aide du gouvernement pour régler tout ça. »

Des restaurants qui décident de fermer

Le chef David McMillan a décidé de fermer tous les restaurants du groupe Joe Beef (qui comprend Vin papillon, Liverpool House, Vinette et McKiernan) dès dimanche. À compter de mardi, le McKiernan proposera plats pour emporter et livraison (incluant cidre, bière et vin). Vanya Filipovic, du restaurant Vin mon lapin, tente de convaincre le plus de restaurateurs possible de fermer leur salle à manger. « Ce serait bien que toute la communauté se mette ensemble, nous a écrit la restauratrice et sommelière. J’arrive d’Italie et tout le monde là-bas me le dit : “Ne faites pas comme nous. Prenez ça au sérieux.” »

Ils sont de plus en plus nombreux à prendre la décision d’arrêter d’accueillir des clients sur place : Elena (qui propose ses pizzas pour emporter et livrera sous peu), Nora Gray, Maison Boulud, Beba (en mode à emporter), Candide, Foxy, Un po’ di più, Maison publique, Boxermans, Les Fillettes et Alma, entre autres.

Ayant récemment reçu un don d’organe, le restaurateur Vianney Godbout est sensible à la réalité de ceux qui ont un système immunitaire affaibli. Il a pris la décision de fermer son restaurant de la rue Saint-Denis, Chasse-Galerie, dès lundi.

« Je suis un peu attristé des gens qui minimisent la chose. Il faut se responsabiliser. C’est là qu’il faut agir, mais j’espère rouvrir en grand dès que la courbe sera aplanie. »

— Vianney Godbout, du restaurant Chasse-Galerie

Miser sur les commandes à emporter et les livraisons

Maurice et Paul Holder avaient décidé de fermer temporairement, à compter de samedi, les brasseries Holder et Bernard, le Café du Nouveau Monde ainsi que Le 409. Ce dernier restera cependant ouvert pour les commandes à emporter et les livraisons. Grumman 78, Arthur’s Nosh Bar, Pastaga et plusieurs autres font de même. Pour encourager ses collègues, le chef Martin Juneau a même décidé de commander du takeout dans chacun des établissements indépendants qui offrent cette option afin qu’ils puissent continuer « à faire des sous ».

Cette voie des plats pour emporter risque de connaître une croissance, croit Martin Vézina, responsable des communications et des affaires publiques à l’Association Restauration Québec (ARQ).

« Les livraisons et les commandes à emporter vont peut-être être davantage utilisées, elles font partie des mesures qui peuvent être prises pour minimiser les coûts et le nombre de personnes à l’intérieur du restaurant. »

— Martin Vézina, responsable des communications et des affaires publiques à l’Association Restauration Québec

C’est ce qu’a décidé de faire David Ferguson, chef propriétaire du restaurant Gus. L’établissement sera désormais ouvert de façon plus restreinte, du mercredi au samedi. Une façon de parer à la baisse de fréquentation et au manque éventuel de personnel. L’endroit offrira une grande partie de son menu pour emporter, dont les populaires burgers de son autre commerce, Lou, qui, lui, va fermer ses portes temporairement. « On n’a jamais rien vu de tel, on est un peu sous le choc. On fait ce qui nous semble le mieux dans les circonstances », a-t-il dit.

« Faire preuve de courage »

À Québec, Nina Pizza, qui compte deux succursales, a annoncé vendredi que les commerces fermaient pour une durée indéterminée. Avec ses 60 employés et près de 1250 clients qui passent dans la pizzéria de Saint-Roch chaque semaine, il s’agit pour les propriétaires d’une question de responsabilité sociale. « Ce n’est pas une décision facile à prendre, mais on croit qu’il faut faire preuve de courage. Le message est clair : pour aplanir la courbe, il faut que tout le monde reste chez soi », explique Pénélope Lachapelle, copropriétaire.

Joint vendredi soir, Antonin Mousseau-Rivard, du Mousso et du Petit Mousso, dit être « très aux aguets » et décidera au cours des prochains jours ce qu’il va faire. « C’est une situation qui nous préoccupe extrêmement. On va choisir la fermeture au-delà des pertes si on en vient là. Cette semaine, on a eu de plus petites journées que jamais dans les deux restaurants. C’est très inquiétant, ça rend l’avenir du restaurant incertain, d’autant plus que 30 % de notre chiffre d’affaires est dû aux touristes. »

Olivier de Montigny, chef propriétaire du restaurant La Chronique, était pour sa part rassuré de pouvoir continuer à servir des clients, même si c’est à plus petite échelle. Le restaurant avait déjà décidé d’espacer ses tables et de redoubler d’ardeur quant aux mesures d’hygiène. Cette semaine, il n’ouvrira que jeudi, vendredi et samedi.

« On ne peut pas fermer du jour au lendemain, on a des aliments périssables, des employés qui comptent sur leur paie… »

— Olivier de Montigny, chef propriétaire du restaurant La Chronique

Face à cette situation inusitée, Peter Prince, fondateur des Marchands, a offert aux bars et aux restaurants mal pris d’entreposer gratuitement les surplus de denrées périssables congelables (viande, sauce, sirops, etc.) dans son immense chambre de congélation. L’entreprise, qui fournit un grand nombre de restaurants, bars et événements en glace de première qualité, a vu son carnet de commandes s’effacer dans les derniers jours.

« Tout notre calendrier événementiel a été annulé, nos ventes mensuelles récurrentes aussi, dans une période où on est déjà pas mal moins occupés. Alors tant qu’à être dans cette situation, aussi bien s’entraider ! » a déclaré M. Prince.

D’autres fermetures sont à prévoir, aussi serait-il sage de consulter les réseaux sociaux des restaurants ou de les joindre au téléphone pour en avoir le cœur net.

Le Time Out Market Montréal, le Cathcart et le Central ont décidé de poursuivre, pour l’instant, leurs activités. Au Time Out, on a intensifié les mesures de précaution et réduit le nombre de chaises autour des tables. Le Cathcart, lui, restera ouvert en formule réduite avec seulement le bar, le Biergarten et quelques commerces. Du côté du Central, on réduit les heures d’ouverture et on limite la capacité à 250 personnes, avec l’ajout de désinfectant pour les mains dans les aires communes. Comme pour les restaurants, mieux vaut consulter les pages Facebook de ces foires, pour tout changement, avant de s’y rendre.

COVID-19

Les tribunaux siégeront à huis clos pour les cas urgents

La ministre de la Justice du Québec, Sonia LeBel, a annoncé dimanche soir que pour limiter la propagation de la COVID-19, les audiences devant les tribunaux seraient désormais tenues à huis clos, c’est-à-dire sans la présence de public dans les salles. Seules les personnes dont la présence est nécessaire ainsi que les avocats et les journalistes judiciaires seront admis. La mesure a été annoncée alors que plusieurs avocats s’inquiétaient de voir les palais de justice devenir de potentiels foyers de contagion. La magistrature et le ministère de la Justice ont suspendu plusieurs activités en raison de la pandémie, mais des services d’urgence sont maintenus, notamment les procès jugés « urgents », les comparutions d’accusés détenus et les enquêtes pour remise en liberté. 

— Vincent Larouche, La Presse

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