Enivrante Mauricie

La Mauricie n’est pas connue pour son vin ni pour ses spiritueux. Pourtant, à mi-chemin entre Montréal et Québec, quelques producteurs travaillent d’arrache-pied pour mettre en valeur ce terroir parsemé de lacs et de grandes forêts.

Un dossier de Karyne Duplessis Piché

Enivrante Mauricie

La Mauricie n’est pas connue pour son vin ni pour ses spiritueux. Pourtant, à mi-chemin entre Montréal et Québec, quelques producteurs travaillent d’arrache-pied pour mettre en valeur ce terroir parsemé de lacs et de grandes forêts.

Un dossier de Karyne Duplessis Piché

Grande séduction à Saint-Sévère

Le bâtiment rouge du domaine Gélinas détonne dans la campagne verdoyante de Saint-Sévère. Sur la terrasse fleurie, on propose du vin et, depuis peu, plusieurs spiritueux. Mais surtout, l’endroit posé au milieu des champs agricoles procure un sentiment de vacances.

Implanter un vignoble à Saint-Sévère, c’était le rêve de Serge Gélinas. Le géologue de formation cultive la vigne depuis longtemps sur sa terre familiale. Il y a 20 ans, son loisir est devenu un gagne-pain avec l’aide de son fils Frédéric.

« J’ai acheté les terres voisines, explique Frédéric Gélinas. Aujourd’hui, notre domaine fait 60 hectares, dont 15 sont plantés avec de la vigne. »

Les Gélinas ont choisi des variétés hybrides qui résistent mieux au froid, comme le frontenac, le swenson et le marquette. Ils produisent plusieurs cuvées, dont deux blancs secs, parfumés et désaltérants, qui sont parfaits pour l’été.

« Mon père a toujours été passionné de vin, raconte Frédéric Gélinas, mais moi, je suis un amateur de cognac. »

Lorsque la famille a lancé le vignoble, en 2001, il était interdit aux détenteurs de permis artisanaux de distiller et ainsi de produire un alcool semblable au cognac au Québec. Or, la loi a changé en 2015. Il n’en fallait pas plus pour inspirer le producteur.

Un « cognac » québécois

Dans l’arrière-boutique, Frédéric Gélinas montre avec fierté l’alambic avec lequel il prépare une eau-de-vie à base de raisin. Cette boisson est ensuite vieillie plus d’un an en barrique.

« J’utilise le frontenac à cause de son acidité très présente. Je le récolte très tôt. Ça donne un beau profil aromatique et ça ressemble beaucoup à ce qu’ils font à Cognac. »

— Frédéric Gélinas

Tiré à même le fût, l’alcool présente une jolie teinte ambrée. Une fois dans le verre, les yeux du vigneron brillent quand il hume les odeurs de poire flambée, de caramel et de fruits rouges. En bouche, on reconnaît la délicatesse apportée par l’alcool de raisin.

Les fruits du domaine sont également utilisés pour la production d’un autre spiritueux : le gin. Frédéric Gélinas en élabore trois aux profils aromatiques très différents.

Le premier, parfumé à la lavande, est un clin d’œil à sa sœur qui possède l’entreprise Passion lavande située à quelques kilomètres du vignoble. Le deuxième est aromatisé au pimbina. C’est la première fois que ce petit fruit rouge, dont le goût s’apparente celui de la canneberge, parfume un gin. Il apporte beaucoup de fraîcheur à la boisson. « Ma grand-mère récoltait ce fruit quand j’étais petit », relate M. Gélinas.

Enfin, le troisième gin, plus épicé, réunit les aromates préférés du vigneron, dont l’anis étoilé.

Tous les alcools sont offerts en dégustation au domaine. Une fois installé sous le parasol, vous ne voudrez plus quitter l’endroit.

Domaine et vins Gélinas 267, rang de Saint-François, Saint-Sévère

Wabasso, la distillerie de Trois-Rivières

Comme plusieurs distilleries du Québec, Wabasso a pignon sur rue dans un quartier industriel avec peu de personnalité. Cette localisation comporte néanmoins un avantage de taille : la distillerie se situe à moins d’un kilomètre de l’autoroute 40, et l’arrêt en vaut la peine.

Le charme de Wabasso se trouve derrière les baies vitrées de la distillerie. Dans le grand local de la rue Albert-Durand, le petit alambic laisse couler un puissant liquide incolore affichant 80 % d’alcool.

« Goûte ! lance Guyaume Parenteau. C’est tellement parfumé ! »

Guyaume Parenteau et Maxime Vincent ont tous les deux grandi en Mauricie. Ni l’un ni l’autre ne pensait revenir dans la région, et encore moins y démarrer une entreprise. Pourtant, les deux passionnés de spiritueux ont vu l’occasion de se démarquer en fondant la première distillerie de Trois-Rivières en 2017.

Wabasso s’est fait connaître grâce à ses deux premiers gins dont les arômes proviennent de la forêt mauricienne. On y trouve du thé des bois et de l’épinette noire.

Ce qui démarque encore davantage ses produits, c’est l’utilisation de l’eau de source locale, la Radnor, qui permet d’abaisser le taux d’alcool de la boisson à 40 %.

« C’est l’une des plus vieilles eaux de source du Québec qui n’a pas été rachetée par une multinationale. On l’écrit sur nos prêts-à-boire, car c’est important de savoir d’où proviennent les ingrédients et de se soucier de la qualité, même si c’est une boisson en cannette. »

— Guyaume Parenteau

Dans le marché très compétitif des spiritueux québécois, les deux associés ne manquent pas d’idées. Ils s’apprêtent à lancer plusieurs nouveaux produits, dont un gin vieilli. Dans le fond du local, les fûts serviront aussi au vieillissement d’un futur whisky et même à de l’acérum, l’alcool d’érable.

Ils mettront également sous peu en tablette une crème de noisettes sans lactose absolument délicieuse.

En attendant que les règles changent et que la vente de spiritueux sur le lieu de production soit plus rentable pour les distilleries – elles doivent vendre leurs produits au prix de la SAQ –, l’entreprise ne possède pas de salle de dégustation. Les propriétaires accueillent néanmoins les visiteurs sur réservation, et à l’image de l’entreprise, la tournée est décontractée.

Une journée portes ouvertes est prévue le 14 août de 12 h à 17 h.

Distillerie Wabasso 1024, rue Albert-Durand, Trois-Rivières

Dormir au vignoble

Ouvrir les rideaux de sa chambre pour observer les vignes tanguer dans le vent, c’est ce qu’offre le Clos Sainte-Thècle. À une heure au nord de Trois-Rivières, le domaine a aménagé trois dômes au cœur du vignoble, un concept unique au Québec.

Éric Blouin et Annie Trépanier ont acheté le petit vignoble de Sainte-Thècle en 2018. Dès le départ, ils ont voulu offrir un lieu d’hébergement.

« Notre vignoble n’est pas sur la route des vins. Si t’es rendu à Sainte-Thècle, tu voulais venir nous voir ou t'es perdu ! », lance à la blague le vigneron.

Sommelier de formation et vinificateur, Éric Blouin a parcouru les vignes du monde. Après plusieurs années dans l’Ouest canadien, le couple est revenu s’établir au Québec. Il a créé un site digne des plus beaux hébergements construits dans les régions viticoles.

« Les gens s’imaginent qu’ils arrivent dans un prêt-à-camper de la SEPAQ, explique M. Blouin. Ce n’est pas le cas du tout. »

Literie haut de gamme, foyer au bois, toilette avec douche vitrée, odeur de savon créée sur mesure et café torréfié localement, le dôme ressemble à une chambre d’hôtel cinq étoiles. Les vignerons ont même personnalisé des bouchons d’oreille, pratique pour ne pas entendre le train qui passe près du vignoble.

Chaque dôme dispose d’une terrasse et d’un barbecue. Les trois logis partagent un espace extérieur où se trouvent un spa, un sauna et un foyer.

L’endroit possède toutefois un attrait en commun avec les campings des parcs nationaux : le plein air. La location inclut deux vélos à pneus surdimensionnés ainsi que des planches de surf à pagaie en été et des raquettes en hiver.

Les amoureux du vin risquent peut-être d’être déçus. Les bouteilles du Clos Sainte-Thècle sont rares et la production du vignoble est encore trop petite pour permettre à tous les visiteurs d’en acheter sur place. C’est pourquoi le domaine est fermé aux visites.

Clos Sainte-Thècle 171, rue du Vignoble, Sainte-Thècle

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