« On doit garder cet équilibre-là »

Bien que le nombre de nouveaux cas de COVID-19 affiche une tendance à la baisse et que le bilan des décès se stabilise au Québec, il est encore trop tôt pour crier victoire. Une hausse des hospitalisations et un relâchement de la part de la population pourraient compromettre l’embellie, souligne Roxane Borgès Da Silva, experte en santé publique. Dans l'ensemble du Canada, la situation se détériore, contraignant les gouvernements provinciaux à resserrer les mesures à l'approche du temps – et du magasinage – des Fêtes.

COVID-19

Baisse des cas, mais les décès toujours élevés

Après un sursaut dans les jours ayant suivi l’Halloween, le Québec affiche désormais une tendance à la baisse dans le nombre de nouveaux cas de COVID-19. Or, il est encore trop tôt pour crier victoire, puisque cette tendance doit se maintenir et que le bilan en décès de la pandémie demeure toutefois élevé.

Baisse des cas

Au cours de la dernière semaine, le Québec a rapporté un peu plus de 8000 nouveaux cas de COVID-19, soit en moyenne 1150 par jour. Ce bilan marque une nette amélioration par rapport à la semaine précédente, alors que la province avait établi un nouveau sommet depuis le début de la pandémie, avec une moyenne de 1300 cas par jour.

« C’est des premiers signes qui nous montrent qu’on est en train d’avoir le contrôle. Mais je ne crie pas “hourra !” tout de suite, parce qu’il faut maintenir cette stabilité et cette décroissance-là, et maintenir les mesures », réagit Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal. « On doit garder cet équilibre-là et c’est ce qui m’inquiète, parce qu’on sent aussi un relâchement de la part de la population. »

Rappelons qu’après avoir observé un plateau d’un millier de cas par jour pendant cinq semaines cet automne, le Québec a enregistré une hausse des cas au début du mois de novembre, soit quelques jours après les célébrations de l’Halloween. Y a-t-il un lien à faire entre les festivités et ce sursaut ?

« C’est très difficile de se prononcer là-dessus, il y a toutes sortes de variables qui peuvent influencer, que ce soit le fait que l’automne soit arrivé, l’Halloween... Oui, il y a eu les enfants dans les rues, mais ce qui m’inquiète plus, c’est les partys privés qui ont pu avoir lieu à l’intérieur. »

— Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal

« On ne peut pas isoler les facteurs, poursuit la professeure Da Silva. C’est multifactoriel, et il faut avoir accès à beaucoup de données pour faire une telle analyse et malheureusement, nous les chercheurs, on a du mal à accéder à toutes ces données-là. Mais c’est assurément une hypothèse. »

Décès stables

Pendant que les cas sont en baisse, le bilan des décès s’est quant à lui stabilisé la semaine dernière. Le Québec a ainsi rapporté 191 décès, soit autant que la précédente. Cela représente 27 décès par jour.

C’est en Montérégie que l’on a déploré le plus de morts de la COVID-19, soit 37 en une semaine. La Capitale-Nationale a enregistré 27 décès, ce qui représente une baisse du tiers par rapport à la semaine précédente. Par contre, Chaudière-Appalaches en a rapporté davantage, soit 20.

Hospitalisations en hausse

Ce bilan des décès pourrait toutefois s’alourdir au cours des prochains jours en raison de la tendance dans les hospitalisations. Celles-ci étaient en effet en hausse par rapport à la semaine précédente. Ainsi, 634 personnes se trouvaient à l’hôpital lundi, dont 98 aux soins intensifs. Il y a une semaine, on dénombrait 591 personnes hospitalisées, dont 87 aux soins intensifs. Des données qui n’étonnent pas la professeure Da Silva.

« Il y a toujours un décalage entre le dépistage des cas, l’hospitalisation et les soins intensifs. À partir du moment où on est testé COVID positif, ça peut prendre jusqu’à quatre semaines avant d’être hospitalisé. Donc des gens qui auraient été contaminés à l’Halloween ou dans les jours autour, ce n’est pas étonnant qu’ils soient hospitalisés maintenant », soulève-t-elle.

Amélioration dans la majorité des groupes

La récente amélioration du bilan québécois se fait sentir dans pratiquement tous les groupes d’âge. Seuls les 70 ans et plus affichent une tendance stable. Reste que ce plateau chez le groupe le plus à risque face à la COVID-19 représente une pause bienvenue dans la tendance à la hausse observée depuis le début du mois de septembre.

L’amélioration du bilan québécois dans le nombre de cas s’explique en grande partie par l’embellie observée dans le Grand Montréal. Les cinq régions ont rapporté un total de 4400 cas la semaine dernière, contre 5400 la précédente, soit une baisse de 18 %. L’amélioration est particulièrement marquée dans les Laurentides, où le nombre de nouveaux cas a pratiquement diminué de moitié.

À l’inverse, le Saguenay–Lac-Saint-Jean a continué à afficher une tendance à la hausse. La région a enregistré 1164 cas en une semaine, contre 974 la précédente. Cela représente une augmentation de 20 %. Quotidiennement, le Saguenay–Lac-Saint-Jean rapporte ainsi 60 nouveaux cas par 100 000 habitants, quatre fois plus que la moyenne provinciale.

« Je suis très inquiète pour des régions comme le Saguenay, où les médecins sont sortis en fin de semaine pour demander à la population de respecter les mesures, réagit Roxane Borgès Da Silva. Le système de soins au Saguenay est à bout de souffle. »

Longtemps source d’inquiétude, la Capitale-Nationale a rapporté 687 cas la semaine dernière, soit autant que la précédente. Par habitant, elle affiche désormais un taux similaire à celui de l’île de Montréal, soit 13 cas par 100 000 habitants.

Tests en hausse, positivité en baisse

La dernière semaine a marqué une hausse dans le nombre de tests réalisés au Québec. Un peu plus de 195 000 analyses de dépistage de la COVID-19 ont été effectuées, soit 28 000 en moyenne par jour. Après une baisse en octobre, la province s’est rapprochée du sommet établi à la fin de septembre.

Grâce à cette hausse du nombre de tests et à la diminution du nombre de cas enregistrés, le taux de positivité a reculé à 4,1 %. Cela marque une nette amélioration par rapport à la dernière semaine, où il s’était établi à 4,9 %, soit tout près du seuil de 5 % fixé par l’Organisation mondiale de la santé pour garder le contrôle sur la propagation de la pandémie.

« C’est une très bonne nouvelle, estime la professeure Da Silva. On critique beaucoup le gouvernement, mais il travaille fort – si on regarde ailleurs, il travaille fort. »

« Ils essaient de trouver l’équilibre et ils sont assez créatifs et inventifs dans les mesures proposées pour continuer à descendre [la courbe] tout en permettant les partys de Noël. »

— Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal

La spécialiste, qui « salue la position du gouvernement », croit d’ailleurs que le scénario observé à la suite de l’Halloween ne risque pas de se répéter aux Fêtes, à condition que l’isolement proposé par le gouvernement avant et après Noël soit respecté par la population.

« Il y aura quelques personnes qui seront des porteurs asymptomatiques et qui ne sauront pas qu’elles ont la COVID-19. Admettons qu’elles transmettent la COVID au party du 24, ceux qui l’attraperont et qui verront d’autres personnes le 25 ou le 26, il y a très peu de chances qu’ils les contaminent, parce qu’ils n’auront pas le temps d’incuber le virus pour être contagieux eux-mêmes, dans l’immédiat. Ces quatre jours-là permettent de protéger la population », observe-t-elle.

L’OMS recommande un Noël sans toute la famille

Un Noël en petit comité, sans grande réunion de famille, est sans doute « la meilleure option » en ces temps de pandémie pour la majorité des pays, a estimé lundi l’Organisation mondiale de la santé (OMS). « C’est incroyablement difficile parce que, particulièrement pendant la période des Fêtes, nous voulons vraiment être avec notre famille. Mais dans certains cas, ne pas avoir de réunion de famille est l’option la plus sûre », a insisté Maria Van Kerkhove, chargée de la gestion de la pandémie à l’OMS. La scientifique américaine n’avait sans doute pas que Noël à l’esprit, mais aussi Thanksgiving, la fête familiale par excellence aux États-Unis, qui sera célébrée jeudi. Les spécialistes craignent un nouveau pic d’infections dans le pays, déjà le plus touché par la COVID-19, avec presque 260 000 morts. « Même si vous ne pouvez pas célébrer ensemble cette année, vous pouvez trouver des moyens de célébrer quand tout cela sera fini. On fait ça dans ma famille et on fera une sacrée fête quand ce sera fini », a aussi confié Maria Van Kerkhove.

– Agence France-Presse

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« Ça ne va pas bien au Canada »

Contrairement à ce qui s’est produit au printemps dernier, le Québec n’est pas la province qui est la plus frappée par la deuxième vague de la pandémie. Survol d’un océan à l’autre.

« Montée rapide »

Les trois provinces des Prairies, en proportion de leur population, enregistrent nettement plus de nouveaux cas et sont aux prises avec une explosion exponentielle des infections, tandis que l’Ontario et la Colombie-Britannique n’ont pas réussi à aplatir la courbe et à atteindre un plateau. Partout à travers le Canada, l’inquiétude est grande et les gouvernements provinciaux resserrent les règles.

« Ça ne va pas bien au Canada », affirme Gaston De Serres, médecin-épidémiologiste à l’Institut national de santé publique du Québec. « Au niveau canadien, on est dans une montée très rapide. Les chiffres ne sont pas rassurants. »

« Niveau précaire » en Alberta

Les chiffres ne cessent d’augmenter en Alberta, où on a signalé 1549 nouveaux cas lundi. Cette province compte 12 195 cas actifs, soit presque autant que l’Ontario (12 918) et plus que le Québec (11 128), malgré le fait qu’elle ne compte que 4,4 millions d’habitants. Selon sa médecin-hygiéniste en chef, la Dre Deena Hinshaw, « un niveau précaire » a été atteint. Le virus se propage plus rapidement et plus largement que jamais depuis le début de la pandémie. L’Alberta est aux prises avec une croissance exponentielle des nouveaux cas. Lundi, 328 personnes étaient hospitalisées, dont 62 aux soins intensifs. Le nombre de décès atteint 476, en hausse de 5 depuis 24 heures. La Dre Hinshaw a annoncé, dans sa mise à jour quotidienne, qu’elle allait discuter avec les autorités gouvernementales d’une série de nouvelles mesures pour réduire la propagation fulgurante de la COVID-19. « Sur la base de leurs décisions, nous fournirons une mise à jour détaillée aux Albertains [mardi] », a-t-elle dit. Le gouvernement conservateur de Jason Kenney n’impose pas le port du masque et laisse cette responsabilité aux municipalités. À Calgary et à Edmonton, où le masque est obligatoire dans les lieux publics intérieurs, les rassemblements intérieurs sont limités à 15 personnes depuis un mois, mais les restaurants et les commerces sont ouverts. Avec 173 nouveaux cas par 100 000 habitants pour les sept derniers jours, l’Alberta dépasse largement les 97 cas du Québec.

Toronto ferme ses commerces non essentiels

À l’approche des Fêtes, Toronto et sa banlieue Peel durcissent les règles sanitaires pour au moins 28 jours. Depuis lundi, les commerces non essentiels sont fermés, de même que les services de soins personnels et les salles à manger des restaurants, un dur coup pour les commerçants et pour le magasinage de Noël. Les rassemblements privés intérieurs sont aussi interdits sous peine d’amende, mais les écoles et les services de garde restent ouverts. Lundi, l’Ontario a enregistré 1589 nouveaux cas, un record, et 19 décès dus au virus, ce qui représente un nouveau sommet pour la province. Ainsi, le nombre de nouveaux cas dépasse maintenant celui du Québec, quoiqu’en proportion de la population, on en compte moins qu’ici, soit 68 par 100 000 habitants au cours des 7 derniers jours. Cependant, la province voisine est toujours aux prises avec une croissance forte et n’a pas réussi, comme le Québec, à en arriver à un plateau. La situation se corse aussi dans les hôpitaux, où certaines interventions chirurgicales et procédures électives ont été annulées pour laisser les places aux patients atteints de la COVID-19. « La situation est extrêmement sérieuse », a dit le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, en point de presse. « Nous ne pouvons risquer de voir nos hôpitaux débordés. »

La Colombie-Britannique renforce ses règles

La Colombie-Britannique, qui avait été exemplaire le printemps dernier dans son combat contre la pandémie, se fait rattraper par la deuxième vague et tente elle aussi de maîtriser l’évolution rapide de la COVID-19 sur son territoire. Une série de mesures plus strictes ont été mises en place jeudi dernier, dont l’interdiction des rassemblements privés et le port du masque dans tous les lieux publics intérieurs. Au cours des 24 dernières heures, 594 nouveaux cas et 17 décès ont été enregistrés. Le nombre de cas de COVID-19 dépasse 25 000 depuis le début de la pandémie, comparativement à 132 000 au Québec et à 107 000 en Ontario. Le nombre de nouveaux cas depuis 7 jours atteint 63 par 100 000 habitants.

Le Manitoba bat des records

Comme l’Alberta, le Manitoba va de record en record. Lundi, le nombre de cas quotidiens a dépassé 500 pour la première fois, avec 543 nouvelles infections. C’est à Winnipeg qu’on trouve la grande majorité des nouveaux cas. À l’échelle de la province, le nombre total d’infections dépasse maintenant 14 000. La situation est particulièrement difficile dans les hôpitaux, où on compte 296 personnes atteintes du coronavirus, dont 52 aux soins intensifs. On dénombre de nombreuses éclosions dans les résidences pour personnes âgées. La COVID-19 a fait 236 victimes dans cette province depuis le début de l’épidémie. Avec 190 cas depuis 7 jours par 100 000 habitants, le Manitoba est la province la plus durement frappée par la deuxième vague. Les effets de la pandémie sont également marqués en Saskatchewan, avec 1472 cas depuis 7 jours, soit 125 par 100 000 habitants.

La bulle atlantique éclate

Formée lors de la première vague pour tenter de freiner la propagation de la COVID-19, la bulle atlantique a éclaté, lundi, avec le départ de Terre-Neuve-et-Labrador et de l’Île-du-Prince-Édouard. Ces deux provinces ont fait savoir qu’elles se retiraient pour au moins deux semaines parce que le nombre de nouveaux cas est à la hausse en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, quoique, à l’échelle québécoise, la prévalence reste très faible – 8 cas par 100 000 habitants au Nouveau-Brunswick et 4 en Nouvelle-Écosse. Ainsi, les personnes des Maritimes qui vont à Terre-Neuve-et-Labrador et à l’Île-du-Prince-Édouard doivent maintenant se mettre en quarantaine. C’était déjà le cas pour les autres Canadiens. « Il n’y a personne qui souhaite un retour au confinement », a déclaré le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, Andrew Furey, en conférence de presse. En Nouvelle-Écosse, de nouvelles règles, en vigueur depuis lundi, limitent les rassemblements dans la région de Halifax.

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Une expérience de magasinage « complètement différente »

Le Dr Horacio Arruda a fait savoir la semaine dernière que la foule dense des centres commerciaux inquiétait la Santé publique. Mais sur le terrain, les acteurs du monde commercial se font rassurants. Tour d’horizon.

Renforcer les mesures sanitaires

Même si l’achalandage des Fêtes dans les centres commerciaux inquiète la Dre Marie-France Raynault, spécialiste en santé publique, elle ne croit pas qu’il faudrait les fermer. Sauf qu’elle est d’avis que les mesures sanitaires devraient être « renforcées » pour s’assurer que la distanciation physique soit respectée. Si cette professeure émérite de l’Université de Montréal conseillait le gouvernement Legault à ce sujet, elle proposerait une prolongation des heures d’ouverture, et peut-être même des plages horaires que les consommateurs pourraient réserver « pour étaler la clientèle ». Les magasins qui ont des portes vers l’extérieur devraient privilégier cet accès pour favoriser les achats sans que les clients soient obligés de se promener à l’intérieur du centre commercial. Dans une même section d’un magasin, par exemple celle des manteaux, il faudrait également « limiter le nombre de personnes ». Malheureusement pour la magie des Fêtes, elle proposerait également qu’aucune activité ne soit permise, comme les spectacles de Noël, et de minimiser les décorations. « Il faut limiter tout ce qui n’est pas l’expérience directe du magasinage pour éviter des attroupements. »

« On continue de s’ajuster »

Cominar, propriétaire de 18 centres commerciaux à travers la province, a dit « s’adapter continuellement » à la situation et aux mesures de santé publique. Un exemple donné par son vice-président, exploitation et commerce de détail, Jean-Marc Rouleau, est le désinfectant à mains. Puisque des gens préféraient éviter le lavage de mains en raison de désinfectants trop odorants ou de textures inconfortables, tous leurs centres commerciaux seront bientôt équipés de distributrices de gel de l’entreprise québécoise Bite Size Entertainment, qui est « de meilleure qualité et qui a moins d’odeur ». M. Rouleau a aussi affirmé que les centres sont prêts à recevoir un volume plus important de consommateurs grâce à l’augmentation du personnel chargé de faire respecter les mesures sanitaires. Contredisant le DArruda, le directeur général de Destination centre-ville Montréal, Émile Roux, a affirmé ne pas avoir ressenti un « relâchement » des mesures sanitaires de la part des commerçants dans les dernières semaines.

Privilégier l’achat en ligne

Tous les acteurs du milieu consultés par La Presse ont martelé l’importance de privilégier l’achat en ligne cette année. Même que pour la Dre Marie-France Raynault, il serait pertinent que les commerces offrent des « rabais en ligne plus importants que ceux en magasin » pour éviter un achalandage problématique. Jean-Marc Rouleau, de Cominar, a aussi indiqué que les consommateurs pouvaient faire leur achat par téléphone. Il y a également des aires de collecte dans des stationnements de centres commerciaux. Billy Walsh, président de l’Association des sociétés de développement commercial de Montréal, a ajouté que les Québécois devraient encourager les producteurs, commerçants et fabricants locaux. Et ce, peu importe si l’achat est fait en ligne ou en personne. Ainsi, ils s’assurent que lorsque la pandémie sera chose du passé, les commerçants n’auront pas disparu. « Quand les consommateurs posent ce geste-là, ils contribuent aussi à la vitalité de leur quartier et de leur ville. »

Le père Noël restera au pôle Nord

Bien conscients qu’il faut encourager les clients à « éviter les visites non essentielles », la majorité des centres commerciaux, dont tous ceux appartenant à Cominar, feront une croix sur les activités des Fêtes comme le village du père Noël. Dans ceux de Cadillac Fairview, les enfants pourront voir le père Noël de façon virtuelle seulement pour minimiser les « rassemblements sociaux » et « protéger la santé » de tous, a affirmé sa porte-parole Chloé Bitton. Pour le centre-ville de Montréal, toute l’animation a été prévue à l’extérieur avec un parcours féérique à la Place des Arts. « La rue Sainte-Catherine n’a rien à voir avec celle des années précédentes où des milliers de gens s’y entassaient. Puisque les tours de bureaux sont pratiquement désertes, c’est une expérience complètement différente cette année », a fait remarquer Émile Roux. De plus, il a souligné que « dès le lendemain de l’Halloween », des Québécois ont commencé à faire leurs achats de Noël. « Il y aura donc moins de personnes qu’à l’habitude dans les commerces à l’approche des Fêtes. »

Le commerce de proximité

Un des avantages du centre-ville de Montréal, c’est que bien des entreprises ont pignon sur rue, ce qui minimise les risques de contamination, a noté Émile Roux. C’est aussi le cas des commerces de proximité, a renchéri Billy Walsh. Il s’est dit « grandement surpris » de l’innovation dont font preuve les entrepreneurs pour continuer leur travail en temps de pandémie, dont la création du système de livraison ou de ramassage à la porte. « Même si ce n’est pas nécessairement bon pour leurs affaires, ils limitent la clientèle à l’intérieur de leur commerce et ils créent des files d’attente à l’extérieur. Ils font même des horaires avec rendez-vous pour leurs clients dans le cadre du magasinage du temps des Fêtes », a expliqué M. Walsh. Et si les autorités leur demandaient d’en faire plus pour le temps des Fêtes ? « Que peut-on réellement faire de plus sinon que de les fermer complètement ? a demandé M. Walsh. Et si on les fermait, ce serait la catastrophe. »

Faut-il encore désinfecter avec ferveur ?

Oui, mais aux bons endroits, aux bons moments et avec les bons produits, soulignent les experts

Alors que le risque réel d’attraper la COVID-19 par contact avec une surface apparaît plutôt théorique, les enseignants, les éducatrices en garderie et les commerçants doivent-ils continuer de frotter et de désinfecter de façon obsessionnelle ? Les consignes de la Santé publique devraient-elles être mises à jour pour tenir compte des risques réels de la COVID-19 ?

« C’est une question très pertinente sur laquelle la Santé publique devrait se pencher, répond Christian L. Jacob, président de l’Association des microbiologistes du Québec. Assurément, ça devient lourd, et comme il est question de produits chimiques, il faut y réfléchir. »

Si l’on a cessé depuis belle lurette de nettoyer énergiquement le pot de yogourt et de se méfier du pot d’houmos au retour de l’épicerie, si les gardiens des mains propres se font plus rares à l’entrée des commerces, il arrive encore qu’on se fasse refuser un petit verre d’eau pour son enfant. Et mieux vaut ne pas avoir envie d’aller aux toilettes quand on part de la maison.

Dans le New York Times, le Dr Kevin P. Fennely, pneumologue américain spécialisé dans les infections respiratoires, a dit ouvertement qu’à son avis, « beaucoup de temps, d’énergie et d’argent sont gaspillés sur la désinfection des surfaces, alors qu’au contraire, on ne porte pas assez d’attention à la transmission par aérosols » qui, elle, est plus problématique.

Ne pas baisser la garde

Le DDavid Kaiser, de la Santé publique de Montréal, dit pour sa part « qu’effectivement, il n’y a pas de preuves sur le terrain que la COVID-19 se transmet par un contact avec un objet. Mais on n’écarte jamais totalement cette possibilité parce que dans certains contextes, le danger est plus grand ».

Ainsi, dans les lieux clos moins ventilés où se trouvent plusieurs personnes – notamment les hôpitaux, les garderies, les écoles et les résidences pour personnes âgées –, le DKaiser croit qu’il ne faut pas baisser la garde, particulièrement dans les lieux très fréquentés comme les toilettes.

Il ajoute cependant qu’« il faut mettre son énergie là où les efforts auront le plus d’impact », à savoir « dans le respect des mesures de distanciation, du port du masque et de l’hygiène des mains ».

« [Depuis le début de la pandémie], on a fait du chemin par rapport à certaines mesures extrêmement précautionneuses par rapport aux risques réels. »

— Le DDavid Kaiser, de la Santé publique de Montréal

Il évoque le fait qu’il n’est plus question de quarantaine d’une semaine pour les livres de bibliothèque et que les épiceries n’en sont plus à refuser les bouteilles en consigne.

Aussi, « rien dans les balises n’interdit le va-et-vient des cahiers, des livres et du matériel scolaire », dit-il.

Et, chose certaine, depuis plusieurs mois, les articles sur le thème « Combien de temps le virus survit-il sur le plastique ? Sur le métal ? Sur le chat du voisin ? » se font de plus en plus rares.

Les bons endroits, au bon moment

Selon Christian L. Jacob, président de l’Association des microbiologistes du Québec, une bonne façon d’alléger la lourdeur du nettoyage, c’est de concentrer ses efforts à des moments stratégiques. « De désinfecter le matin, quand personne n’a touché les surfaces depuis 14 heures ou plus ou de le faire à la fin des classes, quand les enfants partent, ce n’est peut-être pas particulièrement utile. Par contre, le lavage des poignées de porte plusieurs fois dans la journée, quand beaucoup de monde y touche, ça demeure une bonne idée », illustre-t-il.

Même chose pour les pupitres : si chaque élève est resté à sa place pendant une période donnée, il n’est pas nécessaire de tout nettoyer. Par contre, si les pupitres ont été partagés à plusieurs, là, il faut y aller plus franchement.

Bref, il faut encore nettoyer, mais aux bons moments, et aussi avec les bons produits, souligne M. Jacob.

À cet effet, il précise que l’idéal serait d’utiliser l’alcool à 70 %, peu toxique, ou le peroxyde. Mais bien sûr, en grande quantité, ça revient cher, alors un ammonium quaternaire comme le Hertel est approprié, en faisant attention de bien ventiler, dit M. Jacob.

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