La parole offerte

Rien de mieux que des mots qui réconfortent, apaisent et stimulent après trois ans de pandémie. La parole des poètes et des dramaturges possède ce pouvoir d’évocation qui émeut et fait réfléchir.

La tendresse comme arme

Louise Dupré nous amène au pays des « rêves vivants » dans ce recueil qui prend le pari de la tendresse face à la barbarie. Entre son enfance et sa fin éventuelle, la poète demeure une « femme avec un avenir », peu importe les pleurs passés. Le chemin a été parsemé de doutes, mais la persévérance a triomphé. « Endormie sous la poussière », la joie est toujours là, laissant le désir désirer encore.

Exercices de joie, Louise Dupré, Le Noroît, 144 pages

Devenir un arbre

De résistance, il est aussi question dans ce livre luxuriant de Mireille Gagné. La romancière et poète se métamorphose en arbre. Droite, enracinée, elle avoue tout de même être « sur le point de craquer » devant les affronts, voire les attaques humaines faites d’asphalte et de roches, d’indifférence et d’urbanité. C’est la sagesse de la forêt qu’elle acquiert avant d’être tronquée et découpée, mais toujours utile, puisqu’« impossible à fendre à la hache ».

Bois de fer, Mireille Gagné, La Peuplade, 112 pages

Le vrai du faux

Dans cette pièce, le dramaturge Guillaume Corbeil se met en scène en tant que faux journaliste enquêtant sur la vraie histoire d’un Californien qui se croyait mi-homme mi-extraterrestre. Aventure loufoque dans une Amérique qui se fait son cinéma. Comble d’ironie, c’est Evelyne de la Chenelière qui jouait le rôle de Corbeil au théâtre. En cette ère de fausses nouvelles, la pièce démontre que vouloir croire à tout prix en n’importe quoi, c’est admettre que c’est faux !

Pacific Palisades, Guillaume Corbeil, Leméac, 72 pages

Puisque l’été reviendra

La comédienne et autrice Louise Bombardier a publié un remarquable premier recueil de poésie. Dans un style accessible, le livre fouille sous la verdure pour découvrir ce qui gît et geint, grince et grogne. La narratrice a beau « garder sa santé devant les avancées de la mort », elle sait que les cauchemars l’attendent tôt ou tard dans le réel. Lucide, elle ne veut qu’une chose : une petite feuille verte qui ferait son bonheur.

Dans le giron vert de l’été, Louise Bombardier, Poètes de brousse, 144 pages

La vie, la vie

Jonas Fortier est probablement « heureux comme un vêtement propre au soleil ». Le poète découvre le monde chaque fois qu’il ouvre les yeux, écoute le vent et entend l’eau couler. Sa poésie, sous des apparences faussement simples, joue brillamment sur tous les tableaux vivants d’une forme de jeunesse éternelle. Les éléments lui rappellent qu’il peut faire bon vivre parce que « tout ce qui flotte fut aimé » et « tout guérit ».

Courbure de la terre, Jonas Fortier, L’oie de Cravan, 96 pages

Mère courage

Finaliste dans la catégorie du meilleur texte aux Prix de la critique 2021-2022, cette pièce documentaire de la comédienne Maude Laurendeau lève le voile sur les situations inextricables dans lesquelles se retrouve une mère ayant une enfant autiste. La machine, c’est un système québécois totalement dépassé par les besoins de la petite Rose. Le combat obstiné de sa mère pour obtenir des services met en lumière la pertinence d’un théâtre documentaire sachant débattre d’enjeux importants.

Rose et la machine, Maude Laurendeau, L’instant même, 124 pages

Femmes debout !

Marie-Hélène Voyer a écrit l’un des beaux recueils de l’année en créant cet hommage à sa mère défunte. Son récit poétique se penche sur le sort des femmes « braves et vives » d’il n’y a pas si longtemps qui ont trimé toute leur vie et qui doivent pourtant demander pardon d’être nées. La poète veille et écrit pour toutes celles-là et les autres qui suivront puisqu’il « est long le travail de vivre ».

Mouron des champs, Marie-Hélène Voyer, La Peuplade, 214 pages

Ver d’oreille

Frédéric Dumont est le poète de l’humilité, celui qui écrit de la grande poésie sans qu’il n’en paraisse rien. « Mon cercueil est ma blague/et ma blague pense », écrit-il. Il y a de l’humour triste et du désespoir joyeux dans tout ce qu’il fait. Ses images étonnantes titillent l’esprit longtemps après qu’on a refermé le livre. Il dit encore chercher son rythme dans ce quatrième recueil. Pas besoin, répondrons-nous, on l’aime comme ça.

Chambre minimum, Frédéric Dumont, Les herbes rouges, 152 pages

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