Idées d’ailleurs 

Devrait-on brûler les ordures pour produire de l’énergie ?

Au Québec, l’industrie du recyclage est en crise. Trop souvent, les ordures vont engraisser les dépotoirs. Pendant ce temps, la Suède recycle presque 100 % de ses déchets domestiques. Son système est tellement efficace qu’elle doit… importer des ordures pour produire de l’énergie !

Le problème

La piètre performance du Québec en matière de gestion des ordures

la solution

En Suède, la presque totalité des ordures est recyclée, compostée ou incinérée pour alimenter le pays en énergie.

Dans la toute dernière scène du film Back to the Future, un Doc Brown à l’air plus illuminé que jamais fouille dans les poubelles, puis jette un tas d’ordures dans sa mythique DeLorean sous le regard éberlué de Marty McFly. « Je fais le plein ! », lance-t-il.

Science-fiction ? Bien sûr. Mais le concept est loin d’être une fantaisie en Suède, où la presque totalité des ordures qui ne sont pas recyclées ou compostées est transformée en énergie servant à éclairer et chauffer les foyers du pays.

Là-bas, les ordures valent de l’or. Elles sont si prisés que la Suède doit en importer pour alimenter ses usines d’incinération. En 2016, 2 millions de tonnes de matières résiduelles ont été transformées en énergie. Presque autant ont été importées, surtout de la Norvège, mais aussi du Royaume-Uni, de l’Irlande et d’ailleurs.

La cerise sur le gâteau, c’est que ces pays paient la Suède pour que cette dernière les débarrasse de leurs déchets !

Coût environnemental faible

Bien sûr, les Suédois ne jettent pas tout pêle-mêle aux ordures. Au contraire. Dans une autre manifestation de l’efficacité à la suédoise, environ 35 % des déchets sont recyclés, alors que 15 % sont compostés. Les 50 % de déchets restants sont expédiés dans l’une des 32 usines d’incinération du pays.

Le coût environnemental de cette combustion est faible par rapport aux gains réalisés, plaident les autorités suédoises. D’abord parce que les dépotoirs à ciel ouvert rejettent du méthane, un gaz à effet de serre dévastateur pour l’environnement.

Mais aussi parce que les Suédois sont, encore une fois, efficaces. Selon le gouvernement, les émissions de métaux lourds dans l’atmosphère ont ainsi chuté de 99 % depuis 1985, bien que le pays incinère trois fois plus de déchets aujourd’hui qu’à l’époque de Back to the Future

Sources : Sweden Sverige, Association suédoise de la gestion des déchets et du recyclage (Avfall Sverige)

L’avis de l’expert

Au Québec, cette idée devrait être… rejetée

Karel Ménard Directeur général du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets

Selon Karel Ménard, l’incinération des déchets est à proscrire au Québec, pour au moins trois raisons :

1. LE QUÉBEC N’A PAS BESOIN D’ÉNERGIE

« Nous avons de l’hydroélectricité à profusion, dit M. Ménard. On vend de l’énergie à l’étranger et on paye même des entreprises pour ne pas qu’elles en produisent ! » Aux prises avec d’importants surplus, Hydro-Québec verse par exemple 120 millions par année à TransCanada Énergie pour qu’elle garde fermée sa centrale au gaz naturel de Bécancour. « De plus, les coûts d’enfouissement sont moins élevés au Québec qu’en Europe. Si la Suède paie 10 fois plus cher pour enfouir ses déchets, la récupération d’énergie par incinération peut être tentante pour ce pays. »

2. L’INCINÉRATION POLLUE

« L’incinération crée des polluants. Même les nouvelles technologies créent des polluants organiques persistants (POP), qui sont extrêmement dangereux pour l’être humain », dit Karel Ménard. L’incinération génère aussi des cendres toxiques qui doivent être recueillies dans… des dépotoirs ! Autrement dit, « on paye deux fois pour éliminer les déchets ». Il est vrai que l’incinération ne produit pas de méthane, ce polluant toxique provoqué par la décomposition des matières organiques dans les décharges. Cela dit, les dépotoirs québécois disposent de capteurs de méthane.

3. L’INCINÉRATION DÉTRUIT LES RESSOURCES

« L’incinération est une destruction des ressources. Vaut mieux les recycler, tranche Karel Ménard. Les incinérateurs sont gérés par des sociétés privées qui ont besoin de déchets de façon régulière pour faire rouler la machine. En Suède, cela veut dire l’importation. Comment conseiller à la population de recycler et de réduire ses déchets lorsqu’on a besoin de les brûler en vertu de contrats avec une entreprise qui demande un approvisionnement fixe pour rentabiliser ses opérations ? C’est incompatible avec une gestion écologique des déchets. »

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