L’Europe à sec

La chaleur extrême continue de s’abattre sur de nombreux pays européens. Les niveaux d’eau baissent, dans les réservoirs comme dans les fleuves. Avec les nouvelles réalités climatiques, le rapport de la population et des gouvernements à l’or bleu doit maintenant changer, préviennent les experts.

Nouvelle vague de chaleur au Royaume-Uni

Le Royaume-Uni a peut-être une image d’endroit gris et pluvieux, mais le pays craint maintenant une sécheresse, après un été sec et chaud. L’Angleterre et le pays de Galles devraient vivre un nouvel épisode de canicule à partir de ce jeudi. « L’Angleterre est connue de l’extérieur pour le cliché de ses gazons verts et parfaits, illustre au téléphone Jeff Da Costa, chercheur à l’Université de Reading, au Royaume-Uni. Là, on voit juste du brun partout. » La nouvelle hausse du mercure s’ajoute à un été déjà sec et chaud, faisant craindre une sécheresse. Le ministre britannique de l’Environnement, George Eustice, a demandé aux sociétés des eaux, dans ce pays où le secteur est privatisé, de prendre des mesures pour protéger les ressources. Certaines ont déjà restreint l’arrosage.

Des fleuves asséchés

La couleur brunâtre ne s’applique pas qu’à la pelouse : une source de la Tamise s’est aussi tarie, ne laissant derrière elle que quelques flaques boueuses, sans la moindre trace de vie aquatique, rapportait la BBC. « Les conditions dérèglent les écosystèmes aquatiques ou terrestres et mènent à une multitude d’effets secondaires sur la faune et la flore », dit M. Da Costa, qui s’intéresse à l’hydrométéorologie et aux conséquences des météos extrêmes. Autre voie fluviale importante de l’Europe, le Rhin cause de l’inquiétude en Allemagne, avec sa baisse de niveau. Le fleuve est utilisé pour le transport de marchandises, notamment de charbon et d’essence, et la navigation pourrait devenir difficile pour les gros bateaux. Les responsables gouvernementaux estiment que le cours d’eau pourrait descendre sous les 40 cm vendredi au niveau de la ville de Kaub. Le fleuve a été à son plus bas en 2018 en atteignant 27 cm.

Incendies en France

La France ne connaît pas de répit non plus, malmenée par les incendies et les températures torrides. Le feu a forcé depuis mardi après-midi l’évacuation de 6000 personnes en Gironde, une région déjà affectée le mois passé par les flammes. Mardi, un autre incendie de forêt, au sud de Bordeaux, a repris de la vigueur, attisé par la sécheresse environnante. Depuis le mois de janvier, plus de 50 000 hectares ont brûlé au pays, selon le Système européen d’information sur les incendies de forêt. Le sud-ouest du pays connaissait mercredi une nouvelle vague de chaleur, la troisième canicule de l’été – moins chaude, mais plus longue, cette fois. Sur 96 départements de France métropolitaine, 93 font l’objet de mesures pour restreindre l’usage de l’eau.

Agriculture et réserves d’eau

Les agriculteurs français, particulièrement dans le domaine du maïs, s’inquiètent de la sécheresse actuelle sur leurs productions. Des mesures mises en place, comme l’interdiction d’irriguer, laissent les agriculteurs impuissants devant la végétation desséchée. L’impact se fait ensuite sentir pour le reste de la population. « L’agriculture peut commencer à souffrir d’un épisode de chaleur intense, et ça vient encore se compliquer parce que la demande domestique en eau augmente en même temps, avec les piscines, les jardins », souligne Heather Smith, chargée de cours en gouvernance de l’eau à l’Université de Cranfield, au Royaume-Uni, jointe au téléphone. En Espagne, une grande partie de l’eau est normalement vouée à l’irrigation agricole. Or, le pays n’est pas épargné par l’absence de pluie et la chaleur. Ses réserves d’eau ont descendu à 40,4 % de leur capacité au début du mois d’août. La ministre de la Transition écologique, Teresa Ribera, citée par l’Agence France-Presse cette semaine, a dit anticiper des « épisodes de tension maximale ».

Repenser la consommation d’eau

La situation force les dirigeants et les sociétés responsables des eaux à prendre différentes mesures pour économiser la précieuse ressource : dans certaines municipalités, les fontaines ont arrêté de fonctionner. L’arrosage est restreint. Mais au-delà des solutions temporaires, des experts invitent gouvernements et populations à repenser leur rapport à l’eau. « On consomme trop d’eau par rapport au climat dans lequel on vit actuellement », expose M. Da Costa. Pour Heather Smith, il faut faire diminuer la demande, prévenir le gaspillage et les fuites, se pencher sur une meilleure réutilisation des eaux usées. « Les prévisions disent que nous aurons des étés plus longs et plus secs, il faut revoir notre utilisation de l’eau », ajoute-t-elle.

— Avec l’Associated Press, l’Agence France-Presse, la BBC et Reuters

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