Le théâtre s’en va-t-en classe

La pandémie a forcé la fermeture des salles de spectacle, y compris celles dont la programmation est destinée à un jeune public. Qu’à cela ne tienne. Des théâtres s’invitent dans les classes pour offrir – en présentiel ou en virtuel – des ateliers d’art vivant aux élèves des quatre coins du Québec. La Presse a assisté à l’un de ces ateliers, offert par la Maison Théâtre.

Ils sont six. Six élèves de 1re à 3année, regroupés dans la classe de Mélanie Bourque à l’école primaire de Saint-Léandre, près de Matane. Parce que trop de kilomètres les séparent de Montréal, Charles-Augustin, Dalie « avec-un-e », Florence et les autres n’ont jamais assisté à un spectacle de la Maison Théâtre. Mais en ce matin de décembre, c’est la Maison Théâtre qui vient vers eux en la personne de Catherine Ruel, artiste-médiatrice. Par écrans interposés, cette dernière leur présentera un atelier sur les émotions et la façon de les interpréter avec gestes et mimiques.

Pendant 50 minutes, les élèves vont bouger, danser et écouter de la musique qui fait sourire, qui fait pleurer, qui fait peur… Ils vont prendre la pose de statues joyeuses ou apeurées, mélanger toutes les émotions dans une chorégraphie dirigée par Catherine Ruel de sa cuisine de Villeray. Et surtout, ils vont rire. Beaucoup.

« Les enfants ont adoré. L’activité faisait partie de notre calendrier de l’avent et, selon Dalie, c’était la meilleure activité de la semaine ! », s’exclame l’enseignante Mélanie Bourque.

« L’atelier donne vraiment aux enfants un espace pour exprimer leurs émotions par le corps, dit l’artiste Catherine Ruel. C’est aussi un moment de liberté dans une situation où, en raison de la COVID, il y a beaucoup de consignes à respecter. »

La comédienne et médiatrice offre des ateliers de théâtre en milieu scolaire depuis 15 ans. Selon elle, ces ateliers culturels sont essentiels pour les élèves.

« Offrir un espace de culture, c’est très important. J’offre fréquemment des ateliers dans le quartier Côte-des-Neiges et je vois les enfants évoluer. Ils sont de plus en plus capables de nommer leurs émotions et de pousser leur réflexion sur une pièce de théâtre. »

— Catherine Ruel, comédienne et médiatrice

« C’est impressionnant quand on réalise que plusieurs ne parlent pas français en arrivant à l’école, poursuit la comédienne. Les élèves développent aussi un sentiment de communauté, puisqu’ils s’expriment, réfléchissent et créent en groupe. Et au premier cycle du primaire, la créativité est souvent au rendez-vous ! »

Un accès à la culture compliqué

Pour les 14 élèves qui fréquentent l’école primaire de Saint-Léandre, l’accès à la culture n’est pas chose aisée, dit Mélanie Bourque. « Dans une région rurale comme la nôtre, on n’a pas tellement accès à des services culturels. Avec la COVID-19, il y en a davantage. C’est bien, car plusieurs sorties scolaires et les cours de natation ont dû être annulés à cause de la pandémie. »

« J’ai le souci de faire vivre des expériences enrichissantes aux élèves malgré le contexte actuel, pour que leur parcours soit le moins perturbé possible. »

— Mélanie Bourque, enseignante à l’école primaire de Saint-Léandre, près de Matane

Afin de préparer ses élèves à l’atelier, l’enseignante leur a fait regarder trois extraits de pièces de théâtre jeunesse et d’autres vidéos fournies par la Maison Théâtre. Cette matière pourrait resservir plus tôt que tard, dit-elle. « Comme enseignante au primaire, j’ai été formée en mathématiques et en français, mais je ne suis pas une spécialiste des arts. Cet atelier m’a donné des idées à exploiter dans mes cours d’art dramatique. Contrairement à une pièce de théâtre où les comédiens viennent et repartent, ce n’était pas que du divertissement ; c’était vraiment formateur pour moi ! »

De nouveaux ateliers

Les ateliers offerts dans les écoles jusqu’en mai 2021 sont totalement nouveaux pour la Maison Théâtre. « Auparavant, les ateliers scolaires offerts étaient toujours en lien avec les spectacles qu’on présentait », explique Sophie Labelle, directrice artistique de la Maison Théâtre. « En mai, alors que la salle était fermée, on a fait une réflexion sur ce qu’on souhaitait faire. On avait une responsabilité envers l’équipe de médiation, qui se retrouvait sans travail, mais on s’est aussi interrogés sur la façon de faire pour que les jeunes gardent un contact avec les arts vivants. On a toujours eu à cœur de répondre aux besoins socioémotionnels des jeunes par un accès aux arts. »

Au cours du processus, des enfants, des adolescents et des enseignants ont été consultés. Le théâtre de la rue Ontario Est a ainsi créé trois ateliers distincts : deux pour le primaire (premier cycle et deuxième cycle) et un pour le secondaire.

Aux Écuries aussi

La Maison Théâtre n’est pas la seule à offrir des ateliers de théâtre aux écoles pendant la pandémie. Le Théâtre Aux Écuries propose aussi plusieurs ateliers scolaires destinés à des élèves de niveaux primaire et secondaire, mais aussi collégial et universitaire. Au total, 10 ateliers virtuels différents étaient offerts cet automne ; deux nouveaux s’ajouteront en janvier. « Le champ est vaste », explique Sylvie Pouliot, responsable du développement des publics et de la médiation aux Écuries. « Il y a notamment des ateliers d’écriture spontanée, de théâtre de mouvement, d’improvisation, d’histoire des Premières Nations et même une introduction aux techniques de la scène. Ces ateliers peuvent être présentés dans le cadre d’un cours d’art dramatique, mais aussi de français ou d’histoire. » « La beauté du virtuel est qu’on peut couvrir le Grand Québec. Nous sommes même en contact avec des écoles francophones de l’Ontario. Lorsque la vie reviendra à la normale, ces ateliers pourraient rester. Ils sont importants pour préparer les spectateurs de demain et servent à briser les murs pour que les jeunes se sentent chez eux au théâtre… »

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