The Little Mermaid

Replonger dans ses souvenirs (une fois de plus)

La formule a été (sur)utilisée par Disney dans les dernières années. Le prolifique studio puise dans sa réserve de films d’animation à succès pour créer une nouvelle adaptation en prises de vues réelles. Après Cinderella, Beauty and the Beast, Aladdin, The Lion King et Mulan (pour ne nommer que ceux-là), c’est au tour de The Little Mermaid de prendre vie au cinéma.

Si d’un côté on déplore le manque d’originalité de cette démarche qui semble destinée à engranger des recettes au box-office, d’un autre côté, on se surprend à redécouvrir avec grand plaisir l’histoire d’Ariel qu’on avait tant aimée enfant.

Dès les premières minutes, lorsqu’on plonge sous l’océan parmi les coraux et les poissons, on s’émerveille de voir des sirènes « en chair et en os ». Une émotion liée à des souvenirs d’enfance, on s’en doute bien.

Dans les salles de cinéma, gageons toutefois que de nombreux jeunes spectateurs auront eux aussi les yeux brillants à la vue de ces créatures légendaires, surtout lorsqu’ils verront Ariel, incarnée par Halle Bailey.

L’actrice de 23 ans est épatante lorsque vient le temps de pousser la note dans ce film qui s’apparente à une comédie musicale. Alors que son personnage rêve de s’émanciper et de vivre sur la terre ferme aux côtés de l’homme qu’elle a sauvé de la noyade, elle offre une interprétation remarquable de Part of Your World.

Dans le rôle de la méchante Ursula, Melissa McCarthy nous impressionne également par son talent de chanteuse. Lorsqu’elle propose un marché machiavélique à Ariel en échange d’une apparence humaine, Ursula est terrifiante en entonnant Poor Unfortunate Souls. En raison de cette scène, on déconseille d’ailleurs le film aux tout-petits.

Ajouts intéressants

Si cette adaptation suit de manière plutôt fidèle le fil narratif du film de 1989, on y trouve tout de même des ajouts intéressants.

D’abord, comme en ont fait état les médias dans les derniers mois, The Little Mermaid fait place à une grande diversité, tant parmi les personnages principaux que secondaires.

De nouvelles scènes montrent l’évolution de la relation entre Ariel et le prince Éric (Jonah Hauer-King), qui dépasse désormais la simple attirance physique. On les voit partager des intérêts communs, ce qui est plutôt essentiel lorsqu’on envisage de former un couple.

Le personnage du jeune héritier, discret dans le film d’animation, gagne légèrement en profondeur alors qu’on découvre sa passion pour les voyages et l’aventure, notamment à travers l’une des trois nouvelles chansons signées par Alan Menken et Lin-Manuel Miranda.

Inévitable comparaison

Comme pour toute adaptation, la comparaison entre le nouveau film et l’original est inévitable.

Dans ce cas-ci, le recours à la prise de vues réelles et aux images de synthèse permet de montrer la beauté et l’immensité des fonds marins.

Les scènes où la mer se déchaîne comptent parmi les plus belles du long métrage. Il faut dire que le réalisateur Rob Marshall a acquis de l’expérience en la matière lors du tournage de Pirates of the Caribbean : On Stranger Tides.

Cette envie de s’approcher du réel n’apporte cependant pas que du bon. L’aspect attachant des deux camarades d’Ariel, le crabe Sébastian (Daveed Diggs) et le poisson Barboteur (Jacob Tremblay), a complètement disparu dans cette adaptation. Heureusement, leur apport comique, lui, est resté intact. Avec l’oiseau Écoutille (Awkwafina), ils provoquent les rires à plus d’une reprise.

Comme son prédécesseur, le long métrage constitue un bon divertissement familial que de nombreux fans de la première heure prendront plaisir à écouter avec leur progéniture. On se demande toutefois s’il est nécessaire de recréer en prises de vues réelles tous les films d’animation de Disney. À cette question, les studios semblent répondre par l’affirmative puisqu’un nouveau projet est déjà en préparation : Moana.

Film d’aventure

The Little Mermaid

(V. F. : La petite sirène)

Rob Marshall

Halle Bailey, Jonah Hauer-King, Melissa McCarthy

2 h 15

En salle

7/10

Critique de You Hurt My Feelings

Attachante banalité

Une auteure peu sûre d’elle-même se sent trahie par son mari lorsqu’elle entend par accident ce qu’il pense vraiment de son travail. Ce couple fusionnel navigue dans cette phase rocailleuse de sa relation autrement paisible.

Il ne se passe pas grand-chose dans You Hurt My Feelings, plus récent long métrage de la réalisatrice Nicole Holofcener (The Last Duel, Can You Ever Forgive Me ?). C’est cette représentation vive d’un conflit banal, d’une situation sans grand intérêt, qui fait sa force. Il n’y a pas de rebondissements, rien à se mettre sous la dent pour ceux qui aiment les films qui les rivent à leur fauteuil et pourtant, l’histoire de Beth (Julia Louis-Dreyfus) et Don (Tobias Menzies) nous charme. Les dialogues sont réalistes et souvent amusants. Les scènes du quotidien deviennent captivantes dans l’œil de la réalisatrice.

La raison principale de cet intérêt est la facilité que l’on a, en tant que spectateur, à comprendre la querelle sur laquelle se base l’intrigue. L’ego, la confiance, la trahison... tous ces thèmes se recoupent dans ce moment où Beth entend Don avouer à un de leurs proches qu’il n’a pas aimé le nouveau livre de sa femme. On ne peut s’empêcher de s’imaginer alors quelle serait notre propre réaction. Celle de Beth est intense, mais on compatit avec elle. Le jeu de Julia Louis-Dreyfus transmet bien ces émotions fortes que ressent son personnage.

Tobias Menzies (The Crown, Outlander) est fantastique dans le rôle de Don, un homme qui ne fait pas de vagues, qui se questionne sur ses capacités de psychologue et se sent rattrapé par le temps qui passe. Autour du couple codépendant, on retrouve son fils Elliott (Owen Teague), l’attachante sœur de Beth, Sarah (Michaela Watkins), le mari de cette dernière, l’acteur raté Mark (Arian Moayed). Cet écosystème, une famille normale aux problèmes normaux, complète bien la dynamique de Beth et Don.

Présenté en première au festival de Sundance à la fin de l’hiver, You Hurt My Feelings est un film introspectif, qui parvient à faire rire, à générer de la compassion et à faire réfléchir à nos propres ego et relations. Il faut du talent pour faire du banal quelque chose de divertissant. Nicole Holofcener y parvient joliment.

Comédie dramatique

You Hurt My Feelings

Nicole Holofcener

Avec Julia Louis-Dreyfus, Tobias Menzies et Michaela Watkins

1 h 33

En salle

7,5/10

L’immensità

Un lustre trompeur

Clara et Felice viennent d’emménager dans un nouvel appartement. Rien ne va plus dans leur mariage et leurs trois enfants sont la seule chose qui les garde ensemble. L’aînée, qui vient d’avoir 12 ans, est née dans un corps qui ne lui correspond pas et tente de convaincre son entourage qu’elle est un garçon, ce qui fragilise l’équilibre précaire de la famille.

Certains seront tentés de dire, en voyant L’immensità (L’immensité), nouveau film d’Emanuele Crialese (Respiro), que l’on a encore plaqué sur le passé des concepts du présent. En l’occurrence, le questionnement sur l’identité de genre. Ce serait faire abstraction du fait que cette histoire est, en grande partie, celle qu’a vécue le cinéaste italien au début de l’adolescence.

L’immensità est une chronique familiale, campée à Rome dans les années 1970, à propos des Borghetti, couple marié à la dérive et ses trois enfants. Adriana (Luana Giuliani), l’aînée délurée de 12 ans, tient à ce qu’on la traite comme un garçon, même si elle est née dans un corps de fille. On la surnomme Adri, mais elle préférerait qu’on l’appelle Andrea, un prénom masculin en Italie.

Comme elle semble être une énigme pour les gens qui l’entourent, Adri est convaincue qu’elle a été envoyée sur terre par des extraterrestres. Sa plus grande complice est sa mère, Clara (Penélope Cruz), malheureuse en ménage et dépressive, qui étouffe dans le modèle de famille traditionnelle italienne, encore plus machiste à l’époque. Clara ne peut laisser libre cours à sa fantaisie et à ses élans de liberté réprimés qu’en présence de ses enfants, qui sont à la fois sa bouée et son carcan.

Le film d’Emanuele Crialese se joue essentiellement sur deux tableaux : celui de la fille qui se sent fils – et qui découvre les premiers émois amoureux –, et celui de la femme au foyer au bord de la crise de nerfs, qui n’aime plus son mari. Penélope Cruz, qui joue en italien ce personnage d’immigrante espagnole à Rome, est particulièrement lumineuse.

Sans doute en raison de la forte présence de la comédienne, l’hommage de Crialese à sa propre mère, et à la jeune fille qu’il a été, m’a semblé avoir au départ des semblants d’accents d’Almodóvar. Il y a aussi cette jolie scène, d’entrée de jeu, où Clara fait semblant de chanter en dansant avec ses enfants, pendant qu’ils mettent le couvert selon une chorégraphie bien précise, au son d’une vieille chanson pop italienne.

Malgré ses atours vintage de mélo charmant, L’immensità n’est pas un film léger. Il y est question de violences conjugales, physiques et psychologiques, et de désarroi d’une jeune fille devant un constat : le corps dans lequel elle est née n’est pas celui qui lui correspond.

Plusieurs séquences musicales, intermèdes rétro pour la plupart oniriques, permettent heureusement au récit de respirer. Adri s’imagine notamment sur le plateau d’une émission de variétés italienne, où elle se substitue au chanteur rock Adriano Celentano et sa mère, à la diva pop de l’époque, Rafaella Carrà.

Grâce à une mise en scène particulièrement soignée et élégante, le premier film d’Emanuele Crialese en 11 ans, présenté l’an dernier en compétition à la Mostra de Venise, se distingue favorablement de la plupart des récits d’apprentissage nostalgiques. Ce film coscénarisé par Crialese est en revanche plutôt lisse, au regard de la lourdeur des sujets qu’il traite. Comme si le polaroïd que le cinéaste avait gardé de sa jeunesse pourtant difficile avait conservé un lustre trompeur.

L’immensità (L’immensité) est présenté en version originale en italien avec sous-titres anglais, avec sous-titres français et doublé en français.

Drame

L’immensità (L’immensité)

Emanuele Crialese

Avec Penélope Cruz, Luana Giuliani, Vincenzo Amato

1 h 37

En salle

7/10

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