Maison

Garder le cap, peu importe le lieu

Au cours des deux dernières années, Louise Ménard et Luc Marcheterre ont largué leurs attaches matérielles pour s’offrir le plaisir de voguer pendant plusieurs mois dans les Bahamas. La pandémie a suspendu abruptement leur voyage, en mars dernier, mais n’a pas refroidi leur enthousiasme. Elle a plutôt forcé leur réflexion et raffermi leur désir de poursuivre de plus belle leur quête de liberté.

« Tout a commencé par le rêve de faire de la voile, indique Luc Marcheterre, qui avait goûté à ce sport, plus jeune. Chaque rêve, une fois réalisé, en a inspiré d’autres. »

La COVID-19 a changé leurs plans, les forçant à mettre leur voilier à l’abri à Freeport et à revenir deux mois plus tôt que prévu. Ils ont loué un chalet jusqu’à ce qu’ils puissent intégrer leur pied-à-terre, une roulotte acquise lorsqu’ils ont vendu leur maison dans l’optique d’être absents pendant neuf mois.

« Ce n’était pas trop mon idée, explique Louise Ménard, qui avait pris sa retraite quelques mois avant de partir. Mais c’était la seule façon d’avoir un toit au-dessus de la tête et d’être couvert par une assurance, sans demander à quelqu’un de vérifier régulièrement que tout va bien. »

Ce devait être temporaire : « On était certains qu’on ne resterait pas plus de deux étés dans le terrain de camping », précise-t-elle.

Pour réaliser leur rêve, ils étaient en effet prêts à habiter dans une roulotte quelques mois avant leur départ, en septembre 2019, et à leur retour, le temps de décider ce qu’ils feraient.

Quitter leur spacieuse maison de deux niveaux, à Sherbrooke, n’a pas été facile, admet Luc Marcheterre, qui avait pris un congé sans solde pour mettre le cap vers les Bahamas et prendra sa retraite en juin, à 60 ans.

« J’étais plus attaché aux biens matériels que je le pensais, admet-il. J’étais bien, entouré d’arbres, dans la nature. Mais avec Louise, j’ai ouvert mon esprit au-delà de ma petite forêt et j’ai développé le goût de voyager et de rencontrer du monde. On n’a pas le choix quand on fait de la voile. Dans une marina, il faut se parler. »

Ils ont acheté une roulotte assez récente (2014), de 39 pieds de longueur sur 8 pieds et demi de largeur. « L’intérieur ne fait pas 400 pi2, souligne M. Marcheterre. Mais nous sommes habitués de vivre dans petit. Quand on s’entend bien, il n’y a pas de problème. Dans le bateau, les deux cabines et le carré au milieu où se trouvent la cuisine et la salle à manger totalisent 125 pi2. »

M. Marcheterre, qui mesure 6 pi 2 po, ne peut dormir dans les cabines. Sur le voilier, la nuit venue, la table est donc baissée au niveau des banquettes pour devenir un lit. La salle de bains est par ailleurs très compacte, mesurant 3 pi de largeur sur 5 pi de longueur. Elle ne compte pas de douche, mais il est loin de s’en plaindre.

« On saute à l’eau à volonté et on mange presque toujours dehors près du poste de pilotage, fait-il remarquer. On bouge, on voit du paysage, on relève plein de défis, on se mesure à nous-mêmes. C’est une passion difficile à expliquer. On le fait à deux, en équipe. Faut être soudé et être patient l’un envers l’autre. On s’entend tellement bien. Cela fait 12 ans que cela dure. »

À l’intérieur de leurs moyens

« On n’est pas des millionnaires, précise Louise Ménard, qui vient de passer le cap de la soixantaine. On s’est occupés de nos affaires. Puis on s’est dit que le temps devant nous n’est pas éternel. Si on veut faire quelque chose de wow, il faut s’arranger pour le faire. »

Le premier bateau qu’ils ont acheté, en 2013, a coulé. L’année suivante, ils ont acquis leur voilier, le Lady Lou II, qui vaut environ 30 000 $. De 35 pi de long – ce qui est considéré comme de moyenne dimension –, il a été construit en 1988. Pendant cinq étés, ils ont passé leurs trois semaines de vacances sur le lac Champlain, suffisamment grand pour ne jamais s’ennuyer, affirme la biologiste de formation.

« C’est un véritable plaisir d’être sur l’eau et d’avancer sans moteur, précise-t-elle. C’est comme avoir un chalet au bord d’un lac, sauf qu’on change de place et qu’on voit des paysages différents tous les soirs. »

Il y a aussi l’autre côté de la médaille, qu’elle accepte d’emblée.

« De loin, les voiliers envoient une image idyllique, mais ils exigent beaucoup d’habiletés techniques. Et il y a toujours quelque chose qui casse. Il faut être capable de tout réparer. »

— Louise Ménard

« Heureusement, mon conjoint est bricoleur. J’ai ressorti ma machine à coudre. Un bateau comme le nôtre n’offre pas le même confort qu’une maison. L’eau ne coule pas à volonté. Il faut l’économiser », ajoute Mme Ménard.

Garder le cap

Leur expérience en mer leur a beaucoup servi, cette année, pour faire face avec philosophie aux aléas du destin. En octobre, ils ont en effet découvert qu’une infiltration d’eau sournoise avait entraîné la prolifération de champignons sous le plancher, entièrement pourri, de leur roulotte. Envisageant de la vendre, ils auraient pu être découragés. Ils en ont plutôt profité pour revoir leurs options.

« Tout l’été, on s’est demandé si on voulait acheter une maison ou s’en faire construire une, indique Louise Ménard. On a finalement décidé de rénover la roulotte à notre goût et de la conserver encore quelques années, comme pied-à-terre, pour garder notre liberté. Nous n’avons ni dettes, ni maison, ni taxes à payer. Nous ne sommes pas obligés d’entamer nos économies pour avoir une vie cool. »

La liberté ne vient pas sans compromis, tempère-t-elle. « Ces compromis nous permettent d’ouvrir des portes pour une vie que plusieurs nous envient. Mais il a fallu faire des choix. Nous avons choisi une roulotte d’occasion plutôt qu’une auto neuve. Avoir moins d’attaches matérielles et d’obligations apporte une légèreté d’esprit. On peut se retourner facilement. »

Ils comptent récupérer leur voilier à Freeport pour l’amarrer dans une marina en Floride. En attendant, ils louent un condo d’environ 500 pi2, à Magog, et y trouvent leur bonheur, admirant les couchers du soleil et se sentant en vacances dans une municipalité qu’ils trouvent charmante. Ils se sont aussi fait plaisir pendant l’été en achetant un petit voilier (pas cher) et ont commencé à montrer les rudiments de la voile aux aînés de leurs petits-fils. Chacun a en effet des enfants, devenus grands.

« Il faut voir plus loin et garder l’objectif final en vue », indique Louise Ménard. « Nos choix ont un sens, renchérit Luc Marcheterre. Nous construisons nos rêves au fur et à mesure. En les réalisant, cela nous encourage à continuer. »

Ils ont déjà commencé à rêver à un plus grand voilier, qui comporte une douche et une cabine suffisamment spacieuse pour y dormir...

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.