Multiplex à Terrebonne

Le coût des permis de construction « explose »

À l’instar de Brossard, Terrebonne va bientôt taxer les logements neufs. Un investisseur l’a appris à ses dépens. La somme à payer pour obtenir son permis de construction va passer de 5000 $ à 35 000 $ pour un immeuble de six logements dans le Vieux-Terrebonne.

Sauf exception, Terrebonne exigera des frais de 5000 $ par logement à son constructeur. À Brossard, la redevance s’élève à 3527 $ par unité. Dans les deux villes, les frais sont payables à la délivrance du permis de construction.

« J’ai deux terrains à Terrebonne », dit Chrystian Gauvin, qui a contacté La Presse après la parution vendredi d’un texte sur la redevance imposée à Brossard. « La facture explose. C’est 30 000 $ de plus pour le permis de construction. Ça représente environ 3 % du coût de construction du six-plex, sans le terrain. La banque n’accorde pas de financement avant l’émission du permis de construction. Je dois avancer l’argent moi-même. Pour un six-plex, c’est encore possible. Mais pour celui qui bâtit 30 logements, la facture commence à augmenter pas mal avant même de pouvoir se faire financer », souligne-t-il.

À l’exemple de Brossard, Terrebonne utilise des pouvoirs que Québec a accordés aux villes en 2016 dans le but de diversifier leurs sources de revenus.

« Terrebonne est en croissance, et cela implique des investissements majeurs pour les infrastructures, se justifie le maire Mathieu Traversy dans une citation envoyée par courriel. Nous avons fait le choix de mettre les promoteurs à contribution pour pouvoir continuer d’améliorer les services. »

« Par ailleurs, une exemption est prévue pour les logements sociaux et abordables afin d’encourager ces constructions dans un contexte de crise du logement. »

– Mathieu Traversy, maire de Terrebonne

L’argent récolté sera déposé dans un fonds qui servira à payer des infrastructures municipales devant desservir les nouveaux résidants. À Terrebonne, la redevance doit servir à financer des dépenses d’infrastructures estimées à 265 millions.

Selon les renseignements transmis par le ministère québécois des Affaires municipales à l’Union des municipalités du Québec (UMQ), 20 villes ont un règlement ou sont en voie d’en adopter un.

Facile d’imposer les futurs citoyens

Pour le pouvoir municipal, imposer une redevance de développement est une façon pratique d’éviter d’avoir à augmenter la taxe foncière, geste impopulaire chez les électeurs.

« C’est plus facile de faire payer des impôts à des citoyens qui n’existent pas que de faire payer des impôts à des citoyens qui existent, parce que les citoyens qui n’existent pas ne votent pas », dit, au téléphone, Jean-Philippe Meloche, professeur et directeur de l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage à l’Université de Montréal.

Pour ses défenseurs, la redevance est une façon de collectiviser une partie de la rente foncière plutôt que de la laisser à 100 % dans les mains du promoteur privé.

Une ville, par ses investissements au fil des ans, crée un environnement propice aux investissements résidentiels. Sans la redevance, le promoteur qui vend avec profit ses logements garde pour lui la totalité de cette rente à laquelle il n’a bien souvent pas contribué. En payant une redevance, le promoteur est obligé de partager une partie de son profit avec la collectivité.

Les villes ontariennes comme Toronto y ont recours abondamment depuis longtemps.

Rendre la densification fiscalement acceptable

Ce mode de taxation a aussi l’avantage, aux yeux de la professeure associée de gestion municipale Danielle Pilette, de rendre la densification plus acceptable aux yeux des résidants existants, car ceux-ci n’auront pas à payer pour les services municipaux des futurs résidants. Pensons à la nécessité d’augmenter la capacité de l’usine de filtration pour desservir un nouveau quartier. Une façon de lutter contre le syndrome « pas dans ma cour », en somme.

La façon dont la redevance est conçue au Québec, un montant fixe par logement basé sur un coût approximatif des services destinés aux nouvelles populations, a l’inconvénient de « surtaxer les projets de haute densité par rapport aux projets de basse densité », fait remarquer le professeur Meloche.

Comment en arrive-t-on à taxer les logements neufs avec une mesure pénalisant davantage les projets de haute densité en pleine crise du logement ?

« Si on avait la possibilité de diversifier autrement les revenus municipaux, s’il y avait un partage plus équitable de l’assiette fiscale, les villes ne seraient pas contraintes d’utiliser ce type de taxation. »

– Daniel Côté, président de l’Union des municipalités du Québec et maire de Gaspé

Le PDG de l’Institut de développement urbain du Québec, lobby des promoteurs, lui donne raison.

« Le gouvernement du Québec devrait intervenir pour financer les villes de manière à ce qu’elles n’aient plus à utiliser un moyen comme celui-là qui vient avec des conséquences : augmenter le prix pour l’accès à la propriété et augmenter le prix pour les portes locatives », critique Jean-Marc Fournier.

Pour le professeur Meloche, le montant des redevances au Québec demeure modeste comparativement à ce qu’on voit en Ontario. « Le gros du problème de l’accès au logement au Québec, il n’est pas dans la fiscalité, mais dans la lourdeur de la réglementation. »

Devimco pris par surprise à Brossard

En raison de ses plans pour la construction de 8000 logements à Brossard, Devimco parle à la Ville toutes les deux semaines, soutient son président, Serge Goulet. C’est pourtant en lisant La Presse vendredi matin qu’il a appris l’existence de la nouvelle taxe de 3527 $ sur les logements neufs. « On tend la main à la Ville. On veut les rencontrer pour discuter des modalités d’application de la redevance. Je suis d’accord comme promoteur pour mettre l’épaule à la roue. Mais pouvons-nous imaginer une application progressive de la redevance comme ce fut le cas avec la redevance servant à financer le REM [Réseau express métropolitain] ? », suggère-t-il.

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