Énergie

Contrat record de 10 milliards pour Hydro-Québec

C’est le prix très bas de l’électricité et le fait que le projet de la ligne de transport Northern Pass est prêt à démarrer qui ont joué en faveur du choix d’Hydro-Québec pour fournir de l’énergie propre à l’État du Massachusetts pendant 20 ans.

« Nous avions plusieurs bonnes options, mais celle-là sortait du lot », a commenté Judith Judson, du département de l’Énergie du Massachusetts, en annonçant le résultat de l’appel d’offres pour 1200 mégawatts d’énergie verte.

Il s’agit d’un contrat historique pour la société d’État, tant pour la quantité d’énergie que pour le prix obtenu. « Ce sera une source de revenus majeure pour Hydro-Québec », a indiqué sa porte-parole, Lynn St-Laurent, qui a ajouté qu’il était « prématuré » de parler de prix parce que les termes du contrat restaient à négocier.

Hydro-Québec s’est engagée à fournir 9,4 milliards de kilowattheures par année pendant 20 ans au Massachusetts. Le contrat générera quelque 500 millions de revenus annuels, pour un total de 10 milliards de dollars pendant la durée du contrat. Le prix de vente, qui sera ajusté périodiquement, est d’environ 4,5 cents le kilowattheure, selon les informations obtenues par La Presse.

17 %

Proportion de l’électricité consommée par l’État du Massachusetts qui devrait être acheminée par le projet Northern Pass

Quant aux profits, ils dépendront notamment des coûts de transport.

« Le prix significatif [qu’on ne connaît pas] est le prix net reçu par Hydro-Québec, c’est-à-dire le prix reçu par le consortium moins les coûts de transport supportés du côté américain et moins les coûts de transport d’Hydro-Québec du côté québécois », a fait savoir Jean-Thomas Bernard, professeur à l’Université d’Ottawa et spécialiste des questions d’énergie.

Hydro-Québec et son partenaire dans Northern Pass, Eversource, devront construire une ligne de transport de 400 kilomètres (dont 80 au Québec) dont le coût estimé est supérieur à 2 milliards pour acheminer l’électricité aux consommateurs américains. La construction de la ligne, pour laquelle toutes les autorisations nécessaires ont été obtenues, commencera à l’automne 2018, a indiqué hier Hydro-Québec.

Hydro a accepté d’enfouir les 15 kilomètres de cette ligne pour protéger le milieu naturel autour de la municipalité d’East Hereford, en Estrie.

Forte hausse des exportations

Le contrat avec le Massachusetts permettra à Hydro de rentabiliser ses surplus d’électricité et de se rapprocher de son objectif de doubler ses revenus d’ici 2020. Il lui permettra surtout d’augmenter considérablement ses exportations d’électricité. En raison des limites des interconnexions existantes, la société ne peut pas exporter beaucoup plus que 30 térawattheures par année. Les ventes de 9,4 térawattheures par année au Massachusetts, qui transiteront par la nouvelle ligne de transport Northern Pass, lui permettront d’augmenter de quelque 30 % ses ventes sur le marché américain.

Hydro-Québec (2016)

Revenus : 13,3 milliards

Profits : 2,8 milliards

Profits tirés des exportations : 803 millions

Terre-Neuve-et-labrador perd son pari

La proposition d’Hydro-Québec et de son partenaire américain, le projet Northern Pass, a été retenue par le Massachusetts parmi une quarantaine d’autres au terme d’un appel d’offres lancé le 31 mars 2017.

Pour mettre toutes les chances de son côté, Hydro-Québec avait présenté six propositions, dont trois combinant hydroélectricité et énergie éolienne, qui pouvaient être acheminées par trois lignes de transport différentes. La proposition faite conjointement avec Gaz Métro et Boralex, qui aurait fourni 300 mégawatts d’énergie éolienne, n’a pas été retenue.

Nalcor, société d’État de Terre-Neuve-et-Labrador, s’était associée à Emera pour participer à l’appel d’offres du Massachusetts et trouver un débouché pour l’électricité qui sera produite à grands frais une fois son projet Muskrat Falls achevé. Leur proposition n’a pas été retenue, non plus que celle d’Énergie Brookfield, qui était aussi sur les rangs.

Le choix du Massachusetts a fait d’autres mécontents. Les producteurs d’énergie de la Nouvelle-Angleterre ont dénoncé ce qu’ils estiment être un contrat à des prix plus élevés que ceux du marché, qui coûtera très cher aux consommateurs pendant 20 ans. « C’est un jour triste pour la concurrence », a commenté Dan Dolan, président de la New England Power Generators Association, qui regroupe les entreprises qui produisent déjà 80 % de l’énergie de la Nouvelle-Angleterre.

Couillard satisfait

De Shanghai, le premier ministre Philippe Couillard a accueilli la nouvelle avec une satisfaction manifeste, soulignant que le gouvernement du Québec avait été intimement associé à tout le processus des longues négociations qui viennent d’aboutir. « Hydro-Québec produit 200 térawattheures d’hydroélectricité, dont 170 pour la consommation intérieure et 30 pour les exportations. Le contrat vient ajouter 9,4 térawattheures qui vont être dédiés aux exportations », a précisé Philippe Couillard.

Selon le premier ministre, il est trop tôt pour évaluer les retombées financières que ces surplus de vente d’électricité à l’étranger vont générer pour le gouvernement. Il faut d’abord signer l’entente et connaître tous les éléments de la négociation avant d’anticiper toute hausse du dividende d’Hydro-Québec au gouvernement.

Philippe Couillard ne croit pas que l’enfouissement d’une partie de la ligne de transport, tant au Québec qu’aux États-Unis, va raviver le mécontentement des résidants de la région de Saint-Adolphe-d’Howard, qui souhaitent eux aussi qu’Hydro-Québec protège leur environnement. « C’est un câble d’exportation, ce n’est pas une ligne de branchement domestique, comme c’est le cas dans les Laurentides », a rappelé le premier ministre.

— Jean-Philippe Décarie, La Presse

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