Pandémie de COVID-19

Retour vers la « normalité » (et leçons à tirer)

Le gouvernement fédéral a levé samedi les dernières restrictions à la frontière. L’Organisation mondiale de la santé, qui recense de moins en moins de morts, voit poindre la fin de la pandémie. Et globalement, la COVID-19 occupe moins de place dans nos vies, dans nos têtes. Est-ce que le retour à la normale tant espéré s’installe enfin ? À la veille de la saison froide, cinq experts nous répondent.

Caroline Quach, pédiatre et microbiologiste-infectiologue au CHU Sainte-Justine

« En partie, je pense. On est quand même une grande proportion de gens qui ont été vaccinés, avec au moins une dose de rappel, et qui ont en plus attrapé la COVID-19. On s’attend à ce que le virus revienne et qu’il nous cause encore des infections respiratoires, mais en théorie beaucoup moins sévères que ça ne l’a été en 2020. Maintenant, est-on capable d’apprendre des leçons de la pandémie des deux dernières années et d’adopter des comportements qui préviennent la COVID-19, mais en même temps les autres virus respiratoires ? [...] On s’en vient de plus en plus vers une vie normale, mais il ne faudrait pas laisser les plus immunodéprimés pour compte. C’est toujours là que l’équilibre est difficile à atteindre. »

Laurence Monnais, professeure titulaire au département d’histoire de l’Université de Montréal

« Dans l’histoire des pandémies, on peut identifier la période où ça émerge, mais on a rarement une date de fin. Oui, les hospitalisations et les décès sont en baisse – et tant mieux –, mais le nombre de cas continue à osciller. Et ce n’est pas parce qu’on n’est plus en contexte d’urgence que la menace a disparu. [...] Dire que la pandémie est finie, qu’on retourne à la forme, ça arrange les hommes politiques, parce que ça évacue ce qui ne va pas bien depuis la pandémie : l’inflation, l’accroissement des inégalités sociales... Et qu’en est-il de ceux et celles pour qui le virus est devenu une maladie chronique handicapante ? Les moments d’urgence sanitaire sont des occasions de réflexion sur ce qui s’est passé et sur ce qu’on a mal fait. Quand j’écoute les discours des politiciens en campagne électorale, rien n’est dit sur la santé publique, alors que c’est le moment d’en parler. Parce que cette pandémie n’est pas la dernière. »

Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec

« D’une certaine façon, oui, il y a une certaine normalité qui est revenue, parce qu’on va dans les salles de spectacle, on se promène dans les rues, on n’a pas peur d’entrer dans l’ascenseur avec quelqu’un qui ne porte pas le masque. Avec la vaccination et la diminution du nombre d’hospitalisations et de morts, la COVID-19 est quelque chose qui nous semble moins grave. Mais la société, elle, s’est quand même transformée. Ce qui me semble le plus apparent, ce sont les transformations dans le monde du travail, et aussi les esprits qui sont moins tolérants. Une fatigue psychique est restée. Dans les cabinets, les demandes de consultation désespérées continuent de foisonner. »

La Dre Cécile Tremblay, professeure titulaire au département de microbiologie, immunologie et infectiologie de l’Université de Montréal

« Il faut rester prudent et, surtout, ne pas oublier les leçons qu’on a apprises. Il est très difficile de dire si on va vivre une autre vague ou pas, mais on sait que le microbe demeure dangereux pour les personnes non vaccinées, pour les personnes âgées, pour les personnes avec des maladies chroniques et celles dont l’immunité est compromise. Ça, ça va demeurer, et on sait qu’il faut protéger ces populations-là. On sait aussi que, quand on a un virus respiratoire, c’est mieux de ne pas être en public ou de porter un masque si on doit l’être. On sait que le lavage de mains, ça fonctionne. [...] Si on garde ces réflexes, et si la vaccination continue d’être mise à jour tant que les souches vont varier, je pense que la normalité va revenir au cours de la prochaine année. »

Roxane de la Sablonnière, directrice du Laboratoire sur les changements sociaux et l’identité à l’Université de Montréal

« Je pense qu’on pourrait répondre oui et non à la question. Oui, pour certaines habitudes qui sont revenues comme elles étaient – les gens dans le métro sont tout aussi tassés les uns sur les autres qu’ils l’étaient il y a trois ans. On voit qu’il y a eu un retour à la vie d’avant, d’une certaine façon. On en entend moins parler dans les médias, aussi. Par contre, il y a peut-être quelque chose qui, je crois – et j’espère –, va rester : on a pris conscience que de grands bouleversements peuvent aussi se passer ici, au Canada, au Québec. Cette prise de conscience de notre vulnérabilité est importante, mais elle peut aussi nous fragiliser. Il faut s’en protéger pour continuer à avancer, pour continuer à s’engager et à travailler vers un monde meilleur. »

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