Mon clin d'œil

Les trentenaires se font vacciner, on va enfin avoir des selfies bien cadrés.

Opinion : Parc Jean-Drapeau

Une question d’équilibre

Depuis sa publication, le 14 avril dernier, le nouveau plan directeur de conservation, d’aménagement et de développement du parc Jean-Drapeau 2020-2030 a suscité l’enthousiasme de nombreuses organisations de la collectivité montréalaise.

Dans ce concert d’éloges, les géants de l’événementiel ont cependant rapidement fait entendre une voix discordante. Le Groupe CH, dont la division evenko organise les festivals Osheaga, îleSoniq et Lasso, ainsi que le Regroupement des évènements majeurs internationaux (RÉMI), se sont exprimés sur plusieurs tribunes, tantôt pour menacer de quitter l’île Sainte-Hélène, tantôt pour remettre en question le processus ayant mené au nouveau plan directeur en allant même jusqu’à le qualifier de « bidon ». Mais qu’est-ce qui ébranle tant ces géants ?

Un plan axé sur la transition écologique et la résilience

Alimenté par un processus consultatif exemplaire mené par l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM), le nouveau document maître du parc Jean-Drapeau incarne un changement de cap salutaire par rapport aux dernières décennies.

Il met un terme à des années de dégradation des actifs des îles et vient positionner le parc comme un modèle de développement, d’aménagement et de gestion durables.

En balisant mieux les différents usages, en diminuant la part modale de l’automobile, en magnifiant la nature par des aménagements époustouflants, en aménageant de précieux accès physiques et visuels au fleuve Saint-Laurent, il assure une mise en valeur efficace et résiliente du territoire, des équipements et des patrimoines (naturel, culturel et bâti).

Le plan ne vise nullement l’interdiction de la tenue de grands évènements. Il contribue plutôt à redonner au site sa vocation première de grand espace vert public. En encadrant la tenue des grands rassemblements, il répond aux défis de notre temps (crise climatique, effondrement de la biodiversité, besoin d’espaces verts de qualité, inclusivité, etc.), tout en assurant la protection et la mise en valeur des patrimoines naturels, architecturaux et historiques qui font du parc Jean-Drapeau, à l’instar du parc du Mont-Royal, un joyau métropolitain.

Preuve que les évènements occupent une place dans la programmation du parc, des investissements de 75 millions de dollars sont prévus pour le réaménagement de la place des Nations en vue entre autres d’accueillir jusqu’à 7000 personnes. Cette somme s’ajoute aux 130 millions et plus investis au cours des dernières années pour des infrastructures directement associées à la tenue de grands rassemblements : l’Espace 67 et son amphithéâtre, les paddocks de la F1.

Un privilège, pas un droit

Tenir des évènements de grande envergure dans un cadre si prestigieux n’est pas un droit acquis ; c’est un privilège. Il était temps de tracer la ligne à ne pas franchir et de mettre un terme à la dégradation de l’écrin qui constitue la plus-value même des évènements. Dans ce sens, nous sommes en total accord avec la volonté de protéger la plaine des Jeux, de la renaturaliser et ainsi de venir consolider le noyau de verdure et de biodiversité à proximité du mont Boullé.

Le nouveau plan n’est pas un avis d’expulsion des grands rassemblements, mais une invitation à se mettre au diapason de l’époque, à « se réinventer », pour reprendre une expression popularisée au cours de la pandémie.

Le rétablissement du parc Jean-Drapeau comme fleuron de l’aménagement durable est une aventure excitante et porteuse pour la métropole. Espérons que l’ensemble des parties prenantes, y compris les grands de l’événementiel, choisiront de s’inscrire en leaders volontaires dans cette histoire, en non en antagonistes.

* Cosignataires :  Diego Creimer, relations gouvernementales à la Société pour la nature et les parcs (SNAP Québec) ; Claudel Pétrin-Desrosiers, médecin, présidente de l’Association québécoise des médecins pour l’environnement ; Julie Roy, responsable de la mobilisation citoyenne à la Fondation David Suzuki ; Pierre Papillier, directeur général d’Habitat 67 ; Linda Collette, membre fondatrice des Amis du quai de l’Horloge ; Christine Caron, présidente de l’Association des résidants du Vieux-Montréal ; Sylvain Gariépy, président de l’Ordre des urbanistes du Québec ; Isabelle Giasson, présidente de l’Association des architectes paysagistes du Québec ; Caroline Magar, responsable du développement au Québec des Amis des parcs

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